Les auteurs du Languedoc-Roussillon : retour à l'accueil

Magazine

Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise Renaud
Comité de lecture :
Valéry Meynadier, Jean Reinert
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud
Directeur de publication : Francis Zamponi

D'une marge à l'autre

Harold au casino, d'Yves Carchon

Shéhérazade, Jean-Paul Bocaj

Quand Paula m’a montré sa culotte, j’ai vite compris le sort qui m’attendait. Avec elle, c’était net. Pas de minauderies ni de désir voilé par la pudeur des mots. Pas même question de préparer la table avec couverts d’argent et carafe en cristal, ni d’aller au théâtre. Non. Quand Paula avait décidé d’aller jouer au Casino, il fallait y aller. Se changer aussitôt (d’où la culotte qu’elle agitait comme un petit drapeau et que j’assimilais au féminisme révolu des années 70). Moi, j’enfilais négligemment un smoking démodé ; Paula, une robe de soirée ouverte dans le dos jusqu’à l’orée des fesses. En riant dans la glace, elle se peignait les lèvres, puis nouait mon nœud pap en me baisant la joue. « Tu viens, Harold ! » Elle m’appelait Harold en souvenir d’un personnage de BD qui, disait-elle, avait ma tête. Et je lui répondais, en souvenir sans doute de Peter Cheney : « J’arrive, poupée ! » J’en tâtais ma poche gauche de veston afin de m’assurer que mon flingue était là. Sur ce, elle me confiait les clés de sa décapotable et nous suivions le front de mer en sifflotant O Sole mìo. La nuit était tombée ; derrière le port, la mer jouait avec les flaques des enseignes. Une flottille de yachts se balançait dans l’air du soir. Au casino, Paula et moi étions reçus comme des papes par tout le personnel. On arrosait copieusement, faut dire. Après, quand on était vraiment à sec, on terminait au bar. Le casino bientôt fermait. Dans la voiture, quand on rentrait, Paula baillait. « Tu sais ce que j’attends de toi, Harold ? » Ah ça, je le savais ! « Que je te fasse une tisane avant dodo ? » « Harold, voyons ! Tu sais très bien que je déteste la tisane ! » « Je vois. Que je te fasse couler un bain, alors. » « Harold ! » « OK, promis ! Mais dis-toi bien, poupée, que je suis loin d’être très frais ! » « Ça, c’est toi qui le dis ! » Une fois rentrés, on se couchait, se collait l’un à l’autre et c’était elle la première qui s’endormait. Comme je fermais les yeux, je me jurais de lire cette foutue BD où il était question du drolatique Harold qui était seul à partager peut-être les songes de Paula.

Illustration : Shéhérazade, Jean-Paul Bocaj (acrylique sur toile, 130 x 160 cm) - www.galeriebocaj.com



Patricio Sanchez, poèmes

Les disciples

Air, Raphaëlle Boutié

Il y a longtemps, les troubadours, les poètes,
les ratés, les saltimbanques, les somnambules,
les pyromanes, les schizophrènes, les inventeurs
de tout
et de rien,
les apôtres, les disciples de Dieu (en quelque sorte)
allaient par des chemins interdits, ils allaient ouvrant
les bras (les disciples), ils allaient
sans savoir quand ni comment ni pourquoi, ils allaient
tout simplement ainsi en marchant, ils allaient
par des chemins de croix, il y a longtemps, longtemps,
ils allaient
comme si on allait
à l’abattoir, risquant leur vie chaque jour sur la corde
raide,
les troubadours, les poètes, il y a longtemps, ils allaient
par des chemins tracés par le vent, il y a longtemps,
le ciel comme chapeau, le soleil sous les nuages,
et tout cela sans rien dire, mais oui, sans rien dire
sur la corde raide, ils allaient
les troubadours, les poètes, les ratés, les saltimbanques,
les pyromanes, les schizophrènes, les inventeurs
de tout
et de rien, en ouvrant leurs bras, bien sûr, en ouvrant leurs bras.

 

Je suis celui qui est arrivé trop tard à tous les rendez-vous

Il y a des manquants, Raphaëlle Boutié

Je suis celui qui est arrivé trop tard à tous les rendez-vous.
À tous les événements importants.
À tous ces paysages qui gisent encore au fond de ma mémoire,
À tous ces départs de vieilles locomotives du Sud du Chili.

Les années ont passé comme tous ces wagons sans destin.
J’ai vu disparaître ma ville natale derrière les collines du ciel.
J’ai vu courir les aveugles appâtés par un morceau de viande.
J’ai vu des femmes et des hommes s’embrasser pour une pièce luisante
Derrière un rideau de soie et un portail ocre
Face aux yeux languissants d’une peluche en chiffon.

Quinze ans.
À cette époque-là, ma vie était un festin.
Un véritable spectacle de cirque ambulant.

Le tramway quittait le quai telle une fumée blanchâtre.

Les cracheurs de feu avalaient leurs flammes ou leurs épées en argent.
Les chiens pleuraient dans les villes effacées en regardant la lune.
Tandis que les montgolfières s’emparaient des forêts endormies.
C’était le temps des horlogers et des almanachs imaginaires.
Les rivières transportaient une mappemonde sur les ailes d’un zeppelin.

Les arbres tournoyaient comme une guitare sous l’orage.
Et on avait beau changer le monde, le geste était nocif.
Je l’avoue : j’ai manqué tous les rendez-vous dans toutes les
                                                                   villes du monde.

