Autour des auteurs

Revue Funambule

textes courts et images en Languedoc-Roussillon

Magazine

Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Françoise Renaud
Comité de lecture :
Valéry Meynadier
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud
Directeur de publication : Francis Zamponi

D'une marge à l'autre

Gloria mundi, de François Teyssandier

Bain de foule, Chine, 2013

Fasciné par l’insolente réussite de tous ces jeunes godelureaux, filles et garçons confondus, qui braillaient et se pavanaient chaque jour à la télévision ou sur le Net, il décida à son tour de devenir célèbre. Et le plus vite possible, avant qu’il ne se transforme, bien malgré lui, en un jeune homme convenable, arborant un costume trois pièces et des chaussures vernies, avec attaché-case soudé à la main et téléphone portable greffé dans l’oreille. Une mort brutale et spectaculaire, de préférence par suicide, lui parut être le tremplin idéal pour atteindre en quelques minutes une renommée interplanétaire. Il décida de s’immoler par le feu pendant une rave party devant un parterre de jeunes assommés par les décibels et plongés dans un état d’hypnose collective. Il s’aspergea d’essence, malgré le prix exorbitant du baril de pétrole, et craqua sans la moindre hésitation une allumette. Son corps s’embrasa immédiatement. À cet instant précis, il comprit qu’il avait oublié une chose essentielle : c’est qu’il n’avait, à quinze ans, strictement rien fait de particulier, encore moins d’exceptionnel, dans sa trop courte vie. Il hurla de dépit et de colère. Mais personne ne s’intéressa à lui et ne vint le secourir. Le temps que les pompiers s’organisent, il mourut brûlé vif, dans l’anonymat le plus complet, sans que la musique assourdissante s’arrêtât un seul instant.

Photographie : Bain de foule, Chine, 2013, blog «  Alors, quoi de fun  »



Notre vie, de Janine Teisson

Blotter de Peter Doig, 1993, huile sur toile

Ça semble assez facile
De se retrouver cendre
Dans la lumière gelée d’un cimetière

*
Boîte fermée depuis vingt ans
Odeur de crayons taillés
Mon père.

*
Notre vie ne vaut
Que lorsqu’on la vit.
Après, elle va à la poubelle

*
Mon père est mort
Ma mère est morte
Beaucoup de voyages à la décharge

*
Soleil sur ma nuque
Mon ombre sans rides
Avance devant moi

Illustration : Peter Doig, Blotter, 1993, huile sur toile




Maurice est en enfer, de Benoît Sollier

Illustration tirée du film Stalker, d'Andrei Tarkovski, 1979

Maurice est en enfer, il a perdu son chien ce matin, écrasé par un camion. De ses propres mains il a mis tous les morceaux de son ami dans un sac en plastique et les a enterrés dans son jardin. Assis dans sa cuisine, il regarde par la fenêtre la croix plantée au pied du grenadier, le nom de son chien écrit au feutre rouge indélébile : Vulcain. À midi, Maurice ne mange pas. À quatorze heures, il sort de chez lui. Dans une poche de son veston, il garde la laisse du chien. Tout l’après-midi il marche dans les rues de la ville, devient fou, paranoïaque dirait un psychiatre. Derrière lui, à la place de son compagnon, il sent une sorte de diable. Démon de la solitude ? Désespoir ? Maurice presse le pas, se dit que s’il s’arrête, ce monstre le dévorera et il en éprouvera d’atroces souffrances. Il croise des gens sans visage, morts vivants aux oreilles collées à leur téléphone. Il marche durant des kilomètres, traverse des boulevards sans regarder, manquant de se faire renverser. Comme sorti de sa propre fiction, il perçoit ce fantôme dans son dos. Des sentiments qu’il ne veut plus connaître le rattrapent ; manque d’amour, abandon, toutes ces plaies desquelles sa bête fidèle le protégeait. Elle était là, dans son salon, sur son lit, partout, à tout moment le préservait du pire. Par exemple lui évitait d'affronter la ribambelle de souvenirs qui couraient à ses trousses, les tyrannies de sa mère, le meurtre de sa femme, son incarcération, les coups de matraques subis et les brimades des patrons à la sortie. Tout ce qu’il avait occulté en caressant son chien l'assaille à nouveau. Maurice va tout au bout de la ville, au bout de son énergie. Ses vêtements sont encore imprégnés de l’odeur du chien. Sur une grille, il lit une mise en garde : Attention chien méchant. Il décide de franchir la porte. Un berger allemand saute et lui broie la gorge. Carotide tranchée. Il se vide de son sang.

Illustration tirée du film Stalker, d'Andrei Tarkovski, 1979



La bête au regard d'or, de Jean Reinert

Photographie : Panthera leo Masaï Mara,  Kenya - ©Laurent Renaud, août 2012Dans sa prison de verre, la bête au regard d’or, dernière de sa race, est exposée aux curiosités humaines. L’admiration, les injonctions et les rires ne la font pas ciller. Comme s’écoule le flot des visiteurs, son regard d’or glisse sur l’humain indifférencié.

« Animal aux yeux d’or, me distingues-tu, moi, perdu dans la foule ? Comme j’aime ton port altier, ta posture hiératique, l’énigme de ton regard ! Oh, comme je comprends ta fierté silencieuse ! Comme toi, je suis seul. Comme toi je bute sur les barrières, les murs, les interdits. Animal aux yeux d’or, dernier rejeton d’une race éteinte, ne me regarde pas en ennemi. Vois en moi un frère. Animal aux yeux d’or, me reconnaitras-tu ? Moi ! Ton allié ! Ton ami ! Ton féal ! Oh, ne crois pas que ce soient là de vaines paroles ! »

