Vespérales élégies, de Pierre Ech Ardour

Vespérales élégies, recueil de poésie, Éditions Levant, janvier 2024
Illustrations : « Outremer et blanc – reliefs 1. 2 et 3 » de Chantal Giraud Cauchy.

 

Ce recueil poétique est le premier d’une trilogie sujette au soutien triennal pour ce projet de Sète Agglopôle Méditerranée envers les Éditions Levant. Il est illustré de trois œuvres spécialement composées pour le livre par Chantal Giraud Cauchy (Pigments outremer et blanc – 2021).

Le recueil trace les pérégrinations poétiques et cosmologiques de l’auteur entre Sète et Céret.
La voix des poèmes porte une entière adresse à la Vie, à la Liberté, à la Femme et à l’Amour.

 

 

 

FRAGMENTS

Au sel de vie profonde
S’incruste en délivrance
L’orphelin silence
 

À l’abri de tes billets
mûrit indélébile ton cœur,
danse à l’ombre de phonèmes
la sveltesse de ta fraîcheur
Sur mes pas m’incombe à
poursuivre inféconde l’attente,
désillusionne mes espoirs
noire brisante la lumière
Seul l’élixir de ta pierre
sous la nue séraphique
fleure la pluie d’amour
Sur ta robe de printemps
irradie en parhélie gracieux
le galbe de tes jardins,
m’enserre ta voix-frisson
exsangue de poèmes-mânes
Fuguent en ta chevelure
nomades gravées au lunaire halo
les lettres du chant lointain
Profère bleue ta bouche
par la faille du temps
gracile le fil de nos pas intriqués
à l’errance des mots-poussière

 

Ennoblit ton écriture
Égrener les nocturnes épis
Sur la chevelure du ciel
 

Aux lèvres de tes mots,
par la grâce d’éloquence,
édifie chaque syllabe
l’envol de ton souffle
Chaque nuit de justesse
laboure de volés silences,
s’éclipse du vain désert,
déchire l’ombre du vent
Sur la vespérale friche
coudoie l’écho les pierres,
choient d’obscures nues
Mais en l’antre de ta rosée,
greffe à mon tronc le feu
ton arbre de pensée,
m’emmure de fraîcheur
la crête de ta montagne,
me délivre des ailleurs
la volupté de ta maison
À l’abri du tréfonds de nuit
ruissellent d’étoiles tes yeux

 

 

Le visiteur solitaire d’André Gardies (édition revue et augmentée)

Le visiteur solitaire, roman, édition revue et augmentée, éditions Nombre 7, 2024 (éditions de Paris/Max Chaleil, 2008)

Dans un village des Hauts Plateaux, pays de solitude et de pauvreté, que hante encore le souvenir de la Bête, un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture, Faustin Juan, est dépêché pour tenter de comprendre les réticences du pays au progrès et au remembrement. Dans ce monde isolé, vivant encore à l’ère du char à bœufs et de la polyculture de subsistance, il découvre un village pétri de terreurs, de jalousies et de ragots, aux habitants secrets et méfiants. Atmosphère tempérée par la beauté des paysages, l’amitié amoureuse de Reine qui tient le café-épicerie, et la complicité de Jean, le braconnier, mais aussi le désir trouble que suscitent Violette et Monique, deux grandes écolières plus averties qu’il n’y paraît. Tous les ingrédients sont là pour qu’éclate le drame.
Un roman qui traduit l’âpreté d’une terre aux hivers extrêmes, et la vie quotidienne d’un monde dont la noirceur est loin d’égaler celle du narrateur.
Une fable sur le pouvoir.