Et, aujourd’hui, personne ne se souvient de moi,
Personne ne se rappelle mon visage de boxeur.
Pourtant ces deux mains ont la forme d’un bateau en partance.
L’empreinte d’un transatlantique quittant ma ville un soir d’hiver,
                                                                 sur la pointe des pieds.

Illustrations : Raphaëlle Boutié - www.raphaelleboutie.com
Air
, 2010 (acrylique sur toile, 60 x 60 cm) / Il y a des manquants, 2011 (acrylique sur toile, 130 x 130 cm)




Et si je vous disais, de Jeanne Bastide

Le thérapeute de René MagritteEt si je vous disais L’avenir observe l’angle du carrefour ?
On notera que c’est au présent. C’est toujours du présent que part l’avenir. Et c’est une phrase qui n’engage pas.
Pourtant, en vous disant cela… un petit grincement.
Les mots se fracassent au fond de ma gorge. Comme un rayon de lune sur un métal dur.

À l’angle de la rue quelque chose ne va pas — ne va plus. J’ai le sentiment que le passé abandonne la partie. Il ne s’agit pas, bien sûr, de nourrir les cimetières. MAIS.
Il y a un mais.
Car tout à coup j’entends le silence de pierres. Et une simple tâche humaine surgit et brave les vents de mai. C’est maintenant comme il y a longtemps quand grand-mère ne parlait plus, mais brodait. Sa broderie était appel à la joie.
À ce carrefour du silence des pierres, la joie peut-elle être au rendez-vous ? Cette joie qui court devant comme pour échapper à la vue. Une simple phrase a suffit. Anodine. Et l’angle du carrefour est devenu angle aigu. Pointu. Qui a troué le silence.

Illustration : Le Thérapeute, René Magritte, 1937 (gouache sur papier, 92 x 65 cm)



Je suis une serial killer, de Denise Miège-Simanski

Dessin de Roland ToporJe suis une serial killer. Jusqu’à présent je l’ignorais ; on m’avait bien traitée de prédatrice ou de vampire mais il s’agissait de cas isolés — et malveillants. Là je viens de lire dans un journal bien informé que tous les serial killers ont été abandonnés par leur père lorsqu’ils étaient enfants et ont reçu un coup sur la tête (pas forcément en même temps). Ceci dit tous ceux qui, abandonnés par leur père ont reçu un coup sur la tête, ne deviennent pas automatiquement des serials killer, mais l’inverse s’est avéré — preuves à l’appui.
Or, quand j’avais 3 ans mes parents ont divorcé, mon père a quitté la maison et ma mère m’a dit qu’il m’avait abandonnée, ce qui m’a perturbée aussi bien au cours de mon adolescence qu’à l’âge adulte — les psychiatres vous le confirmeront. Quant au coup sur la tête il s’agit d’un accident de voiture au cours duquel étant assise près du chauffeur et n’ayant pas bouclé ma ceinture, ma tête a percuté le pare-brise. Je me suis évanouie, on m’a transportée à l’hôpital. Pas de traumatisme sérieux, mais je ressens encore des douleurs au moment des pluies orageuses.
Donc maintenant je le sais, je suis une serial killer. Pour l’instant je ne tue que les mouches… mais sait-on jamais ce que l’avenir nous réserve ?

Illustration : dessin de Roland Topor



L'ennemi de l'homme, de Jean Reinert

Toile du Douanier Rousseau (détail)

Quand l’homme apparut sur la Terre et commença à y prospérer, l’Ennemi de l’homme chercha le moyen de l’en débarrasser. Il inventa d’abord un déluge, une pluie qui dura quarante jours et quarante nuits, et ainsi les hommes furent noyés. Mais il en survécut quelques uns, réfugiés dans une arche ou sur les sommets des plus hautes montagnes, et il ne fallut que peu de temps pour que l’homme se remette à prospérer sur la Terre. Alors l’Ennemi de l’homme inventa une maladie, une peste fatale au genre humain, et il la propagea dans les foyers des hommes. Ceux-ci moururent en masse, tous crurent la fin du monde arrivée. Mais là encore, il y eut quelques survivants, des solitaires épargnés par la contagion ou des plus résistants que les autres : cela suffit pour que, bientôt, l’homme se remette à croître et à se multiplier sur la Terre. Voyant cela,  l’Ennemi de l’homme lança un grand froid sur la Terre, l’hiver ne cessa pas et les autres saisons disparurent. Les océans et les continents se couvrirent de glaces, les loups et les ours prospérèrent à la place des hommes. Cependant, certains de ceux-ci survécurent dans le fond des cavernes, d’autres étaient devenus aussi adroits à la chasse que les fauves redoutables. Et lorsqu’enfin le printemps revint, ce fut une grande réjouissance parmi les hommes qui se mirent à prospérer et procréer de plus belle.
L’Ennemi de l’homme cessa alors de poursuivre les humains de sa vindicte, au contraire, il les combla de bienfaits. Il inventa des plantes qui pouvaient les nourrir abondamment et sûrement, il cacha sous la terre des trésors qui démultipliaient leur pouvoir sur les choses. Et, en effet, l’homme y gagna un pouvoir immense. Mais il s’enticha aussi de possession, de richesse et de profit, il se fit lui-même bête féroce pour l’homme et la démesure s’empara de lui : il devint ainsi son propre ennemi. Peu de chance qu’il survive à son immense pouvoir maintenant qu’il est devenu de lui-même son propre ennemi !

Illustration : Tigre sous une tempête tropicale, Douanier Rousseau, 1891 (fragment)


TRADUCTION

Une île, de Françoise Renaud

Traduit en arabe par Fahd Touma

جزيرة.