Dans le silence de la nuit, déjouant les sentinelles électroniques, une ombre s’est glissée devant la cage de verre. La bête au regard d’or observe, hiératique, s’agiter la silhouette gracile.
 « Oui ! Animal aux yeux d’or, je t’aime ! Est-ce contre nature ? Est-il interdit d’aimer un être d’une autre espèce ? Et si je sens exister dans ton être ce que je ressens, moi, et qui fait défaut à mes congénères ? Mais… Tu couches tes oreilles, comme si tu voulais les fermer à mon discours… Est-ce la voix humaine qui t’est odieuse ?... Oui, c’est cela ! Celle-ci n’est pour toi qu’un staccato détestable ! Tes yeux s’amincissent sur ton regard doré. Ne peut-il y avoir d’exception dans ta haine des humains ? Ah, tu ne me feras pas renoncer à mon défi amoureux ! Tu peux bien retrousser tes babines et montrer le zigzag de tes crocs acérés ! Cette passion que j’affirme, je vais te la prouver… »
Devant la paroi de verre, l’ombre gracile s’active.
« Vois, la serrure magnétique qui ferme ta prison est en train de céder…
Déjà, tu es libre et tu l’ignores encore ! Oh, animal aux yeux d’or, prends ton essor… Et si tel est ton vœu, emporte-moi  dans la forêt sombre !... »

Dans le mystère du petit jour, la cage transparente est déserte.  Une piste s’éloigne, un fil rouge comme un filet de sang, un pointillé grenat qui s’évade dans l’indéfini.

Photographie : Panthera leo Masaï Mara, Kenya - ©  Laurent Renaud, août 2012




Rencontre au 17 bis, d'Anne Bourrel

"Tant mieux", Isabelle Marsala, 2013

-1-

Il l’avait voulue.
La bouche d’Angelina Jolie, le visage d’Ashley Judd, les rondeurs de Jennifer Lopez, la peau café d’une chanson de Gainsbourg, tout y était. Il l’avait voulue et il l’avait.
Elle dormait, un bras replié sous sa chevelure brésilienne. Elle n’était pas nue, il aurait rêvé qu’elle le fût. Tailleur gris clair, italien sans doute. Ceinture noire douloureusement fine autour de la taille, bassin méditerranéen.
Il attendait qu’elle ouvre les yeux, dont il connaissait la couleur par cœur. Il attendait d’entendre sa voix parce qu’il la savait douce et sucrée.
Nu, lui, il l’était. Pas la peine de s’habiller, il se disait, on va s’aimer, bien sûr, puisque c’est elle que j’attendais. Il souriait, très content, tout en se caressant la barbe, il aimait quand les choses prenaient un tour logique et bien adapté.

-2-

Il a attendu et attendu, attendu encore et elle ne se réveillait toujours pas. Il a bien fallu qu’il passe dans la salle de bain. Il a pris une douche. De temps en temps, il fermait l’eau et écoutait le silence. Rien ne bougeait, elle dormait encore.

-3-

Quand il est revenu dans la chambre, elle se tenait devant la fenêtre. Il aurait aimé se couvrir mais elle s’est retournée vers lui dès qu’elle a entendu ses pas sur le carrelage. Il a à peine eu le temps de mettre ses mains en footballeur.
Elle l’a regardé de haut en bas, calmement, elle prenait son temps, elle n’avait pas l’air étonnée. Lui, il souriait, pas très à l’aise. Il s’en voulait de se présenter comme ça devant elle, il s’en voulait de ne pas savoir quoi dire, il s’en voulait encore plus d’avoir raté son réveil. Il a à peine pris le temps de remarquer la couleur de ses yeux ce brun profond qu’il aimait depuis toujours. Il sentit s’ouvrir devant lui tout un avenir possible. Sur sa langue, pétillaient des étoiles.

-4-

Elle, elle le regardait, calmement, elle prenait son temps. Elle scrutait ses yeux et toute sa présence pour lire qui il était. Il la laissait faire. Elle avait voulu qu’il se présente à elle sans masque, sans fard et avec le plus de simplicité possible. Sincère et droit, il l’était. Rêveur aussi et passionné et excentrique, rieur, moqueur, rageur, amuseur, sérieux et grave.
C’était bien ça. Plus elle lisait et plus elle le reconnaissait.
C’était bien lui, l’homme poète, rien ne l’arrêterait maintenant, elle l’avait voulu et elle l’avait.

Illustration : Isabelle Marsala, Tant mieux, 2013 ( 80 x 80 cm – huiles sur papier japonais marouflé sur toile)



Traduction

Huele a toro, de Bernard Lonjon

Traduit en espagnol par François Szabó, relu par Jean-Paul Goujon

Pablo Picasso, El Minotauro, 1933

Es raro, cuando Françoise llegó a casa esta tarde, olía a Manolo. Un olor acre de animales, de estiércol y de paja, de grano y de pluma. El olor de Manolo, ganadero de toros.
Me fijó en los ojos sin pestañear.
Sé que le duele muchísimo. El niño era su vida entera, y nada lo hará regresar. Este pequeño ser le volvía la dicha que su propia madre no le había podido dar, ahogada, demasiado pronto por el otro lado del espejo, en la albufera ribeteada por juncos y sauces embriagadores.
Manolo manejaba la pica como nadie, tan hábil para sujetar con lazo a los jóvenes toros como para domar los caballos montándoles sin silla. Un pura sangre de la raza de los ganaderos de toros, todos venían a pedirle consejos. Y cuando he visto los ojos de Françoise cuando volvía, fue como si me hubiera hundido la cabeza en agua helada. Este frío, yo lo había experimentado ya hace diez años cuando había entrado en la habitación de la pequeña informándola del drama que se había anudado en la cuna. Sin embargo Manolo era un bravo chaval, sin meterse en líos. Un juerguista quien no dudaba en recibir bandas de amigos a fin de emborracharse cuando no tenía que trabajar unos días. Pero cuando trabajaba, sin fallos.

Françoise subió directamente a su habitación. Mi mirada interrogativa no la ha turbado. Había hecho lo que debía hacer.

