Les auteurs du Languedoc-Roussillon : retour à l'accueil

Magazine

Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise Renaud
Comité de lecture :
Valéry Meynadier
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud
Directeur de publication : Francis Zamponi

Édito

Shéhérazade, Jean-Paul Bocaj

Un mot définit le thème de ce numéro spécial, un seul : ANIMAL. Une piste pour se rappeler d'où nous venons, peut-être redéfinir qui nous sommes.
Tout a changé des idées que nous entretenions du monde et de nous-mêmes quand le génial Charles Robert Darwin s'est risqué à théoriser sur l'évolution et sur la sélection naturelle en 1859. Il a étudié de près la distribution géographique et la diversité des faunes sauvages, s'est intéressé au développement embryonnaire des êtres vivants, reconnaissant des ouïes chez l'embryon humain et les interprétant comme traces de notre passé de poisson, de dinosaure, allez savoir. Victor Hugo, demeuré opposé à cette théorie toute sa vie, s'était moqué du savant :

Et quand un grave Anglais, correct, bien mis, beau linge,
Me dit : — Dieu t'a fait homme et moi je te fais singe ;
Rends-toi digne à présent d'une telle faveur ! —
Cette promotion me laisse un peu rêveur.

L’actualité tout comme ces quelques lignes, traces et images nous montrent que les questions de l’animalité et de notre lutte à survivre sont loin d’être résolues.

Illustrations :
Ontologie urbaine de Jacki Maréchal (acrylique sur toile, 81 x 65 cm)
Dog save us, série les Icônes, de Marc Na et Isabelle Marsala, 2013 (80 x 80 cm)
Caricature de Charles Darwin en singe, publiée dans le magazine satirique The Hornet, 1871
Lili King Kong de David Robesson, 2013 (photomontage imprimé sur aluminium, 100 x 100 cm)
Oukoumé, de Nicolas Gal, 2010 (peinture sur toile, 60 x 60 cm)


haut de page

D'une marge à l'autre

Bestiaire, de Pascal Nyiri

Noahs Ark, huile sur toile d'Edward Hicks, 1846, Philadelphia Museum of ArtNoahs Ark, huile sur toile d'Edward Hicks, 1846, Philadelphia Museum of Art

Chien de Sibérie, merle ou autre divinité, dont l'histoire est sifflée par le vent des plus grandes tempêtes. Chat écrasé là dans la douleur extrême, ou canari mort de soif au soleil, rien qui ne les extrairait du karma le plus sauvage. Vache pour qui j'éprouve une profonde tendresse, coq que je voudrais ridiculiser mais qui me réveille le matin. Finalement, je le mange. Chèvre qui broie les ronces dans sa bouche. Petit écureuil cardiaque. Gypaète qui s'achète un pot de pâté de campagne au Casino du coin. Souris dites de Steinbeck. Araignée à la patience infinie, futée, et qui tisse son fil. Petites chutes libres. Fourmi formidable. Tarentule discrète. Vie monocellulaire. Tigre. Singe et fils de singe. Poissons du Polygone. Mouettes et petits voyous en motocyclettes. Rhinocéros lymphatique, centralise l'avancée de l'enquête. Deux Saint-Hubert fument la pipe, en attendant que Sherlock Holmes ait fini sa gamelle. Un grillon se souvient d'une fameuse pente du côté de Ebay. La girafe gronde son girafon parce que l'orthographe c'est important, ce petit géant qui croyait que seuls les zèbres peuvent exceller en la matière. Ça fait du bruit dans la savane, c'est paru sur Pingouins Mag : un éléphant de mer décide d'aller visiter Paris. Il rencontre un ami en face de la gare Saint-Lazare qui lui replace sa cravate en toile de crabe, une jolie cravate couleur bleuâtre fond des mers. Un hippocampe en profite pour voir qui est là ; pour lui personne, et il repart. Tandis que j'ai la requine au téléphone, elle veut me relire sa page trente-sept, quand tous les animaux s'accordent à l'orée du jour. Dans leur schéma, nous sommes des traits.

Illustration : Noah's Ark, huile sur toile d'Edward Hicks, 1846, Philadelphia Museum of Art



Fourmis, de Janine Teisson

La fourmi, Germaine RichierC'est dans ce jardin que j'ai perdu pour toujours l'amour de Kadidja. Accroupie, elle regardait une fourmilière. Elle avait apporté des miettes qu'elle réduisait en poudre entre ses paumes et laissait la panure tomber directement dans le trou. Elle mettait quelques miettes plus grosses un peu plus loin et s'amusait à voir les fourmis les transporter.

– Tu vois, c'est comme si on était Dieu pour elles.
– Ah ouais?

J'ai pris un caillou plat sous le buis. Je le tenais au dessus du trou grouillant de fourmis excitées par la manne céleste. Kadidja me regardait, regardait la foule minuscule. La pierre est tombée en plein dessus. Puis je l'ai reprise et j'ai frappé, frappé. Le petit peuple affolé, estropié, courait en tous sens au milieu des cadavres. Le trou a disparu. Kadidja s'est enfuie avec son sac de miettes et ne m'a plus jamais parlé. Ou bien c'est moi qui n'ai plus osé.

À cette époque je ne regardais plus mon père dans les yeux, de peur d'y retrouver cette insupportable panique. « Il s'éteint. » répétait ma mère. Ce verbe était atroce. À cette occasion, elle qui ne sait aimer que les morts, les animaux malades, les étrangers sous les décombres, les siens réduits à rien, s'en donnait à cœur joie. Une fossoyeuse exemplaire. Et lui n’avait que ses yeux pour dire « Je suis encore vivant et j’ai peur. »
Kadidja avait dit « Dieu ». Dieu ? Celui qui était en train de tuer mon père ? On peut toujours donner des explications au meurtre, après.