Wou-Ki Zao

كنت قد لقيته في قطار. قال إنّه صاحبُ حانوت.
- وماذا تبيعُ فيه ؟
- آه ، لا أبيعُ إلاّ أوراقاً قديمة .
ورفع يده كأنه يشير إلى البحر أو إلى الصحراء ، إلى تلك الفضاءات التي تتعدّى أبعادُها ما هو مَرئِيّ ، وحيث الثنايا التي تأوي ، بشكل مؤكّد ، نتوءاتٍ وتضاريسَ تَؤُمُّها طيورٌ نادرة.
كان زجاجُ النوافذِ حولَنا يَعرِض على أنظارِنا رؤيةً تعكّرُها غشاوةٌ من ماءِ الْمَطرِ الهاطل بِغزارة ، ثم أطبقتِ العَتَمةُ ، وكدنا نصلُ إلى المكان المقصود.
تَخيّلتُهُ سكوتاً رابضاً بين رفوفِ حانوتِه المكسوّ بالكتبِ حتى اللَّبَّةِ ، كأنّه رُبّانُ سفينةٍ مُرهَفُ السمعِ لأيّ حِسّ يَسمعُه من ضُلوعِ مركبِه .
كان قد نظّمَ ترتيبَ الكتب في حانوتِه طولَ مراحل حياته ، يَفرِزُها ويبحثُ عنها في سوق الْخُردة وهَمُّه اكتمالُ مَجموعاتِهِ . ومن كثرة تداولِها بيديه كانت رائحتُها تَضوعُ منهُ.
وكان زبائنُه يُحبّون ذلك ، كانوا يُحِبّون جزيرَتَهُ في قلب الْمدينة .
وهمس أن الزبائن أصبحوا نادرين ، وأنّ عددهم بدأ ينقص يوماً بعد يوم .
بدا صوته واهناً .

وبِسرعةٍ فرّقَ بَيننا حشدُ الناس على الرصيف

فرنسواز رونو
Texte original

Illustration : Wou-Ki Zao, Feb. 13 1921



CHEZ MON LIBRAIRE, CE N'EST PAS PLUS CHER !

Languedoc-Roussillon livre et lecture nous propose deux textes de forme poétique issus du projet d'exposition "Chez mon libraire, ce n'est pas plus cher", toujours en compagnie de portraits photographiques de Sylvie Goussopoulos. Quant à l'exposition, elle poursuit son voyage vers Florac et Béziers.

Carré d'Art, Nîmes – Hélène Tran

Carré d'Art, Nîmes – Hélène Tran © Sylvie Goussopoulos

Librairie, lieu de plaisir

Tu me plais
Viens dans ma main
Ouvre-toi
Laisse-moi te parcourir
Te caresser,
Te dévorer des yeux,
Te savourer
Prends-moi
Roule-moi
Dans tes mots
Offre-moi l’infiniment petit
Et l’infiniment grand
Offre-moi les grands horizons
Et l’aventure du quotidien
L’intérieur.

Et l’extérieur
Le profond
Et le superficiel
Le vrai
Et le faux indémêlés
La paix
Et l’horreur.
La transmutation.
Restons tous deux
Suspendus dans le temps
Et jusqu’au point final
Ne me déçois pas.
S’il te plaît,
Mon livre.

Janine Teisson


Librairie Clareton, Béziers

Librairie Clareton, Béziers © Sylvie Goussopoulos

Dans un souffle

Dins un buf
Arrestar lo temps
Per viure, enfin
E escanar l’escur,
Se far cat dins ton dintre
Se passejar viu, nud
Promessa de respelida,
Entre mas mans téner lo mond
Los espèrs e las luchas
E de mos uèlhs
Aimar la vida
A me’n far un sadol.

Dans un souffle
Arrêter le temps
Pour vivre, enfin
Et étrangler l’obscurité,
Devenir chat dans tes entrailles
Se promener vivant, nu
Promesse de renaissance,
Entre mes mains tenir le monde
Les espoirs et les luttes
Et de mes yeux
Aimer la vie
À en faire une indigestion.

Estève Salendres

Prochains rendez-vous :

  • Du 1er au 23 avril à Florac : Bibliothèque municipale de Florac. Vernissage de l'exposition le 12 avril en présence de l'auteur Janine Teisson.
  • Du 26 avril au 25 mai à Béziers : Lo Cirdoc, Mediatèca Occitana et médiathèque André Malraux. Vernissage de l'exposition le 27 avril en présence de l'auteur Estève Salendres.

La tournée de l'exposition (lr2l.fr)

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Champ de culture

CHRONIQUE LIVRE

Le salut par le livre ou le pouvoir des mots, par Arlette Welty-Domon

À propos du livre Nous... la cité, on est partis de rien et on a fait un livre de Rachid Ben Bella, Sylvain Erambert, Riadh Lakhéchène, Alexandre Philibert et Joseph Ponthus.

19e Maghreb des LivresIls sont trois avec leur éducateur à se retrouver sur le podium, leur nom inscrit en gros devant eux, sous les ors du grand salon d’honneur de l’Hôtel de Ville de Paris. En tee-shirt et baskets, ils dédicacent leur ouvrage collectif à côté des auteurs cravatés de ce 19e Maghreb des Livres. Parce que, aussi invraisemblable que cela leur paraisse, ils ont écrit un livre !