 

EXTRAIT

Quand un matin d’été, voici près de dix ans, je suis arrivé à ce village, les rues étaient désertes, totalement désertes. La place aussi. Aucun passant, aucune activité. J’ai longé les maisons silencieuses et muettes ; seul le crissement de mes pas résonnait entre les murs de granit gris. Un chien, dans une cour au loin, s’est mis à aboyer auquel a fait écho un meuglement sourd. Alors le discret tremblement d’un rideau m’a fait comprendre que je n’étais pas passé inaperçu. Il faisait chaud, très chaud, à l’aplomb du soleil.
J’ai poussé la porte de l’auberge. Vide elle aussi. Du moins c’est ce que j’ai cru jusqu’à ce que, mes yeux s’étant habitués à l’obscurité, je découvre deux hommes assis dans le fond, qui ne répondirent à mon bonjour que par un vague hochement de tête. Je me suis installé près de la fenêtre qui donne sur la rue et j’ai longtemps regardé dehors, espérant quelque mouvement. – Et pour ce monsieur, qu’est-ce que ça sera ?
Elle avait surgi, toute de noir vêtue, du fond d’un cagibi dérobé.
– Du café ou un verre de vin ?… Oui, on n’a pas trop le choix, mais c’est ce que tout le monde boit ici. Faudra vous y faire si vous comptez vous installer chez nous.
Comment avait-elle deviné que j’avais l’intention de séjourner quelques temps dans le village ? C’est seulement plus tard que j’ai appris qu’un des hauts responsables du Service avait joint la cabine publique – le seul téléphone à l’époque, installé justement dans l’arrière-salle de l’auberge – pour prévenir de mon arrivée et réserver la meilleure chambre. Difficile dans ces conditions de se montrer aussi discret que possible comme j’en avais l’intention. Cela expliquait aussi le peu d’attention que m’avaient accordée les deux hommes attablés. En effet, s’ils n’avaient pas eu vent de ma proche arrivée, ils auraient levé la tête, observé longuement l’étranger qui venait de pousser la porte, et non pas fait comme s’ils ne m’avaient pas vu.
Une huitaine de jours auparavant, mon supérieur, le Directeur de la Section des Affaires Paysannes, m’avait convoqué dans son bureau:
– Le plateau des Mille Sources, ça vous dit quelque chose ?…Oui, là-bas, en plein cœur du Massif Hercynien…Je parie que vous n’y êtes jamais allé. Confidence pour confidence, moi non plus. L’une des régions les plus pauvres du pays. Isolée et coincée entre deux chaînes de vieilles montagnes, complètement repliée sur elle-même, fermée au progrès et qui, depuis toujours, vit en maigre autosuffisance économique. Bref, tous les bonheurs de la vie rurale à l’ancienne. Elle serait parfaite pour des vacances « pleine nature », si seulement elle acceptait d’accueillir les touristes… En attendant, c’est un haut représentant du Ministère de l’Agriculture qu’elle aura le privilège d’accueillir, en la personne de Faustin Juan. Que voulez-vous, cher collègue, vos états de service ont plaidé pour vous.
Je reconnaissais bien là les façons directes de mon chef.
– Oui, une requête de la sous-direction du Plan et de l’Aménagement Rural… Depuis trop longtemps, les directives qu’ils envoient là-haut, dans ce pays perdu, restent quasiment sans écho, comme si elles s’évanouissaient au milieu des landes et des forêts. Jusqu’au nouveau programme de développement agricole pour les territoires défavorisés qui demeure lettre morte. Encore si ça ne concernait qu’eux, les gens de là-haut, ce serait leur affaire, ils n’auraient qu’à se débrouiller tous seuls et continuer de macérer dans leur crasse et leur misère, seulement ça retarde singulièrement notre grande cause nationale, celle du remembrement des terres et de l’ouverture vers l’agriculture moderne. Vous savez comme moi que le gouvernement n’accepte sur ce sujet aucune entrave, qu’il a fait de cette question l’une de ses priorités pour l’actuel quinquennat.
Alors, comme de juste, c’est nous qui sommes chargés d’aller fourrer notre nez là-bas. D’aller voir de plus près ce qui s’y passe. Nos informations sont plutôt maigres.