Cuando llamaron a la puerta, yo sabía que era la policía. El comisario Leydier dijo que Manolo fue descubierto apuñalado entre sus toros, velado por sus fieles setteres irlandeses.
Me preguntó si yo estaba en casa. ¿Y mi hija? No nos hemos separado, me he oído contestar. No era yo quien hablaba, sin embargo lo he dicho. No soy nada más que un viejo hombre roto. He añadido también detalles sobre el desarrollo de la tarde, la cena  y el acostarse temprano pues queríamos ir a la ciudad por la mañana para elegir una nueva lavadora.
El inspector tomaba apuntes. El comisario escudriñaba la vasta y sombría habitación, creyendo encontrar puñales o navajas de colección como la que había matado a Manolo. Mi colección, hace años que la he vendido y había ofrecido el más bello en cuerno de gacela a Françoise cuando me dijo estar preñada por Manolo.

Ilustración; Pablo Picasso, El Minotauro, 1933, 1º donativo Granville
(dibujo en guache, lápices de color, pluma y tinta China sobre papel, 34 x 51,4 cm)

Texte original

 




CHEZ MON LIBRAIRE, CE N'EST PAS PLUS CHER !

Deux nouveaux textes issus de l’exposition "Chez mon libraire, ce n'est pas plus cher", proposés par Languedoc-Roussillon livre et lecture. Ils sont accompagnés par des portraits photographiques de libraires réalisés par Sylvie Goussopoulos.

Gérard Escriva, librairie La Chartreuse, Villeneuve Lez Avignon

Gérard Escriva, librairie La Chartreuse, Villeneuve Lez Avignon © Sylvie Goussopoulos

Celle, de Marine Vassort

Celle
Des livres d’art au bout d’une ruelle où débouche l’enfance
Celle à côté de l’arrêt 62, un petit homme effleure les invendus
En sous-sol se récoltent les notes d’un russe presque fou

Nez collé aux vitrines
Des mezzanines aux planchers craquants

Celle
Des escaliers de bois tourbillonnant dans la ville invaincue
Celles
De théâtre comme de petite poésie
Au milieu d’une pente, la militante a plié boutique
Celle dont les étagères écarlates portent des roulettes contre l’impossibilité de voyager
Elle, aux 30 000 ouvrages, multipliés par le nombre de pages, calcul insensé…
En vrac, des exemplaires sur le trottoir

Tête penchée
Déchiffrer les tranches
S’agenouiller se grandir
Tout au fond, suite à la dernière lettre
Trouver le recueil

De feuilles dans les prairies


Librairie Plaisir, Saint Laurent de la Salanque

Librairie Plaisir, Saint Laurent de la Salanque © Sylvie Goussopoulos

Dans le temps, d'Aurélia Lassaque

Dans le temps, on se représentait l’apocalypse dans les ténèbres. On avait tort… en partie.
Pour échapper à la morsure du soleil, nous avons creusé. Nous sommes devenus faune souterraine. Nous avons défait le tissu dense de la terre, profané sa fraîcheur. Par de grands puits, nous avons remonté les pierres et nous habitons leurs empreintes laissées vides.
Le voilà… L’homme me tend le colis que j’attends depuis 859 jours. D’autres attendront dix à quinze fois plus longtemps que moi, d’autres mourront sans avoir reçu le leur. Mes yeux brûlent. Je n’ai jamais autant déploré la faible clarté des niches où nous brûlons de l’huile pour éclairer notre misère de glaise. Le Libraire ne passe qu’une fois. Ma main se crispe à l’idée saugrenue d’avoir hérité d’un bottin téléphonique.
C’est un petit livre bleu. Yannis Ritsos… C’est de la poésie. Le Mur dans le Miroir. Comme chaque élu de La Grande Librairie, je serai bientôt sa mémoire vivante : « Maintenant, vois-tu, c’est ici que tu vas vivre ‒ dit-il. Ici. Quelle importance, ici ou là ? »…

Un còp èra, se figuràvem l’apocalipsi dins las tenèbras. Nos èrem enganats… d’un cèrte biais.
Per fugir la mossegada del solèlh, avem cavat. Sèm venguts fauna sosterranha. Avèm estrifat lo teissut espés de la tèrra e profanat sa frescura. Per de poses prigonds, avèm pojadas las pèiras e ara demoram dins los voide daissat per lors emprentas.
Vaquí-lo… L’òme me para lo paquet qu’espèri dempuèi 859 jorns. D’autres esperaràn dètz o quinze còps mai, d’autres moriràn sens aver reçauput aquel que lor reven. Los uèlhs me creman. Ai jamai tant deplorat la clardat dels clòts que i brutlam d’òli per esclairar nòstra misèria d’argila. Lo Librari passa pas qu’un còp. Ma man se crespa a l’idèa d’aver eretat d’un annuari telefonic.
Es un libròt blau. Yannis Ritsos… Es de poësia. La paret dins lo Miralh. Coma cada elegit de la Granda Librariá, serai lèu sa memòria viva : « Ara, veses, es aicí que vas viure ça diguèt. Qu’impòrta, aicí o ailà ? »…

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Champ de culture

CHRONIQUE LIVRE

Une femme fuyant l'annonce de David Grossman,
par Valéry Meynadier

David Grossman

C’est l’histoire d’une écriture derviche qui tourne autour de la mort d’un enfant : Uri, tué au combat le 12 août 2006 — il avait vingt ans. David Grossman est le père de cet enfant. Il est aussi l’écrivain qui fait revivre son fils sous les traits d’Ofer. Ce livre n’est pas le témoignage d’une douleur, c’est un hymne à la mort de l’enfant. Ofer devient au fil des pages la mort prodigue qui ne peut qu’arriver.