On peut mesurer l'énormité de la proposition des éditions La Découverte pour ces jeunes qui ont tous quitté l'école vers 14 ans avec le niveau de culture que l’on sait et l’effroi que suscite en eux la page blanche. Mais s’ils ne savent pas écrire, ils savent parler et surtout penser droit. Évoquant la plupart du temps leurs expériences d’école, de prison, de famille, de religion, ils nous dévoilent leur quotidien composé de galères, d’amitié, de principes, de tendresse voilée et de volonté de s’en sortir. Nous… la cité (couv)Plus encore, au fil des semaines, ils ont pris goût et découvert le pouvoir des mots qui sont écrits, ce qui les a projetés dans un univers qu’ils ignoraient. Et leurs récits dictés dans leur style et leur vocabulaire imagé, leur « tchatche » codée, sont devenus de plus en plus exigeants. D’épisodes hilarants (comme l’ahurissement du juge obligé de relâcher le délinquant à cause de sa fiche de paie fournie par Le Canard enchaîné) en moments dramatiques (comme la mort de leur copain percuté par une voiture de police lors d’une course poursuite), ce livre malgré ses maladresses syntaxiques et son « verlan » courant, est un prodigieux témoignage d’une jeunesse trop vite cataloguée, pourtant capable, si on lui en donne l’occasion, d’en remontrer à celle des beaux quartiers.

Éditions La Découverte - collection Zones


 

CHRONIQUE LIVRE

Un notaire peu ordinaire d'Yves Ravey, par Anne Bourrel

toile de Seb M

Madame Rabernak a un fils, une fille, un mari mort, un cousin Freddy et un notaire. Avec ces quelques éléments et un décor ordinaire, Yves Ravey parvient à accrocher le lecteur dès la première page pour ne le lâcher que 106 pages plus loin, le cœur battant, le souffle coupé.
Une inquiétante étrangeté émane de la concision du récit, de sa linéarité bulldozer et surtout d’un procédé technique bien particulier : la narration est menée par le fils de Madame Rabernak. Le jeune homme est gardien de nuit dans une station-service. Il rapporte l'ensemble des faits alors qu’il n’a pu assister qu’à la première scène, l’arrivée du cousin Freddy. Tout se passe en son absence.
«  Ensuite, [ma mère] m’a ordonné de me rendre dans ma chambre et d’attendre. »  ou « Elle a viré sur la droite, dans la station-service, mais ce n’était pas l’heure de ma garde. »
Le jeune homme semble reprendre à son compte le récit précis qu’aurait fait un narrateur omniscient. Cette construction en abîme, cette voix reprenant une autre voix crée un effet d’écho troublant. Le lecteur devient ainsi voyeur. Et il voit tout. Aucune analyse psychologique, aucune description détaillée. Un récit, finement ciselé où chaque détail compte. Comme dans un film d’Hitchcock, le lecteur comprend plus vite que les personnages la perversité de l’un, les mensonges de l'autre, le désarroi et la peur panique. Il voit poindre le danger, le sent grandir à chaque phrase, craint le dénouement tragique, appréhende l’étendue du désastre qui sera finalement pire que ce qu’on lui avait donné à imaginer.

Yves Ravey signe ici son douzième roman chez Minuit. Maître de l’épure, de l’ellipse et du sous-entendu, cet auteur né à Besançon en 1953, est aussi dramaturge et essayiste. Ces romans, toujours brefs, entre quatre vingt et cent trente pages, laissent à chaque fois une empreinte indélébile et la certitude  d’avoir lu de la grande littérature.

Éditions de Minuit, 2013

Illustration : Jeune homme à l'imper, de Seb M (acrylique sur toile, 80 x 80 cm)


 

CHRONIQUE LIVRE

Destin d'un ange de Jean-Jacques Marimbert, par Valéry Meynadier

Lire comme on apprend une langue étrangère avec notre mémoire et notre présent sans avoir le droit de penser à autre chose, voilà ce que Jean-Jacques Marimbert nous demande. Avec certains auteurs, lire devient un métier.

Destin d'un ange (couv)Une écriture est en train de se faire, de se chercher, ça bafouille, ça bifurque et ça freine pile. Ponctuation épurée, de temps en temps un point, bien précis — il a sa place — et ça repart dans l’urgence, dans le flux sans fin, écriture en crue qui nous emporte, nous déborde : Je ne vivais pas d’y penser mon cœur bégaie je suis tombée un trou et vous voir me. 
Forme et fond dansent la valse. Surtout ne lâchons pas le texte des yeux, le vertige tout près, et suivons le rythme autant que l’histoire.
Dans Destin d’un Ange, le nouveau-né est mort. Les gendarmes viennent. L’hôpital psychiatrique ouvre ses portes à l’infanticide. Mais le lecteur ne va pas s’en tirer comme ça, les mots deviennent denses et secrets, on les sent de matière hérissée, c’est leur histoire à eux plus que la nôtre, nous, il va falloir faire notre travail de lecteur : lire.
Dans La Fourche, c’est « Mémé » sur son fauteuil à l’hospice, elle cause et se souvient : J’aime le fauteuil ciel nuages oiseaux voilà.

Déformation sans doute professionnelle, l'écrivain (aussi médecin qui a travaillé avec MSF auprès de réfugiés éthiopiens en Somalie) nous fait bien sentir, ressentir le corps abrupt de l’écriture.
Écrire et lire, c’est agir sur le monde et sur soi. 

