Le vieux qui construisait son château, roman jeunesse, éditions Bougainvillier, septembre 2025
Illustrations Laura Soprano
Dans son nouveau lycée, Max a du mal à se faire des amis. Aussi quand, Diego lui propose de rentrer à pied plutôt que de prendre le car après les cours, il n’ose pas dire non.
Sur le chemin, les adolescents passent devant le terrain d’Albert, un vieil homme solitaire. Aussitôt Diego l’apostrophe et l’injurie. Max est choqué !
Le garçon ne peut s’empêcher de revenir plus tard pour en savoir plus. Il apprend alors qu’Albert est en train de… se construire un château ! Max décide lui prêter main forte et entraîne son meilleur copain, Dgibril, dans cette étonnante « mission ».
Au fil des jours, Albert et l’adolescent deviennent amis. Jusqu’au jour où Albert se fait agresser et voit son château en chantier en partie détruit…
EXTRAIT
Albert
Assis sur sa chaise pliante, les yeux mi-clos, Albert contemple son œuvre. Cette dernière commence à avoir de l’allure. Les tours une et deux sont terminées. La tour numéro trois est en passe de l’être aussi et il vient de poser les fondations de la quatrième. Il a bien travaillé aujourd’hui. Il peut s’accorder une petite pause. Le vieil homme jette un œil vers son potager. D’ici quelques jours, il pourra récolter les haricots verts. Les pieds de tomates sont hauts.
De là où il se trouve, il peut distinguer les premiers fruits, mais il remarque aussi que le jardin est envahi par les mauvaises herbes. Il pense qu’il devra ramasser du millepertuis qui pousse au pied de l’olivier pour en faire des couronnes à mettre au pieds des plants de poivrons. Il en a plus qu’assez de ces escargots qui s’en régalent.
Il y a tant de choses à faire. Mais pas ce soir. Demain. Ou dimanche.
Sans s’en rendre compte, tout doucement, le vieil homme s’endort.
[…]
Des voix venant de la route le réveillent brusquement. Comme tous les jours, à la même heure, presque à la minute près, ils arrivent du lycée d’à côté. Albert pousse un soupir.
D’habitude, il se débrouille pour être invisible. Mais aujourd’hui, il est trop tard. Alors il se prépare mentalement. Il décide de les attendre de pied ferme. Et puis d’ailleurs pourquoi devrait-il se cacher ? Il est chez lui, non ?
Toujours assis sur sa chaise, les yeux mi-clos, Albert écoute. Ils approchent. Bientôt ils seront au bout de son chemin. Comme les autres fois, ils sont quatre … non aujourd’hui ils sont cinq. Il y un nouveau dans le groupe. « Manquait plus que ça ! » pense le vieil homme.
Avec ses cheveux longs, sa démarche élastique, le nouveau ne peut guère espérer passer inaperçu. Il n’a pourtant pas l’air de vraiment faire partie de la bande. Il se contente de sourire – un sourire quelque peu forcé – aux blagues des autres, subit les bousculades et autres tapes dans le dos. Albert est intrigué. Qui est-ce ? Cela fait trente ans qu’il vit ici, il connaît tout le monde dans le village, ou presque. A fortiori les jeunes qui fréquentent le lycée d’à côté. Pourtant celui-ci, il ne l’a jamais vu, il en est certain.
Les adolescents sont maintenant arrivés à la hauteur du chemin qui mène chez Albert. Comme à son habitude, Lionel, le plus petit, le fils de ses voisins qu’il a vu grandir, a le nez rivé sur son téléphone. Il ne remarque même pas que les autres se sont arrêtés. Il percute le nouveau, faisant voler son appareil à plus d’un mètre de lui.
– Et merde, bougonne-t-il en se précipitant pour le ramasser. Ouf ! Il est pas cassé.
– T’es vraiment une tache, toi, lui lance Diego.
Lionel hausse les épaules et replonge aussi sec sur son écran, indifférent au monde qui l’entoure et à ce qui s’y passe.
– C’est trop d’la balle ! Mortelle cette vidéo ! marmonne-t-il.
[…]