Si le père s’incline, l’écrivain relève le défi. L’art peut tout.
Ora, la mère, fuit l’annonce, personne ne lui donnera à entendre la mort de son enfant. Dès le retour d’Ofer, en opération dans les territoires palestiniens occupés par l’armée israélienne, ils devaient faire une excursion en Galilée. La mort ne la fera pas renoncer à ce périple. Elle voyagera quand même avec Avram, le père d’Ofer. Ce dernier torturé par les Égyptiens pendant la guerre du Kippour, enterré vivant, connaît bien la mort. Amour et guerre dès lors se tiennent la main.
Si la mère inlassable raconte l'enfant de la naissance à l’instant présent, elle raconte aussi dans un chapitre flamboyant comment Llian, le meilleur ami d’Avram, avait tenté de le sauver des geôles égyptiennes. Vingt ans après, Avram apprend que son ami embusqué l’avait entendu et il se souvient. Unique survivant, il parlait à une radio cassée : «... J’ai la fièvre... il n’y a pas d’eau, personne ne vient, allô... Et ma mère..., même si vous ne méritez pas que je vous parle d’elle, enfants de salauds que vous êtes, vous qui abandonnez vos frères... » C’est que la radio n’émettait que dans un sens. Impossible de répondre. Avram pensait donc s'adresser au vide, et ce vide nous triture le cœur à nous, lecteurs. Llian qui ne peut sauver son ami, décide d'écrire le long monologue d’Avram, des pages sublimes sur l’impuissance et la rage et la honte, car les soldats ne peuvent rien faire pour celui qui gît sous une pluie de bombes. Llian devra l'abandonner, sauver sa peau.

Une femme fuyant l'annonce (couv)Ce livre donne le vertige, l’auteur tient son stylo comme un derviche danse, il écrit au-dessus du vide, petit à petit la vie reprend le dessus. Ora et Avram font l’amour en pleine nature. Cet acte par lequel le mort est né, et on le perçoit, on le sent : naître c’est aussi mourir.
« Quand un enfant naît, dit David Grossman, on réfléchit tout de suite à la date à laquelle il sera incorporé. Nous avons un sentiment extrêmement vif envers les enfants, spécialement quand ils arrivent à l’âge de la maturité. On nous les prête jusqu’à 18 ans, ensuite ils appartiennent à l’État et peut-être aussi à la guerre. » (entretien avec Michèle Fitoussi, novembre 2012).

En hébreu, ora signifie lumière. En latin, prie. Ce livre donne à lire la lumière, met en lumière la mort de l’Enfant, israélien ou palestinien. Pari gagné. 666 pages plus loin, on se dit qu’il est temps d’oeuvrer pour la paix, pour la vie, au-delà des frontières.

Seuil, roman, Prix Médicis étranger 2011


 

CHRONIQUE LIVRE

Amis pour la vie,
autour du roman Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre de Martin Amis, par Pascale Ferroul

autour du roman Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre

Qui s’est jamais imaginé rendre visite à Céline dans son repaire de Meudon, qui a jamais rêvé de sortir de leur tombe John Fante, Richard Brautigan ou David Foster Wallace, pour les convaincre de les assister pendant qu’ils vivent et écrivent (on ne parlera pas, on ne fera pas de bruit), peut sans doute comprendre ce que j’ai éprouvé face à un Martin Amis bien vivant, invité des Assises internationales du roman à Lyon, en juin dernier.
Première déconvenue : fan absolue, auto-instituée lectrice idéale, je n’étais pas seule. L’écrivain britannique, interviewé par Josyane Savigneau, s’exprimait en plein air devant un amphi bondé. « Au Royaume Uni, si un écrivain organisait chez lui une conférence publique, ses propres voisins ne se déplaceraient pas… » Les déboires et les humiliations d’un écrivain qui vit dans l’ombre d’un auteur de best-sellers attirent les foules et il les a racontées dans L’Information. Cette fois, il est venu présenter Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre : l’histoire d’un voyou devenu richissime en gagnant à la loterie.

Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre (couv)Asbo habite une banlieue londonienne qui, « sur une courbe planétaire des espérances de vie », se situerait « entre le Bénin et Djibouti ». Le personnage ressemble au Keith Talent de London Fields, joueur de fléchettes à la morale approximative, et son nom est inspiré d’un décret de Tony Blair destiné aux délinquants : ASBO comme Anti Social Behaviour Order. Il a « fait son Cédéjidé » (Centre de détention pour jeunes délinquants) comme on passe son brevet.
Comme toujours chez Amis, le récit compte moins que le ton et la puissance de chaque remarque, même innocemment formulée. C’est le style qui dit tout. Une trouvaille par phrase, l’art de démonter la réalité – jamais poussé aussi loin que dans La Flèche du temps, roman virtuose qui raconte une histoire à l’envers (le héros mange avant d’avoir faim, fait l’amour avant d’en avoir envie etc.).
Naturellement, la somme hallucinante de 140 millions de livres sterling gagnées par l’oncle ne changera rien à la désocialisation de Lionel Asbo et révélera même de nouveaux gouffres intimes.  

Amis est un pessimiste jubilatoire. Au mieux, il vous fait passer un délicieux moment. Au pire, il vous donne envie d’écrire. Quand je le retrouve à la fin du débat à Lyon, je me contente de tendre mon exemplaire dédicacé et de lui offrir un de mes romans (dont un personnage est fou de lui). Il m’a simplement remerciée. Son attachée de presse semblait plus emballée que lui. Deuxième déception ? Pas vraiment. Je le sais et Amis le répète : c’est l’œuvre qui compte. Or tous ses romans, essais et mémoires sont chez moi. Gravés en moi.

Gallimard, 2013



 

CHRONIQUE CINÉMA

La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, par Jean Azarel

La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche

Il est des films semblables à une liaison dangereuse. Ils nous sortent le cœur de la carcasse et l’emmènent se perdre dans des espaces mal connus qu’on hésite à fréquenter. La vie d’Adèle est de ceux-là. Je n’avais pas ressenti telle puissance de conviction dans l’initiation à  la vie depuis trente ans et À nos amours de Pialat. Il y a du Sandrine Bonnaire dans Adèle Exarchopoulos parce que l’une précède l’autre dans la loi du temps, mais sans doute y a-t-il autant d’Adèle dans Sandrine, et à présent pour les hommes comme pour les femmes,  les muses sont éternelles dans leur finitude humaine. Rarement, puisqu’il ne faut jamais dire jamais, actrice n’aura autant incarné la matière qu’Adèle, figure féminine post-raphaélite, tout en communiquant avec l’esprit, dans une forme de grâce, confinant à la sainteté, tour à tour joyeuse et douloureuse.

