DIRECTIVE DROIT D’AUTEUR : LES DÉPUTÉS EUROPÉENS FONT PLIER LES GAFA

Un article d’Audrey Loussouarn dans l’Huma, 27 mars 2019

La réforme du droit d’auteur, adaptant la législation européenne à l’ère numérique, a été adoptée hier, malgré une campagne sans précédent des géants du Net pour faire échouer le texte.

Il en aura fallu du temps pour que les eurodéputés adoptent la réforme du droit d’auteur. C’est chose faite depuis hier, par 348 voix contre 274 et 36 abstentions. La directive, initiée par la Commission européenne en septembre 2016, vise à adapter la législation européenne du droit d’auteur de 2001 en permettant aux artistes et aux médias de percevoir une rémunération de la diffusion de leurs productions via les plateformes numériques (Facebook, Google…), qui profitent allègrement des revenus publicitaires. « Notre responsabilité était de rééquilibrer le rapport de force en faveur de la culture, alors qu’il est manifeste que les Gafa s’enrichissent en exploitant le travail des créateurs. Tout travail mérite salaire », s’est félicitée Virginie Rozière (radicaux de gauche). 171 personnalités ne disaient pas autre chose dans une tribune publiée quelques jours avant le vote, où elles défendaient « notre bien commun le plus précieux, une certaine idée de la démocratie » contre « des intérêts privés ».

Manifestation favorable à la réforme européenne du droit d’auteur, hier à Strasbourg. Frédérick Florin/AFP

La balle est désormais dans le camp des gouvernements

Pendant de longs mois, le débat a été rude. L’opposition ne venait pas uniquement des entreprises du numérique nord-américaines mais aussi d’eurodéputés, comme l’unique élue du parti Pirate, l’Allemande Julia Reda, et des défenseurs des libertés sur Internet, qui craignent une « censure » à venir. Car les plateformes, tenues de trouver un accord avec les ayants droit, pourraient mettre en place des mécanismes automatisés de détection et de suppression des contenus. « Il existe un vrai risque de censure  : celui qui naîtrait d’un monde sans la directive droit d’auteur. Où toutes les recettes continueraient à aller aux plateformes, privant petit à petit les médias de tout moyen de subsistance », leur répondaient 279 journalistes et responsables de presse, dont le directeur de l’Humanité, Patrick Le Hyaric, dans une tribune (à lire sur notre site). Les signataires du texte font référence à l’article 11, qui crée un « droit voisin » concernant la réutilisation des productions de journalistes par les agrégateurs d’informations ou les réseaux sociaux.

Parmi les opposants au texte, les géants du Net ont déployé les grands moyens, arguant d’une mort certaine d’Internet. « Grâce à leur position ultradominante, les deux plus grandes plateformes américaines siphonnent aujourd’hui près de 80 % des revenus publicitaires sur Internet. Payer quelques centaines de millions aux producteurs de contenus ne signera pas leur arrêt de mort, pas plus que d’acquitter un minimum d’impôts en Europe », estimaient les journalistes. Pendant des mois, ces plateformes ont déployé des moyens considérables pour orienter le vote en leur faveur. Selon l’eurodéputé français et ancien patron de Radio France Jean-Marie Cavada (centre droit), les Gafam auraient ainsi dépensé des sommes « extravagantes », allant jusqu’à « payer beaucoup de gens pour aller défiler dans les rues » lors de manifestations Save the Internet organisées partout en Europe samedi, accuse-t-il. En septembre dernier, lors du vote des parlementaires européens, nombre d’entre eux témoignaient des milliers d’e-mails et appels téléphoniques, mais aussi des menaces reçues de ces lobbys. Et, déjà, des « pseudo-campagnes citoyennes » orchestrées par les Gafam, qui avançaient « masqués », dénonçait Virginie Rozière. Malgré la pression, la directive était adoptée, avant d’être remise sur la table pour que les représentants des États membres et du Parlement travaillent à une version commune. La balle est désormais dans le camp des gouvernements : ils doivent donner leur aval, pour que la transposition nationale dans chaque pays soit engagée.

llustration empruntée au site de l’Huma

 

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