Destin d'un ange suivi de La Fourche, éditions Le Chant du cygne, 2012


 

CHRONIQUE LIVRE

Marseille, la ville où est mort Kennedy de Maurice Gouiran, par Raymond Alcovère

Marseille... (couv)Maurice Gouiran est non seulement un spécialiste mondial de la connaissance des feux de forêts, mais aussi depuis 2000, un auteur de polars très prolifique. Son 21e vient de sortir : La mort du scorpion ; quant à ce Marseille, la ville où est mort Kennedy, il est réédité en poche aux éditions Jigal.
Si le titre est alléchant, le contenu ne l’est pas moins. Gouiran nous entraîne dans un habile tourbillon où se mêlent l’histoire politique et sociale de Marseille, la mafia, la CIA, et l’assassinat de Kennedy qui donne du piment à l'ensemble. La documentation est solide, la construction de l’intrigue bien étayée, et on se prend au jeu. Mais est-ce bien un jeu, là est la question. Dans tous les cas, on en apprend sur l’envers de l’histoire contemporaine, on en ressort nourri de doutes et d’interrogations, ce qui est toujours salutaire. Même si une partie de l’enquête se passe à Dallas, lieu du drame en 1963, avec un détour terrifiant par les couloirs de la mort (l’enquêteur est un journaliste qui réalise un reportage sur le sujet), Marseille est bien présente, charnelle et mystérieuse comme on l’aime : « Comment voulez-vous que la France moralisatrice, fille aînée de l’Eglise, adopte cette ville méditerranéenne et orientale, cette citadelle anormale et inquiétante, enclave rapportée, forteresse aux couleurs et aux accents étrangers, territoire si peu français qu’il en devient indécent ? En contrepartie, que peut attendre de la France vertueuse, cette ville amoureuse de la mer, fiancée des flots, fille de la Méditerranée, qui tourne ostensiblement le dos à la mère patrie ? » Une partie des réponses se trouve dans le livre.

Éditions Jigal, 2013

 

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Bout de chemin

Parler livres avec son cœur, entretien avec Mehdi Bouzoubaa, librairie Mots et Cie, Carcassonne

par Françoise Renaud

Mehdi Bouzoubaa

Comment êtes-vous devenu libraire ?
Je ne connais pas vraiment l'origine de ma vocation mais quand j'étais enfant, je lisais beaucoup, j’étais très solitaire. Étudiant, j'aimais travailler dans les bibliothèques universitaires (celle de géographie à Toulouse) et d’après certains amis, je parlais déjà d’ouvrir une librairie. Sans doute que ce lieu symbolisait pour moi la vie, la liberté, la connaissance et l’indépendance. Après avoir intégré l’école de libraires à Paris (INFL) en 1999, la machine a été lancée et je n'ai cessé de me passionner pour ce métier.

Pourquoi Carcassonne ?
Après quelques années en banlieue parisienne, Toulouse me manquait. Une étude de marché m'a indiqué qu’il y avait de la place pour une librairie dans cette petite ville. J'ai foncé tête baissée et j'ai ouvert ma boutique le même jour qu'un magasin Cultura sans le savoir !

Survivre est difficile, n'est ce pas ?
C'est vrai mais avec beaucoup de nuits sans sommeil, de persévérance, de passion, et avec l'aide des proches, on y arrive et on finit par devenir indispensable.

librairie Mots et CieUn libraire doit faire preuve de certaines qualités pour réussir, qu'en dîtes-vous ?
Ce métier est un beau métier à condition d’être passionné, d’aimer les gens et de travailler sans relâche, parfois sans rien gagner. Le livre est une source inépuisable de richesses et de connaissance. Je ne sais plus qui a dit : «  Plus on lit, plus on apprend et plus on se pose de questions ». Le livre permet cela.

Votre rapport au lecteur-acheteur ? Comment faîtes-vous pour convaincre ?
En règle générale je parle avec mon cœur et je n’hésite jamais à dire si tel ouvrage est bon ou pas. Quand un client revient et me demande conseil une nouvelle fois, ça sonne pour moi comme un compliment. Et là, j’ai envie de continuer.

C'est quoi pour vous un bon livre ?
Un bon livre me garde éveillé jusqu'à 5 heures du matin, me fait rire ou pleurer. Même après plusieurs années, il demeure dans ma mémoire et je peux en raconter l’histoire avec la même émotion.

Quels ouvrages en ce moment sur votre table de chevet ?
J’ai toujours une pile de livres parce que ça me rassure. Si jamais ma lecture en cours ne me convient pas, il m’en faut un autre tout de suite ! Donc des BD, des albums jeunesse, des romans — plutôt français —, peu de polars, pas de SF. Je picore au hasard de ma librairie un titre, une belle couverture, un écrivain connu ou un premier roman, suis un conseil de représentant.

Vos derniers coups de cœur ?
Le peintre d’éventail d'Hubert Haddad, édité par Zulma : un petit bijou d’écriture sur l’esprit du Japon. Aussi Petite table, sois mise ! d’Anne Serre chez Verdier : un roman inclassable, incroyable, tellement jubilatoire.

Comment défendre la librairie aujourd'hui ?
Ces moments de découverte littéraire me font oublier les heures de travail ardu, les cartons à porter, les livres à ranger ou commander, les négociations commerciales, les chiffres à analyser, les réclamations à envoyer. C’est une lutte permanente mais ca vaut le coup. Si la librairie indépendante disparaissait, le monde éditorial tout entier en serait ébranlé. Alors il faut continuer, prouver que lire est une nécessité. Tous les jours je dis et redis que le prix du livre est le même partout, que nous, petits libraires, nous apportons diversité, conseil, accompagnement et accueil.

Une conclusion ?
Je propose une citation : « Lire tue l'ignorance et les préjugés.»