De façon apparente ou habilement suggérée, les quatre éléments et les cinq sens irriguent sans répit les vaisseaux du film et nous scotchent à l’essentiel. Il s’y ajoute la peau comme une couverture chauffante ou dérisoire au gré des événements. Il est exact que le spectateur peut se sentir gêné par la longueur et la frontalité de certaines scènes d’étreinte. Elles volent tellement à l’intime des deux femmes, elles sont  si criantes de vérité partagée, qu’elles en deviennent difficilement soutenables et renvoient par capillarité les scènes de porno au royaume de l’inutile. On peut dès lors comprendre la controverse, alimentée notamment par Léa Seydoux elle-même, liée à la façon qu’a le réalisateur de diriger ses actrices. Rarement à nouveau, on n’a été si loin dans la vampirisation des corps par la caméra, concourant par glissement du  jeu à une forme de viol  initialement consenti.
Mais le corps de La vie d’Adèle exprime bien autre chose. Emma est le pygmalion d'Adèle, leur union est aussi une éducation artistique. Au départ la distribution des rôles est claire, presque formatée : Emma est l'artiste-professeur, Adèle est la muse-élève, mais aussi celle qui sait se satisfaire du simple contact avec l'art sans prétendre aller plus loin, choix qui relève d’un libre arbitre difficile à imposer tellement la pensée unique pollue la relation à l’autre. Tout en accordant in fine le pardon à Emma, admirablement jouée par Léa Seydoux, Abdellatif Kechiche, non sans masochisme, prend clairement parti. Il adoube la transmission du savoir, dans la belle simplicité de la relation de maîtresse (Adèle est devenue institutrice)  à élève (les enfants), une relation dénuée d’abus de pouvoir, face à la faiblesse et l’égoïsme de l’art marchandise et gangréné par la « boboïsation » galopante des esprits.

Au passage le cinéaste banalise la relation homosexuelle sans être dupe. Les femmes entre elles ne sont pas meilleures que les hommes. Adèle devenue bobonne au foyer est ainsi pareillement traitée de pute par une jeune hétéro anti-lesbienne, puis à quelques années d’écart par son amante incapable de supporter sa relation de repli avec un homme.
Éponge absorbante, ballottée, trahie tout en étant accusée de trahir, Adèle sort grandie de l’aventure, prête à grandir encore en ouvrant la porte du lendemain alors qu’Emma, la peintre adoubée par les critiques d’art et une intelligentsia futile se retrouve sur une voie toute tracée et bordée, y compris dans une vie de couple lesbien déjà sclérosé. Étonnant renversement de situation par rapport au début de l’histoire. À la fin, la maîtresse à bord n’est pas celle que l’on croyait, même si l’héroïne, encore abasourdie par la digestion de la rupture, ne le sait pas encore. Quant au cœur flottant du spectateur renvoyé à lui-même, il regagne par petits morceaux la carcasse. Sans espoir de reconstituer le puzzle à l’identique, sinon par travestissement initial du sens (des sens).
Adèle merci.


 

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Bout de chemin

Et demain, la librairie ?, entretien avec Myriam et Thierry Poitou, librairie des Sources à Béziers (34)

par Françoise Renaud

Myriam et Thierry Poitou

La librairie, un commerce comme les autres ?
Oui, dans la mesure où il faut gérer commandes, clients, trésorerie, stock, compta et compagnie. Non, parce qu'il s'agit d'un lieu à faible marge commerciale, donc fragile. Notre raison d’être, notre valeur ajoutée est de conseiller et proposer un choix de livres sans oublier notre mission culturelle — nous valons autant qu'un musée ou qu'un théâtre. Important aussi de souligner que nos ventes ne sont pas forcément liées aux nouveautés : 45 % de livres de plus d’un an, 15% de plus de 5 ans.

Comment êtes-vous devenus libraire ? Par hasard ?
Non, par choix. Dans une autre vie, Thierry écrivait des logiciels — dont un logiciel de gestion de librairie. De mon côté, j'ai exercé divers métiers dans le tourisme et j’en ai eu assez de travailler pour un patron. Alors on s'est tournés vers la librairie.

La désignation "librairie indépendante" signifie-t-il quelque chose pour vous ?
Cette indépendance est primordiale. Notre commerce nous appartient (pas d’actionnaires à rémunérer), nous achetons les livres que nous voulons défendre et dans une certaine mesure nous choisissons notre clientèle. Personne ne nous impose quoi que ce soit.

librairie des Sources à Béziers Vos difficultés actuelles, à quoi sont-elles liées selon vous ?
D'évidence, aux faibles marges qui ne dégagent que de faibles salaires. Notre monde est basé sur le profit, d'où une propagande excessive pour la technologie. On soutient que les jeunes ne s’intéressent qu’aux écrans alors que les sondages démontrent qu'ils lisent autant qu’avant. On proclame la fin du livre papier pour vendre des liseuses, la fin de la librairietraditionnelle pour vendre des espaces internet. L’image remplace l’écrit. Aujourd’hui un livre est bon s’il est devenu film. Mais quel appauvrissement !

Y a-t-il une place pour le livre numérique dans votre lieu ?
Aucune, et c’est un choix. Le livre numérique a des atouts dans certains domaines (scolaire, politique, technique, presse), mais de notre point de vue, un livre est fait pour être lu, ensuite pour être prêté et être relu.

Jean-Paul Fritz affirme (Nouvel Observateur, 15 octobre 2013) que dans 10 ans les bibliothèques seront superflues.
Il est vrai que les pouvoirs publics poussent à cela. Ce serait forcément plus simple de ne plus avoir d’objets livres à gérer. Mais un vrai lecteur est un lecteur de livres papier. De plus, les arguments écologiques vont en faveur du papier, 100% recyclable, non ? Pas les liseuses !

Quelles stratégies mettez-vous en place pour continuer à exister, à votre échelle  ?
Nous essayons de susciter les échanges — quel bonheur quand des clients discutent entre eux d’un livre ! — et proposons des animations pour attirer ceux qui n’y viennent jamais en librairie. Nous sommes aussi attentifs à la diversité culturelle. 70 % du secteur jeunesse chez Hachette est traduit de l’américain !