Farfulaisons – Conjugaisons poétiques et farfelues de Stéphane Amiot

Farfulaisons – Conjugaisons poétiques et farfelues, recueil de poésie, éditions Unicité, nov 2023
préface de Rose-Andrée de Laburthe – illustrations de Jorgelina (Prado) Militon

 

Découvrir et apprendre les conjugaisons en s’amusant !

Introduction drôle et instructive à la grammaire du verbe, Farfulaisons (néologisme pour conjugaisons farfelues) met en scène le verbe à travers ses multiples facettes (verbes et modes difficiles, groupes, constructions) dans quarante poèmes octosyllabiques.

 

EXTRAIT

Conjuguer c’est unir
D’un lien conjugal
L’élève et le verbe
Dans le plaisir des mots
Tout est conjugable
Mais il faut adjoindre
Un bon maître
Pas de joug des jeux
Pour subjuguer
Les juntes indigentes
Dans la conjonction
Des coordinations
Que le subjonctif
Devienne subjectif
Pour que les amours
Soient ainsi conjuguées

 

Couvées de filles de Joëlle Wintrebert

Couvées de filles, nouvelles, Au diable vauvert, octobre 2023
Illustration de couverture : Philippe Caza

Voyages dans des mondes parallèles, arches écologiques, créatures charnelles séductrices, grenier hanté, cités mystérieuses ou futures, sociétés matriarcales, transferts de corps : seize nouvelles représentatives d’un long parcours d’écriture.

 

EXTRAIT de la nouvelle intitulée Crépuscule

Debout. Droite au milieu du champ. Pieds nus dans l’herbe, éprouvant sa douceur printanière et humide. Ses jambes écartées s’enracinent. Son vieux cœur exténué bat en harmonie avec l’infime vibration de la terre. Le soleil la tient. Par bouffées, le Cers la bouscule, chargé d’arômes. L’odeur verte des pins s’y mêle à l’or sucré des fleurs de coronille. Elle hume fort, se dilate, ses bras s’élèvent…
Ses mains, ses noueuses mains que prolongent les longues rémiges fixées à ses poignets dansent autour d’elle un étrange ballet de signes. Puis le mouvement s’amplifie, s’accélère, elle s’est dressée sur la pointe des pieds comme pour un envol, enfin son cou se casse et de son visage tendu vers la nue part un cri miaulant qui s’étire.
« Ouièèh ! » répond la nue.
Elle sourit, extatique, quand elle sent passer sur ses yeux clos l’ombre du prédateur qu’elle vient d’appeler. Les années s’effacent de ses traits, ses doigts dessinent les graphes de sa jeunesse et quiconque la regarderait en cet instant jurerait qu’il lui pousse des ailes.
Bientôt, ses membres se tétanisent. Merveille, une fois de plus, de vivre ce miracle, quitter la vieille enveloppe de chair, partager le corps accueillant du rapace et chevaucher le vent…
Elle s’élève, ivre de liberté, au-dessus du petit théâtre de sa vie, joies et deuils, la solitude désormais, les murs qui se délabrent à son image mais dont les pierres centenaires sont fées, les champs démis de leurs vignes et que repeuple une jungle d’ajoncs, de genêts et de pins, la terrasse aux murets effondrés où le verger se meurt.
Sauvagerie. Son cœur se serre. Jadis elle aurait aimé ce désordre. Aujourd’hui, elle n’y voit plus qu’un douloureux chaos.

Le saut dans le vide, de Raymond Alcovère

Le saut dans le vide, livre d’artiste, ARCANA Éditions nomades, septembre 2023
Illustrations de Claude-Henri Bartoli

« Visite l’intérieur de la terre, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. » L’ancestrale formule alchimique est le sujet, la quête, du « Saut dans le vide. »
Un voyage à travers les spiritualités, de la Chine à la Grèce antique, sur les traces du Philosophe inconnu…

Cet ouvrage de 26 pages est tiré à 50 exemplaires (une impression numérique) contenant 10 illustrations de Claude-Henri Bartoli dans une reliure cahier spirale/protection plastifiée/ c’est le premier numéro de la collection : les cahiers de la poésie nomade.