Mehdi Bouzoubaa

 


 

Michel Jeury, un monde à part, entretien avec Michel Jeury

par Hervé Pijac

Discret à l’extrême malgré une reconnaissance et une fidélité incroyables de ses lecteurs, avec le regard aiguisé du veilleur sur notre monde, atypique et toujours là où on ne l’attend pas, esprit polymorphe d’une extraordinaire profondeur, Michel Jeury est l’un des écrivains majeurs de notre époque. Il va quitter les Cévennes où il habitait depuis le milieu des années quatre-vingts. Hervé Pijac l’a rencontré pour Funambule. En forme d’hommage.

Michel Jeury

En ce moment particulier, sauriez-vous dresser une sorte de bilan sur votre quart de siècle de création littéraire en Languedoc-Roussillon ?
Mon bilan, faut-il déjà le déposer ? Il serait peut-être temps, après tout. Ce quart de siècle est passé à la vitesse de la lumière, entre les Cévennes et Bételgeuse (mon étoile préférée). J’ai travaillé avec passion, sans m’ennuyer une seconde. Mais pas sans fatigue ni stress. Je gagne ma vie depuis quarante ans “avec ma plume” : pas facile, même si le dit calame  est devenu, à mon arrivée en Languedoc, un Macintosh simple et jamais en panne.
Mon débarquement ici a coïncidé avec ma conversion — provisoire — à la littérature réaliste, paysanne, provinciale, historique, etc. Et pour moi, surtout, les “romans de l’école”.  Départ plutôt alerte, comme le précédent en science-fiction. Pas à me plaindre. Tout de suite, France-Loisirs, le Grand livre du mois et les collections de poche à la rescousse. Puis la télévision… Le bilan littéraire, ce n’est pas à moi de le dresser.  Le bilan de vie est plutôt positif, surtout si l’on compte les nouveaux amis  et les anciens retrouvés. Et tout un monde découvert et ajouté à ma panoplie d’auteur, aussi honnêtement que possible.

Et nous parler de vos projets d’écriture en soulignant quels sont les thèmes forts qui vous animent actuellement ?
Quelques thèmes me hantent. Mais ils ne m'animent guère, tout simplement parce que la maladie a brisé net mon élan, ou ce qu’il en restait. L’avenir ? Mon accident cardiaque, en 2011, a bouché l’horizon comme un orage d’automne porteur d’un épisode cévenol. Sacré épisode ! Cette forme d’insuffisance, qu’on appelait autrefois “hypertrophie du cœur”, ce qui était joliment imagé, a tué Balzac à cinquante et un ans. Mais quand on se penche un peu sur sa biblio, on croirait qu’il a vécu un siècle. Ça ne risque pas de m’arriver. Thèmes forts, thèmes faibles, ça n’a plus beaucoup de sens pour moi. Mon meilleur sujet serait cette “chronique d’une fin acceptée” qui m’a tellement touché dans les derniers écrits de Christiane Singer ou, un peu plus tôt, de Louis Calaferte. Un thème fort, certes : c’est moi qui n’ai plus la force. De temps en temps une douleur familière me lance. J’ai peine à reconnaître l’envie d’écrire qui persiste dans la débâcle. Je ne sais pas ce que j’en ferai. J’ai eu juste le temps d’amorcer un retour à la SF en 2010, j’y tenais. Plus ou moins réussi1. J’ai fait ce que j’ai pu. Depuis, j’ai réussi à retravailler un de mes Fleuve noir, en ajoutant une postface pour la réédition et à écrire une nouvelle qui doit paraître dans les prochaines semaines. J’avais deux projets dans ma veine “école d’autrefois”. J’ai eu l’idée de les fusionner en un seul. Tout ce que j’ai pu faire pour le moment. Il y a aussi un roman de SF en chantier : une espèce de friche industrielle qui a bien des chances de le rester !

may le monde (couv)Comment définiriez-vous d’une manière philosophique et/ou spirituelle l’œuvre abondante que vous avez construite ? Quelles en sont les « lignes de force » ?
Je ne suis pas sûr que mon “œuvre” ait des lignes de force. Ni même qu’elle soit abondante2. Ni davantage que j’aie réussi à construire quelque chose. Natacha Vas-Deyres, de l’université de Bordeaux, s’occupe courageusement d’éclaircir ce fatras. Elle répondra peut-être à votre question. En tout cas, si quelqu’un le peut, c’est bien elle, qui a le talent et la culture et, comme elle est jeune, le recul des années. Le schéma général est sans doute né au long de mon enfance paysanne et solitaire : les pieds dans la glaise du Périgord et la tête perdue au “plafond du ciel”, ce plafond que j’aurais tant voulu percer.  Mes tout premiers souvenirs sont des images de cauchemar : une espèce d’invasion céleste sur un horizon de tempête et de chaos. Des images que j’ai retrouvées bien plus tard, avec stupeur, dans le célèbre film Rencontres du troisième type.

Enfin, quel regard portez-vous, dans le contexte et les évolutions technologiques actuels, sur l’avenir des écrivains et du livre ?
Il me semble que la planète Terre est mal partie. Alors, ses habitants… Mais je fais comme tout le monde : semblant de croire à un avenir possible. J’ai trouvé un éditeur, Bragelonne, qui a bien voulu s’occuper de “mettre en ligne” mes romans et nouvelles de science-fiction disponibles. Un chantier en cours. Ils commencent par les romans repris dans Escales en utopie et par une nouvelle commandée par Laurent Genefort et à laquelle je tiens beaucoup : Le cinquième horizon. Puis-je terminer par une citation, tirée du Nouvel Observateur, 21 au 27 mars 2013, p.115, et signée David Caviglioli ?  On tombe des nues à chaque page, dans ce précis de destruction mathématique du monde. On en sort avec une certitude : on ne déjouera pas l’intelligence de ce système réglé à la milliseconde près, pur jusqu’à l’absurde. L’humanité court à la catastrophe. Non sans un certain raffinement.
Une certitude, peut-être pas, mais une hypothèse. Dieu a décidé d’arrêter le Jeu (pour repartir à zéro ?). Il a choisi l’arme de l’apocalypse, la plus effroyable qu’on puisse imaginer, pire que toutes les pestes de l’univers : la finance.