Que faudrait-il faire pour accompagner ce changement ?
Maintenir le prix unique du livre, cadrer la vente sur Internet côté remises, relier plus fortement les écoles et les bibliothèques et obliger les profs à lire. Enfin, faire taire les ministres qui se vantent d’acheter leurs livres sur Amazon.

Vos livres de chevet ?
J'en lis trois par semaine, alors ça tourne vite. Surtout des romans français et étrangers.

Que deviendrait votre univers sans livres ?
Un désert intellectuel. En plus, je serai au chômage !

Myriam et Thierry Poitou


 

Éloge de la création, entretien avec Cécile Jodlowski-Perra,
directrice de Languedoc-Roussillon livre et lecture

par Raymond Alcovère

Cécile Jodlowski-Perra

Vous avez toujours travaillé dans l'accompagnement de la création, d'abord dans le cinéma, maintenant dans les métiers du livre : qu'est-ce que cette expérience vous a appris sur les créateurs ?
Dans la société d'hier et peut-être plus encore dans celle d'aujourd'hui, les artistes sont des veilleurs, des éclaireurs ; ils constituent des repères indispensables au fil de notre vie, de nos lectures d'enfance à notre premier film en salle, des morceaux de musique qui nous accompagnent aux œuvres plastiques, électroniques ou poétiques qui font naître des émotions sur nos visages.
Je mesure tous les jours la chance d'avoir pu m'engager auprès de scénaristes et cinéastes au sortir de mes études à Sciences Po Paris et depuis trois ans, de travailler avec les auteurs et les autres acteurs du livre. C'est vraiment ce rapport à l'œuvre qui nourrit ma motivation, qui au détour d'une page ou après un bon film, efface la fatigue, me fait oublier la technicité de quelques dossiers ou les difficultés à financer certains projets. J'aime les créateurs, leur fragilité, leurs doutes, leurs coups de gueule, leur courage. Cela m'aide à mieux faire mon métier.

Quels sont les ambitions et les projets de Languedoc-Roussillon livre et lecture pour 2014 ?
Notre association a défini deux grandes priorités : l'interprofession, l'une de nos missions de base, et la culture numérique. Marie-Christine Chaze, notre présidente, est très engagée dans la défense du livre et pense aux lecteurs de demain. Il s'agit pour nous de soutenir les éditeurs et leurs expérimentations en matière d'ebooks, les libraires pour la vente en ligne et leur présence active sur le web, les médiathèques au sujet de la médiation et des services multimédia, et bien sûr les auteurs qui s'engagent dans la création de la littérature numérique. Mais le livre papier, pour l'instant l'essentiel du marché, va être aussi l'objet de multiples actions : ateliers d'écriture avec les jeunes et Prix Méditerranée des lycéens, ressources professionnelles (étude en cours sur les « solutions pour la diffusion-distribution des éditeurs en région »), une opération originale de surdiffusion en librairie conduite en inter région avec l'agence du livre de PACA, des journées professionnelles – notamment une, en mai 2014, consacrée « au livre et au territoire » – avec les élus en Languedoc-Roussillon.

Compte tenu de la crise actuelle et de l'arrivée du numérique, comment voyez-vous l'avenir du livre et de la lecture ?
La crise existe et frappe de plein fouet les acteurs les plus fragiles. Mais les professionnels résistent, se regroupent, innovent. Le numérique au sens large permet de La Vie montpellierainerepenser le rapport au lecteur, d'expérimenter de nouveaux modèles économiques, de changer le geste d'écriture. C'est passionnant, parfois un peu déstabilisant aussi. En termes de médiation, le numérique offre des possibilités formidables : la Région va ainsi  rendre accessibles sur son nouveau portail La plateforme Patrimoine en ligne,  600 000 pages numérisées par 17 fonds patrimoniaux, dans le cadre du Pôle associé avec la Bibliothèque nationale de France. LR livre et lecture coordonne en parallèle la réalisation d'une exposition virtuelle associée à ces ressources : vaste aventure collective, soutenue par la Drac LR, la Région LR, Montpellier Agglomération, la BNF et tous les fonds patrimoniaux du territoire, qui permettra de redécouvrir  la presse ancienne, de retrouver les journaux des dates-clés de sa famille, de suivre des feuilletons littéraires du XIXe siècle, de s'amuser à réécrire la fin de feuilletons contemporains – nous passons actuellement commande à une trentaine d'auteurs vivant en Languedoc-Roussillon.

Quelle lectrice êtes-vous, et sur l'île déserte, quel(s) livre(s) emporteriez-vous ?
Il y a deux lectrices en moi. L'une, assez curieuse et polyvalente, qui butine le soir premiers ou seconds romans ou diverses revues, l'actualité des auteurs et éditeurs en région. C'est un moment de détente et de plaisir, un sas avant la nuit. Et puis, une lectrice plus intime, celle des week-ends et des vacances ; le matin pour un brunch au lit, l'après-midi à la campagne sous un arbre apaisant, ou avant l'apéro en attendant mon mari et mes filles ou des amis. J'aime me replonger dans le patrimoine (j'ai découvert en arrivant dans cette région Jean Carrière qui me bouleverse), aussi prendre le temps de rêver en lisant de la poésie ou réfléchir aux grandes tendances sociétales contemporaines à travers des essais de sciences humaines.
Sur l'île déserte, j'emmènerais — même si c'est terrible de devoir choisir ainsi ! — Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, de Thomas Vinau (Alma éditeur), Les Vagues de Virginia Woolf et une liseuse avec un gros dictionnaire encyclopédique pour tromper l'ennui… en croisant les doigts pour qu'un navire pointe ses voiles à l'horizon avant l'extinction de la batterie !

Cécile Jodlowski-Perra

 

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Ici et là

PORTRAIT D'AUTEUR

Gildas Girodeau

Entretien avec Suzette Bloch

Funambule propose un portrait d'auteur en collaboration avec le JT du OFF de Montpellier. Réalisation : Jean-Pascal Girou.