 

 

EXTRAIT

Le feu du ciel jaillit de cette île. La lumière a besoin de l’ombre. En plein jour, on ne voit rien. La nuit, c’est une explosion, le plus beau spectacle du monde. La terre en fusion propulsée dans l’espace, au milieu de la Méditerranée. L’eau et le feu mêlés.

J’en ai fait l’ascension, un soir de septembre. L’après-midi, j’avais rêvé d’une source entourée de saules. À la taverne du village, un homme — il paraissait âgé mais je distinguais mal son visage dans le clair-obscur, seul son chapeau bleu orné d’un colibri avait attiré mon attention — a proposé de me guider jusqu’au cratère en fusion.

Il m’a dit : « Sachez qu’on ne peut se fuir soi-même, aller au bout du monde n’a aucun sens, aller au bout de soi est un tout autre chemin, le seul véritable. Êtes-vous sûr de vouloir accomplir ce voyage ? Les alchimistes ont interprété INRI par l’Intérieur de la Nature rénovée par le Feu (Ignis). On n’en ressort pas indemne. Tout ce qui est beau est difficile autant que rare, a écrit un philosophe. Si l’on poursuit une entreprise chimérique, la catastrophe est fatale… Avez-vous suffisamment réfléchi avant d’entreprendre cette ascension ? » Oui, lui ai-je répondu.

 

Les Magni-Freaks, de Gaspard Flamant

Les Magni-Freaks, roman jeunesse, Éditions Sarbacane, octobre 2023

  

ILS SONT ORPHELINS, ILS SONT JEUNES, ET ILS ONT SACRÉMENT MAL DÉMARRÉ DANS LA VIE. Mais Cheyenne, Liam et Squadro ont tous les trois un humour décapant et surtout : un don inexplicable.
CHEYENNE, la grande sœur fonceuse, peut traverser les murs.
SQUADRO, le requin au cœur d’enfant, peut respirer sous l’eau.
LIAM, le voyou irlandais, peut voler.
Dans les mauvais quartiers de Montpellier, où se côtoient les familles en difficulté, les gosses débrouillards, les voisins au grand cœur et la pègre sans moralité, leur rencontre va faire des étincelles.
UN IRRÉSISTIBLE TRIO D’AVENGERS À LA FRANÇAISE.

 

 

 

Lire la suite…

YU Xuanji – Dans le souffle du sabre, un ouvrage de Anne-Marie Jeanjean

YU Xuanji – Dans le souffle du sabre, poésie- biographie, Coll. Levée d’ancre, éditions L’Harmattan, mai 2023
calligraphies de Shanshan SUN – co-auteur Shanshan SUN

 

L’œuvre de cette poète célèbre du 9ème siècle (Dyn. Tang) au destin tragique est pour la première fois intégralement rassemblée et publiée. « Condamnée après un procès sous influence sa voix traverses les siècles et parvient comme un gage de vérité blessée. » Michel Cassir

Cadre, personnages historiques et poèmes font entrevoir un peu de cette société tout à fait passionnante.

 

 

 

 

 

EXTRAIT

Attendre un ami empêché par la pluie

Canard ou poisson¹ le courrier secret est vide,
Et  détestable le millet², rendez-vous raté

Donc fermer la porte et encager la lune,
Doubles rideaux déjà tirés, attachés par les liens de soie.

Sur la bordure de pierres approcher le bruit de la source,
Au loin, la vague du fleuve monte sur la rive.

Mélancolie à la pensée du village en automne et à l’invité,
De ce tourment, en faire un poème de cinq caractères.