P. S. : En corrigeant le relevé de cet entretien, une farce du logiciel, très symbolique de notre époque : le bouffon de service me note en rouge Bételgeuse. Étoile moi pas connaître. Il me propose à la place bégueulerie. Joli, non ?

Michel Jeury

1 Avec May le monde : en réalité, les critiques unanimes s’accordent à considérer ce livre du « retour » à la SF comme une nouvelle révolution, aussi marquante que le fut Le temps incertain  dans les années soixante-dix. (NDLR)
2 Pas loin d’une centaine de titres de romans, sans compter les nouvelles ! (NDLR)

 

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Ici et là

PORTRAIT D'AUTEUR

Joëlle Wintrebert

Entretien avec Olivier Legendre

FUMAMBULE propose un portrait d'auteur en collaboration avec le JT du OFF de Montpellier, celui de Joëlle Wintrebert. Cet entretien est conduit par Olivier Legendre. Réalisation : Jean-Pascal Girou.


ADA Joelle Wintrebert par jtduoff
 

Depuis son premier roman, Les Olympiades truquées, sorti en 1980 et régulièrement réédité (5e édition, J’ai lu, 2009), Joëlle Wintrebert a publié une vingtaine de livres : des romans (Les Amazones de Bohême, Laffont, 2006, La Chambre de sable, Glyphe, 2008, Le Créateur chimérique, Gallimard, 2009), des nouvelles (La Créode et autres récits futurs, Le Bélial, 2009) également disponibles en version numérique, des textes poétiques et photos (l’Amie-nuit, la-coop.org, 2010), auxquels se sont ajoutés d’innombrables articles, des anthologies, des préfaces, des traductions et des scénarios pour la télévision.



 

Cérémonies d'écrits, atelier d'écriture de Thérèse Bonnétat

illustrationCelui qui pénètre pour la première fois dans l'antre sent que la terre est meule.
Où va-t-on ?
En quelque sorte, dans un atelier d'écriture, le tracé se perçoit dans le mouvement des corps qui passent le seuil. Il y traîne des restes de langue enfantine et de fautes d'orthographe. Quelque chose n'a pas été écrit encore alors on revient en s'arrimant un peu aux restes des autres. Quelque chose d'indicible, de possible, de vivant.
Je le perçois dans les yeux, dans la main qui reste suspendue.

On s'assied ensemble dans le cérémonial du rond, drôle de matrice.
Être là pour écrire, agencer dans le silence les traits emmagasinés, en ordre, en désordre, traits appris et raturés sur la page blanche. Lire à voix haute, tenir son texte et recommencer.

Dans les ateliers, les écrivants tirent la langue du langage tour à tour et ensemble. Les mots se nourrissent les uns des autres, les strates de mots font des échafaudages. Une petite alchimie d'histoires, vocabulaire de bribes, la langue retrouve un peu son chemin pour chacun. Le tracé sur le blanc de la page, dans le blanc des existences.
Puis cela se met à bouillonner, à bourdonner dedans. On passe du cri, du cru, parfois du chaos à la main qui redessine un territoire et ourle le contour du corps.
C'est un drôle de mystère l'écriture, ce que cela relie et ce qui est entendu, vu en atelier. « Ce que faire écrire autrui veut dire » se lit alors dans les yeux et c'est profond. Cela touche la peau.
Parfois à fleur de peau, frissons, larmes et fous-rires.

Thérèse Bonnétat est auteur de récits, nouvelles et pièces de théâtre. Elle anime des ateliers d'écriture depuis trois ans avec la Compagnie Idéokilogramme à la Mosson. Un ouvrage d'écriture collective va paraître au printemps aux éditions L'Entretemps — Possibilité d'une symétrie — et a été présenté en lecture-spectacle le 12 avril à la salle Pétrarque (Montpellier) en présence d'Armand Gatti et des habitants du quartier.

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Paysages

Cocons cellules planètes, dessins et photographies de Florence Barbéris

dessin Florence Barbéris

dessin Florence Barbéris

À fréquenter ces œuvres, on s'en retourne à des temps antédiluviens où les êtres unicellulaires grouillaient dans les marais, engendrés par les orages et les matières célestes. Sans doute pour ça que ces formes arachnoïdes ou larvaires touchent si profond et vrai.
Formes sorties du noir, de la mine de plomb qui graisse le papier et que la main essuie oriente gomme frotte ou caresse.
Ombres,
révélations au cours du travail,
hasards de l'organisation – enfin, pas tout à fait.
Elles évoquent le noyau primitif de nos cellules, creuset de nos gênes et de nos désirs. Des histoires se racontent par étapes, par strates. On navigue entre géologie et mémoire, entre cosmique et microscopique.
Florence Barbéris trace, dessine, grave, peint, efface, aux aguets de ce qui arrive autour d'elle.
« des pierres, des rochers, des nids, des cocons, des coquillages, des cellules, des planètes… je ne sais plus vraiment »

Elle vit et travaille à Aubais dans le Gard depuis 1997. Elle a beaucoup exposé depuis 2001 et la liste de livres d'artiste est impressionnante.