Gildas Girodeau est né à Collioure sous le signe de la mer et de la Catalogne. Sa passion pour l'écriture s'est révélée dès le lycée et s'est nourrie du bouillonnement politique et culturel des années 1970. Il conjugue aujourd'hui, avec bonheur, la culture des oliviers et l'écriture, passant du polar à l’héroïc fantasy ou au roman jeunesse.


 

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Paysages

PEINTURE

Hors des sentiers battus, Pierre François

toile de Pierre François

Ce sont vos enfants qui ont peint ça ? 
Non.
Il faut trop de temps pour peindre comme un enfant.
Cent ans, exactement.
Mais lui, petit, a reçu une grenade sur la tête
Pendant qu'il jouait au néléphant
Sans sa casquette ...
Ce fut terrible ... Tout rouge
Il a couru, couru
Hors des sentiers battus
Où l'on tue les enfants
Quand il est revenu,
Il était demeuré
Avec tous ses jouets
Ce qu'il nous jette, ce qu'il nous donne,
Amour, amitié, couleurs,
Les bois, les poussières, les traits,
Plages laquées de sang,
Ciels de hachures de mer,
Rubans de tintaine,
Dans l'aigrelet des fifres
Disparaissant au mistral.

Bernard Gasco

toile de Pierre Françoistoile de Pierre François

Pierre François est né à Sète en 1935. Quelques mots en vrac pour le définir : talent, liberté, générosité, couleur, Méditerranée. On apprécie l'homme autant que son œuvre, hors norme.
D'abord ostréiculteur, puis graphiste, illustrateur, décorateur de théâtre, il devient l'un des acteurs du mouvement de la figuration libre. Tous les supports l'intéressent, tous les formats. Il a beaucoup aimé Dufy. Depuis 2007, il repose au cimetière marin. Ses œuvres sont exposées chez des particuliers dans le monde entier.
L'association Les amis de Pierre François vient d'être mise sur pied par les filles de l'artiste afin que cet art si singulier continue de circuler.
www.pierre-francois.com

Pierre François, objet peintPierre François, objet peintPierre François, objet peint

toile de Pierre François

De gauche à droite et de haut en bas :
1 - Le jour de la fête de la Saint Pierre et Saint Paul, 120 x 87 cm, 1995
2 - Les joutes, acrylique sur toile, 73 x 117 cm, 2006
3 - La criée au poisson, acrylique sur toile, 90 x 120 cm, 2007
4, 5, 6 - Sans titre
7 - La plage autour, acrylique sur carton, 40 x 40 cm, 2004

 




PHOTOGRAPHIE

Les couleurs du sel, Claude Teisson

Photographie © Claude Teisson

Claude Teisson, chercheur en agronomie tropicale, est depuis toujours un passionné d’arts graphiques et de photographie. En 1998, il se lance dans le numérique tout en conservant l’esprit de l’argentique.

Dans cette série sur les salines (Salin-de-Giraud), la prise de vue privilégie, dans le respect des couleurs naturelles, les constructions géométriques pour les plans larges et l’abstraction pour les photos rapprochées.
Ce qui frappe dans ces paysages, ce sont d'abord les étendues vastes où les bassins, digues et canaux dessinent des compositions géométriques, soulignées par les couleurs vives liées aux processus chimiques et biologiques qui accompagnent les dépôts de sel. Dans cet espace plat, le vent est roi et le bleu mistral du ciel coiffe souvent le paysage. L'aspect sauvage n'est qu'apparence, ce milieu étant entièrement modelé par l’homme.
Les piquets de  bois, matériau adapté à ce milieu agressif, constituent le squelette des digues. L’eau de mer de plus en plus concentrée devient pate blanche surchargée en sels. Sous l’effet du vent, elle bouge mollement avant de se figer, emprisonnant algues, poussières et insectes dans des compositions colorées et abstraites. Au fur et à mesure des amenées d’eau, des couches de sel s’empilent sur les cailloux, les plantes et tous les bois d’œuvre, leur conférant un aspect irréel.
Commencé en 2010, ce travail sur Salin-de-Giraud n'est toujours pas achevé.

Photographie © Claude TeissonPhotographie © Claude Teisson

Photographie © Claude Teisson

Photographie © Claude TeissonPhotographie © Claude Teisson

Photographie © Claude TeissonPhotographie © Claude Teisson

Photographies © Claude Teisson (reproduction non autorisée)

 




PEINTURE

Le temps du regard, Anne Slacik

Petites notes de Michaël Glück

Toile d'Anne Slacik

J'ai toujours été dubitatif quant les classifications des arts. Vaines simplifications. Ainsi faudrait-il distinguer  entre art du temps et art de l'espace, opposer la musique à la peinture, le roman à la sculpture. Vieilles, très vieilles oppositions, inopérantes,
sans doute aussi vieilles que la séparation espace et temps; comme si un divorce avait été prononcé entre eux, entre lumière et son.

Sans être, je crois, synesthète, j'entends la peinture d'Anne autant qu'elle voit les écritures, celles des poètes qu'elle lit, autant sans doute qu'elle voit dans les vibrations d'un violoncelle ou d'une contrebasse.

Toile d'Anne Slacik

nos mains tiennent
archets pinceaux
crayons ou plumes

nos mains
bâtissent du temps

Ni immobilité, ni éternité (ou temporalité) des yeux. Les yeux bougent, les yeux cherchent la partition du geste. Le temps du regard est un temps de lectures, même face à la toile ou tout semblerait donné dans l'instant. Hiératique comme paraît toute image avec quelque chose de la palette de Piero della Francesca, et pourtant quelque chose de la peinture chante dans les yeux. Littéralement enchante.