          Jianling (860)

1 Autrefois dans le ventre de ces animaux très prisés offerts à leurs destinataires, transitait souvent
un message secret.
2 Milet : repas de réception

Le dernier cerceau ardent, de Luminitza C. Tigirlas

Le dernier cerceau ardent, poésie, éditions du Cygne, Paris, septembre 2023
dessin de couverture de Doïna Vieru

 

Ce neuvième livre de Luminitza C. Tigirlas est composé de 4 suites de poèmes en vers et en prose. Leur souffle est rythmé par les réverbérations d’une langue intime déchiquetée entre deux alphabets, entre deux rives : « Avant que la glace ne dentelle la voix de Pyreta-rivière, l’Aiguilleur-du-Ciel-sonneur, qui n’est pas toi, l’ensemence de poèmes émiettés en feux-follets. Leur respiration fait fondre la frontière. »
La poète traverse une mémoire vibratile, sa voix hèle un brin de matricaire dans les fanges temporelles — approchez mains nues, ne tirez pas !

 

 

EXTRAIT

À l’aiguillage d’une ligne de feu
— ligne d’alphabet —
ma main rate le tournant
vers l’armoise
L’horizon des mots se courbe,
son pourtour ardent
est mon cerceau de survivance
Le fauve humain se hérisse devant
la honte rouge ploie mon dos :
j’atteins le saut —
en mille éclats il m’engage
L’ouvrage de mes jours s’exfolie
il répond par une dernière ligne
— langue à trous —
Par-delà, Dieu reprend l’aiguillage :
il est aussi transfuge dans la béance

 

Accordez-moi cette danse, de François Szabó

Accordez-moi cette danse, poésie, Cap de l’Étang Éditions, septembre 2023
Couverture de Patrice Palacio et photographies couleur

Le recueil de poésie Accordez-moi cette danse de François Szabó délivre, encore une fois, comme si cela serait nécessaire de le préciser, après plus de cinquante cinq titres différents publiés, le message plein et soutenu de création poétique. Cette danse des mots, cette suite chorégraphiée, cette ferveur intacte démontre bien quel chemin parcouru à travers une œuvre généreuse et attentive aux respirations tendres et pleines d’attachants sentiments. Et une évidence, le phrasé a changé, accompagnant une suite moins longue avec plus de cellules rythmiques.

 

Préface

La rencontre avec l’œuvre de Patrice Palacio, son travail sur les blancs d’abord, son Alice aussi bien sûr, et plus récemment ses séries Danse, à la mine, à l’encre mais surtout à ce qui fait sa spécificité : à la corde. C’est un processus de création proche de la danse et la beauté du geste. Comment ne pas être séduit par cette beauté du geste justement, par l’absolu d’un jet proche de celui en littérature d’un coup de dé.

Je venais d’avoir la joie de voir paraître le recueil Poésie Chirale, chez Cap de l’Étang éditions, qui laissait une place belle à l’iconographie autour de la danse et de la Carole en particulier. Dans cet esprit d’aventure et de ferveur, je m’enquiers auprès de Patrice Palacio pour ce projet de livre autour duquel sa série Danse serait le sujet. Tout à fait persuadé, comme Carole, que la Danse est le plus démocratique des arts. Ainsi dans notre ville, comment ne pas songer à Montpellier Danse et ne pas agir en ce sens ?

Accordez-moi cette Danse est le premier pas d’une nouvelle aventure humaine.

Photographie ©

Ernesto Trémolo, de Fabienne Savarit

Ernesto Trémolo, album jeunesse, éditions A2MIMO, juin 2023
Illustrations Louise de Contes

 

Quand Nicolas va chez son grand-père, il lui raconte avec nostalgie les aventures avec son monstre de la nuit !
Mais ce monstre, existe-t-il vraiment ?
Nicolas décide de lui écrire pour découvrir qui il est, et peut être le convaincre de revenir jouer avec son grand-père.

 

Lire la suite…

Nos attrapes-rêves, de Carole Menahem-Lilin

Nos attrapes-rêves, nouvelles, Les éditions Via Domitia, Montpellier, novembre 2023
15 illustrations peintures d’Eve Grenet

De tous âges et immergés dans des mondes tous différents, les personnages des nouvelles de Carole ont pourtant une même quête : s’engager – sans renoncer à leur intime fantaisie ni à leurs questionnements. Attraper leurs rêves, ou se laisser rattraper par eux.
Les figures qui habitent les toiles d’Eve semblent plongées dans une méditation yeux ouverts, qui interroge, elle aussi, le monde.
Le hasard, qui dans les œuvres de ces deux artistes fusionne le sensible et le symbolique, ouvre parfois de saisissants raccourcis.

