La Saga de Xavi el Valent
Tome 1, Black Coat Press – 2010
Ils étaient trois et couraient dans la neige en suivant les traces incertaines d’un sentier de montagne. Pau avait pris la tête. Les autres suivaient, espacés d’une dizaine de mètres, ni trop près ni trop loin, afin de pouvoir se protéger en cas d’embuscade. Ce chemin, l’archer catalan le connaissait par cœur. Son enfance en Katland s’était passée, vive et joyeuse, sur les flancs du mont Canigó qu’il dévalait maintenant la peur au ventre. Car pour la première fois, dans ce décor pourtant familier, Pau avait peur. Leur petit groupe progressait dans une partie découverte, un chaos de rochers et de neige glacée. Brusquement Pau s’immobilisa, un bruit furtif mais menaçant s’était fait entendre à sa droite.
Pas de répit pour les cafards
Cap Béar Éditions – 2009
Le thonier fonçait à pleine vitesse dans la nuit noire, au moins dix-sept nœuds, la mer semblait calme. Pourtant une imperceptible houle commençait à l’agiter, menaçante respiration de la tempête approchant par le nord. En cette fin mai, la lune n’était qu’un mince croissant que l’on apercevait encore vers l’ouest, entre les nuages. Le jour ne tarderait plus maintenant. Dans la timonerie éclairée par la lueur orange des instruments de bord, José sentait une boule d’angoisse durcir peu à peu dans son ventre. Décidemment ce commandement ne lui plaisait pas. Il ne l’avait accepté que contraint par la déche où il se trouvait, la crise de la surpêche du thon l’ayant privé d’embarquement. Cette année, tous les navires sous pavillon français étaient restés à quai, ayant largement dépassé les quotas fixés par l’Europe. Enfin, c’est ce qu’ils avaient dit, car José n’y comprenait plus rien à ces histoires de quotas…
Nucléar Parano
Cap Béar Éditions – 2008
Dans la faille, juste à gauche, un objet semblait coincé, mais il ne put immédiatement l’identifier car une vague plus grosse l’engloutit et l’écume monta jusqu’à la plateforme. Il regarda à nouveau et retint un juron, c’était un corps, celui d’une femme portant une jupe. D’instinct il regarda autour de lui. Lors de la guerre d’Espagne, Jaume avait quatorze ans quand il s’était engagé dans les troupes de la C.N.T., et de Guadalajara à Mauthausen il avait payé le prix fort pour savoir reconnaître des emmerdements, quand il en croisait sur sa route. Il semblait seul. Rapidement il remballa son matériel et entreprit l’ascension de la falaise, il fallait foutre le camp au plus vite, ce cadavre pouvait porter la poisse.
Rouge tragique à Collioure
Cap Béar Éditions – 2005
Il faisait un vrai temps d’hiver dans le midi. Le vent du nord soufflait en tempête, dans un ciel cristallin ou aucun nuage ne parvenait plus à s’accrocher. Le petit cimetière était noir de monde. Paul frissonna, il avait oublié les morsures du vent. Le cercueil descendit au bout de ses cordages. Les fossoyeurs avaient du mal car son ami était lourd, lourd comme cette peine qui l’écrasait. C’était cette nuit.
Dans l’appartement du 14e arrondissement de Paris, où Paul vivait depuis dix ans, un téléphone avait sonné. Au bout du fil, il ne reconnu pas la voix, tant elle était cassée, rompue. Cette voix venait d’ailleurs, d’un monde de tristesse lointain et monotone qu’il ignorait.
Malaguanyat, Terminus Béar
Cap Béar Éditions – 2006
Le taxi avançait péniblement sous une pluie battante. La chaussée qui serpentait dans ce coin perdu était inondée, de grandes gerbes d’eau jaillissaient sous les roues impatientes. Enfin, il ralentit puis s’arrêta devant une auberge plantée au milieu de la lande. Le chauffeur se retourna :
— Ça fait seize euros.
L’homme tendit un billet de vingt et laissa la monnaie.
— Merci monsieur, attendez ! Je vais prendre un parapluie et vous accompagner à l’auberge, la pluie va vous…
Mais déjà la portière claquait, l’homme était parti. Le chauffeur incrédule suivit du regard la silhouette qui s’éloignait sur le chemin menant à la Pointe Saint Matthieu.
— Bin çui là, il n’a pas peur de l’eau au moins ! Bon Dieu ! Moi qui croyais qu’il allait à l’auberge, mais qu’est ce qu’il va foutre par là-bas?
La dernière fanfare
éditions Mare nostrum, 2007
Le cri s’éleva pendant que la mère s’écroulait, évanouie. Il se propagea dans les rues de Céret tel un météore. Boulevard Jaurès il réveilla la plupart des clients de l’hôtel Vidal. Boulevard Joffre, il fit sursauter le garde municipal en faction devant la mairie. Jean-Luc, le libraire du « Cheval dans l’Arbre », tressaillit à son passage, laissant tomber la pile de livres qu’il dépoussiérait. Marx, Engels et Sartre s’étalèrent sur la moquette. Plus personne ne lisait ce genre de littérature et Jean-Luc les contempla avec désespoir. Finalement, le cri finit sa course rue de la République chez José, le toiletteur pour chien. Bouleversé par la violence de ce cri venu agoniser dans son échoppe, il en oublia le caniche nain qu’il tondait et se fit mordre jusqu’au sang.