Toile d'Anne Slacik

Je ne sais si roman ou poème de la fluidité*, mais fluidité flux du temps, va et vient du regard, jusqu'au vertige. Il faut prendre le temps de marcher dans une toile d'Anne Slacik, prendre celui tout autant de sortir du tableau pour aller vers un autre. Puis un autre encore. Cela aussi chez elle. La compulsion de peindre, le mouvement de la série, la déclinaison des éléments : l'arbre, l'eau, la montagne. Et le vent, le souffle : ce qui reste d'un poème dans la main, cela, cette respiration se dépose dans la toile; pigments sismographes.

les mains creusent
les sillons du temps
tracent les portées
pour le chant de la matière

à Montpellier, août-octobre 2013
Michael Glück

*Roman de la fluidité est un très beau texte de Bernard Noël pour Anne.
(Repris in Anne Slacik : Peintures et livre peints, Saint-Denis)

Toile d'Anne Slacik

Toile d'Anne Slacik

anne.slacik.pagesperso-orange.fr

De haut en bas :
1 - Mauve (pour Reverdy), 160 x 160 cm,  2013
2 - La Seine était verte à ton bras 4, 175 x 175 cm, 2013
3 - La Seine était verte à ton bras 3, 160 x 160 cm, 2013
4 - L'avril (émeraude), 200 x 300 cm, 2010
5 -L'eau et les rêves 2, 160  x  200 cm, 2013

 

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Parutions - octobre-décembre 2013

octobre

Mes guerres à moi

Antoine BLANCHEMAIN
Mes guerres à moi, récit, éditions Lulu.com
La jeunesse n'a pas d'âge. À 89 ans, Antoine Blanchemain
nous promène au cœur du XXe siècle et démasque ce qu'il a vu et compris de l'Histoire.

Cœurs de jungleGuth JOLY
Cœurs de jungle, album jeunesse, illustrations de Julie Blaquié, collection Terres insolites, éditions Belin
Dorian est un ado qui aime la vie simple: un ordi, des jeux vidéo, un frigo plein et pas de devoirs. Bien sûr, ses parents ne sont pas de cet avis. Son père, médecin, l'emmène avec lui au Laos. Dorian est ravi de ne plus aller au collège mais rien ne se passe comme il l'avait imaginé dans le cœur de la jungle.

Le grand Bric-à-BracMarie-Hélène LAFOND
Le grand Bric-à-Brac, album jeunesse, illustrations de Fabienne Auraix-Brunner, collection Histoires du soir, éditions Plume en herbe
Une sorcière ménagère, un vendeur à entourloupes et un aspirateur ensorcelé... Bienvenue au grand Bric-à-Brac. Après l'histoire, l'enfant pourra découvrir une comptine, des recettes de sorcière et des jeux. À partir de 5 ans.

Le parc des marmottesLe parc des marmottes, in Mon livre des vacances à la montagne, album jeunesse, illustrations de Carine Hinder, co-auteurs : Line Paquet, Isabelle Provost, Joris Chamblain, Dafne Saporito, Céline Lamour-Crochet, éditions Grenouille
Sur le thème des vacances à la montagne : une petite fille à la rencontre d’un ours et de ses oursons, des enfants à la découverte des marmottes et une incroyable partie de luge ! 3 histoires, des activités et des jeux - à partir de 5 ans.

Élie Serre et la guerre des CamisardsHervé PIJAC
Élie Serre et la guerre des Camisards, roman historique, Nouvelles Presses du Languedoc édition
Premier volet d’une trilogie huguenote se déroulant essentiellement au XVIIIe siècle, ce roman retrace la vie d’un Cévenol qui fut confronté à la terrible guerre des Camisards. Au travers de ses engagements, de ses doutes, de son évolution, on peut ressentir, de l’intérieur, les conséquences d’une politique religieuse sans issue et survoler une cinquantaine d’années de ce siècle qualifié de Siècle des Lumières.

De la Cévenne aux AmériquesDe la Cévenne aux Amériques, chronique huguenote 1733-1753, chronique épistolaire, Nouvelles Presses du Languedoc édition
Deuxième volet de la trilogie, cette chronique épistolaire entre un père vivant dans un paisible hameau cévenol et sa fille émigrée à Boston en Nouvelle Angleterre. Au travers de cet échange vivant et très documenté, se dessinent les modes de vie, les comportements, les moteurs affectifs, socio-économiques, culturels et politiques de la classe bourgeoise protestante et de la diaspora qu’elle a engendrée dans les pays du Refuge.

Bleu CobaltJérémi SAUVAGE
Bleu Cobalt 1. Ailleurs/Crépuscule, roman jeunesse, collection Jeune Serpent, éditions Le Rire du Serpent
Tin est humaine : 15 ans, pas de mère, père absent. Raph est humain par son père, kynoïen par sa mère morte en couches. Sans se concerter ni même se connaître, leurs histoires vont se télescoper et sceller le destin de Neptune Alpha, une planète invivable, surpolluée et dangereuse. Leur credo : apprendre et vivre libre. Leur objectif : quitter au plus vite un monde dévasté par la surexploitation de carbure de Cobalt. À partir de 11 ans.

novembre

Ateliers d'écriture littéraireGuth JOLY
Ateliers d'écriture littéraire, sous la direction de Claudette Oriol-Boyer et Daniel Bilous, nombreux contributeurs, éditions Herman
Au mois de juillet 2011, a eu lieu un colloque à Cerisy réunissant auteurs, chercheurs, enseignants, animateurs. Le thème en était les ateliers d'écriture littéraire et proposait un état des lieux sur cette pratique.  L'intervention de Guth Joly s'intitulait : « Les jeux du je : déblocage et désobéissance » et son atelier : « Écrire avec les images, dessiner avec les mots ».

décembre

Les choses et la vieFrançoise RENAUD
Les choses et la vie, textes courts, ouvrage dirigé par Bernard Palacios, 15 coauteurs, collection Trésors, éditions du Naduel
Quinze auteurs — plasticiens, scénaristes, écrivains, ferronnier, lycéenne... — sont invités à écrire sur les choses qu'ils aiment et qui tendent le fil de leur vie. Ils se livrent avec humour, tendresse, poésie, malice et philosophie.

Une teinte en retraitFrançois SZABÓ
Une teinte en retrait, poésie, Obsidiana Press
C’est un livre qui a ses palpitations, ses visions, ses hallucinations.
C’est un livre intime, denrée à partager. Seule, la possibilité d’une rencontre le fera vivre. Lecteur, ce recueil issu de mes univers et de mes songes t'appartient !



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