Quinze nouvelles donc, autant de toiles. Carole et Eve ont découvert avec délectation combien leurs inspirations pouvaient se faire écho. Ce recueil vous invite, en trente déclinaisons, dans leurs univers.

 

EXTRAIT – in Nomades

– Je vole ! dit Mona.
Mona vole, c’est vrai. Hissée sur la barrière, ses pieds, chaussés de sandales à scratch solidement coincés entre les barreaux verticaux, le dos bien droit, elle a lâché les mains et ouvert les bras. Maintenant elle les rabat et les soulève alternativement, à la manière de deux ailes. Pas trop haut ni trop fort tout de même, pour ne pas basculer en arrière. Son petit visage doré se tourne à droite puis à gauche, menton levé elle prend le soleil, yeux fermés elle attend le vent ; elle saisit, dans ce soudain moment bleu, l’intensité des courants ascensionnels et la plénitude du monde.
– Je vole ! répète-t-elle. Elle est heureuse. Pourtant, son petit nez doit se plisser et ses grands yeux se presser fort, pour empêcher les larmes de pleurer.

Ça, c’est moi qui ajoute. Moi, sa mère.
La journée avait mal commencé. J’avais reçu les résultats de l’examen la veille. Insatisfaisants, ces résultats, avait dit mon médecin au téléphone. Comme si c’était moi qui étais en faute. Comme si j’avais échoué à l’examen de la vie.

Ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom, de Françoise Renaud

Ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom, récit, collection Petites Proses, éditions KDP, juin 2023

 

Cet attachement qui relie les deux femmes de ce récit est indéfectible, il survit à toute forme d’événement ou d’accident. Il survit à l’eau et au vent. Il survit à l’éloignement et à la fièvre. C’est une histoire de corps qui porte, de chair qui enfante. L’une de ces femmes reste attachée au lieu où s’est toujours déroulée la vie pour elle et pour sa famille tandis que l’autre née d’elle n’a qu’une soif : partir loin, se détacher de la branche. Un besoin, un destin — devenir elle-même. Et elles n’auront de cesse de se perdre et de se rejoindre dans les lacis du réel, du rêve et du demi-sommeil.

 

 

PRÉSENTATION VIDÉO

 

EXTRAIT

tu ne le sais pas
mais j’aurais fait n’importe quoi pour te rejoindre, j’aurais été jusqu’à Londres ou Bangkok ou Manille

.

j’aurais marché dans les rues bruyantes en quête d’un havre, j’aurais marché longtemps au flanc des échoppes jusqu’au marché flottant de Taling Chan où j’aurais acheté des fruits de nom et d’aspect inconnus, j’aurais chassé une part de ma peur pour montrer un autre visage, tout en mangeant les fruits j’aurais regardé les pirogues qui glissaient sur le fleuve jaune
et la nuit qui tombait

 .

rien que pour te revoir
j’aurais été au bout du monde, j’aurais escaladé les montagnes les plus escarpées, franchi les déserts les plus stériles, j’aurais été à Vancouver ou à Valparaiso, j’aurais marché au flanc de la mer seule ou avec un compagnon de fortune, un voyageur rencontré par hasard qui m’aurait accompagnée jusqu’à ce point-là du voyage parce que j’aurais été trop ignorante et trop effrayée pour le faire seule,
dans l’instant où j’aurais distingué ta silhouette à l’autre bout du quai j’aurais couru vers toi pour te serrer dans mes bras,
à ton côté je me serais enflammée pour l’aspect sauvage des îles vertes ou pour le pittoresque du ciel brûlant derrière les hautes maisons riches en couleurs, des paysages que je n’aurais jamais vus auparavant et qui m’auraient séduite infiniment