dessin Florence Barbéris

dessin Florence Barbérisdessin Florence Barbéris

dessin Florence Barbéris

Dessins 1/4/5/6 : Sans titre, mine de plomb et gomme sur papier
Dessins et photos 2/3 : Sans titre - mine de plomb et photo

 




Mémoire d'Espagne, peintures de Carmen Selma

toile de Carmen Selma

«Fascinée par la mémoire, j’ai pour référence des photographies anciennes de l’Espagne du milieu du XXe siècle, à l’affût des expressions des personnes qui reflètent les émotions contenues de cette époque rigide et répressive.
toile de Carmen SelmaJe travaille principalement à l’huile sur toile, mais aussi les collages, crayons de couleur, pastels gras et aquarelles. Le choix de ces différentes techniques répond fidèlement à l’esthétique du trait. Du point de vue de la réalisation artistique, ce trait, considéré comme le geste qui transmet le mouvement du corps, suggère la principale voie d’expression de la pensée et des sentiments, comme le reflet d’une attitude, d’un acte ou d’une intervention vers sa propre vie.
Peindre est pour moi un moyen d’expression vital, je le considère comme une des formes les plus honnêtes et universelles de communication qui existent. »

« Fascinada por la memoria, tomo como referencia fotografías antiguas de la España de mediados del siglo XX, atendiendo a las expresiones de las personas que reflejan emociones contenidas de esa época rígida y represiva.
Principalmente, trabajo con óleo sobre lienzo, además de collage, lápices de colores, ceras y acuarelas. La elección de estos materiales responde a que registran fielmente la estética del trazo. Desde el punto de vista de la ejecución artística, ese trazo, entendido como gesto que remite al movimiento corporal, sugiere la principal vía de expresión de pensamientos y sentimientos, así como el reflejo de una actitud, acto o intervención hacia la propia vida.
Pintar es para mí un medio de expresión vital, lo considero una de las formas más honestas y universales que existen para comunicarse.»

toile de Carmen Selmatoile de Carmen Selma

toile de Carmen Selma

toile de Carmen Selmatoile de Carmen Selma

Œuvres (de haut en bas et de gauche à droite) :
e, i, o, u, techniques mixtes sur toile (89 x 116 cm), 2011
Religiones sibi fingere, huile sur toile (195 x 130 cm), 2011
Le masque, huile et pastel sur toile (145 x 114 cm), 2011
Attente assise, huile sur toile (146 x 114 cm), 2011
Sinistres, huile sur toile (81 x 100 cm), 2011
Sinistres et consorts, huile sur toile (163 x 130 cm), 2011
Genèse 3:16, huile sur toile (195 x 130 cm) 2011

 

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Parutions - février-avril 2013

février

couv BastideJeanne BASTIDE
La fenêtre du vent, récit, éditions de l'Amourier
Années 1840, conquête de l’Algérie.  Joseph, jeune conscrit, a quitté ses vignes et traversé la Méditerranée. Entre le dit et le non-dit, l'auteure s’empare de notre douloureux héritage colonial pour interroger, à travers les pensées et les actes de son narrateur, l’ambiguïté de la conscience humaine face à l’amour et à la guerre ; un chant d’exil sensible et fulgurant.

mars

couv Salgas
Thierry CROUZET
La quatrième théorie, thriller, éditions Fayard
Le premier roman écrit sur Twitter, la promesse d'un nouveau vivre-ensemble. L'auteur décrypte l'influence des nouvelles technologies, mettant ses idées en scène à coups de tweets, 140 caractères maximum : de l'esprit, du souffle, de l'action.

couv SalgasAndré GARDIES
Le vieux Cévenol et l'enfant, roman, Le Rouergue
Un vieux paysan plein de préjugés ne supporte pas de voir la ferme qu’il convoitait rachetée par des étrangers de couleur. Mais à la suite d’un accident, il oublie sa haine et se rapproche de cette famille et de Charles, le fils de ses nouveaux voisins. Il va ainsi changer  de camp et les défendre contre le racisme ambiant.

couv SalgasMarie-Hélène LAFOND
Le jardin des secrets, album jeunesse,  illustrations Lucie Vandevelde, édition Les Minots
Tout au long de l'année, un enfant collectionne ses petits secrets qu'il range dans des boîtes sous son lit. Quand le printemps arrive, il va les semer dans le jardin… Mais voilà, cette année, il n'y a pas de fleurs de secret. L'enfant cherche ce qui a bien pu se passer ! www.editionslesminots.com

avril

couv SalgasMichaël GLÜCK
Mon chien, poésie, éditions Cousu Main, illustrations Susanna Lehtinen
« Mon chien a commencé à parler tardivement. Allez savoir pourquoi cette phrase farfelue, insolite m'est tombée des mains sur le papier. Enfin peut-être qu'il faut être lectrice ou lecteur pour savoir ce qui s'est passé. Toujours est-il qu'une fois ces sept mots sortis de l'encre, c'est un écheveau de mots qui s'est mis en mouvement. Vous savez bien ce mouvement de la navette qui fait et défait le tissu d'un texte… Je me demande si je n'ai pas écrit, sous la dictée de Pénélope, les retrouvailles d'Ulysse et de son chien… »

couv SalgasBernard LONJON
Piaf-Cocteau, La Môme et le poète, biographie, éditions de l'Archipel
11 octobre 1963. À quelques heures d’intervalle disparaissent deux géants : Édith Piaf, la reine de la chanson réaliste d’après-guerre et Jean Cocteau, l’artiste protéiforme.
C’est la fin d’une amitié tissée depuis plus de vingt ans retracée dans ce livre, promenade entre Belle Époque et Années folles, dans les milieux littéraires et les ambiances musicales.

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