Illustration : La fourmi, Germaine Richier, 1953 (épreuve en bronze patinée, 99 x 88 x 66 cm)




Perrocoq, de Jacques Bruyère

Le coq, de Frédéric PlumerandLe perroquet du pirate à la langue de bois qui sait compter jusqu’à trois — ça lui fait une belle jambe — peut aller se remplumer. Il est moche, il est gris, il est vieux comme une ruine, il ne sort que des sottises, des jurons et des gros mots de tous les points cardinaux. Il est coco, il est coco, il est content, Jacquot !
Son maître a voulu le vendre pour se payer un mainate. Il est tombé sur un client regardant, un révolutionnaire juste d’oreille, qui n’a pas supporté les canards du perroquet sifflant l’Internationale. Il a gardé ses sous et a couru acheter un diapason.
Pas de mainate pour le pirate. Son perroquet n’a pas de prix. Il tourne sept fois sa langue dans son bec, puis boit comme un trou dans lequel il finit par chuter sans bruit. Il se tait.
Au réveil, il a changé. Dring, dring, le voilà remonté. Il saute sur un tas de fumier, pousse des cocoricos. Le riche fermier le repère. Il vient de perdre son coq, noyé dans un bain de vin. Viens mon coco, viens, je te présenterai des poulettes, elles devraient être à ton goût. Veuves de leur roi à la crête fleurie, elles sont consolables.
Dans un champ de coquelicots parsemé d’épis de blé, trône Jacquot. À moi, mes cocottes, à moi ! Mais Jacquot n’a pas la cote. Les belles pondeuses le snobent. Quoi ? Ce vieux déplumé ? Pouah !
Jacquot se résigne. À quoi bon lutter contre la nature. Son rêve de communication inter espèces a vécu. Étouffé dans l’œuf.

Illustration : Le coq, Frédéric Plumerand, 2013 (huile sur toile, 60 x 81 cm)



Une odeur de toro, de Bernard Lonjon

Le Minotaure, Pablo Picasso

C’est bizarre, lorsque Françoise est rentrée à la maison ce soir, elle sentait l’odeur de Manolo. Une odeur âcre d’animaux, de fumier et de paille, de grain et de plume. L’odeur de Manolo, l’éleveur de taureaux.
Elle m'a fixé au fond des yeux, sans cligner.
Je sais qu'elle a très mal. L'enfant était toute sa vie et rien ne le fera revenir. Ce petit être lui rendait le bonheur que sa propre mère n’avait pu lui donner, plongée trop tôt de l’autre côté du miroir, noyée dans l'étang bordé d’ajoncs et de saules envoûtants.
Manolo maniait la pique comme nul autre, aussi habile à capturer les jeunes taureaux au lasso qu’à dompter les chevaux en les montant à cru. Un pur sang de la race des éleveurs taurins, tous venaient prendre conseil chez lui. Et lorsque j'ai vu les yeux de Françoise quand elle est rentrée, c’était comme si on m’avait enfoncé la tête dans une eau glacée. Ce froid, je l’avais déjà ressenti il y a dix ans lorsque j’étais entré dans la chambre de la petite et que je l’avais informée du drame qui s’était noué dans le berceau. Pourtant Manolo était un brave garçon, sans histoires. Un fêtard qui n’hésitait pas à recevoir des bandes de copains pour se saouler lorsque le travail ne l’appelait pas de quelques jours. Mais lorsqu’il travaillait, il était sans failles.

Françoise est montée directement dans sa chambre. Mon regard interrogateur ne l’a pas troublée. Elle a fait ce qu’elle devait.

Quand on a frappé à la porte, j'ai su que c’était la police. Le commissaire Leydier a dit que Manolo avait été retrouvé poignardé au milieu de ses taureaux, veillé par ses deux fidèles setters irlandais. Il m'a demandé si j’étais chez moi. Et ma fille ?  Nous ne nous sommes pas quittés, m’entendis-je répondre. Ce n’était pas moi qui parlais, pourtant je l’ai dit. Je ne suis plus qu’un vieil homme brisé. J’en ai même rajouté en donnant des détails sur le déroulement de la soirée, le dîner et le coucher de bonne heure car on voulait se rendre à la ville le lendemain pour choisir une nouvelle machine à laver.
L’inspecteur prenait des notes. Le commissaire scrutait la pièce vaste et sombre, pensant trouver des poignards ou couteaux de collection comme celui qui avait frappé Manolo. Ma collection, il y a plusieurs années que je l'ai vendue et j'avais offert le plus beau en corne de gazelle à Françoise lorsque qu’elle m'avait dit être enceinte de Manolo.

Illustration : Le Minotaure, Pablo Picasso, 1933, 1ère donation Granville
(dessin à la gouache, crayons de couleur, plume et encre de Chine sur papier, 34 x 51,4 cm)



Balade zoologique, de Valéry Meynadier

Photographie de Marc DantanIl était une fois, (moi) une pauvre fille qui avait envie de sauver tous les enfants des zoos. Elle fut enfermée comme une bête et comme une bête, elle eut une maladie digestive, puis des plaques sur la peau, elle n’arrivait plus à respirer. Une maladie cardiovasculaire pointa le bout de son nez et pire, elle avait des troubles du comportement grave. C’est que la captivité, voyez-vous, ce n’est pas si simple. Venez voir le désespoir du singe qui s’humanise, tend la ‘main’, ‘demande’ pourquoi, c’est gratuit. Le sommeil du lion, il ne le quitte plus, dans ses rêves : la mort de la savane. Et l’ennui de l’ours, ah ça. D’ordinaire toute la journée, il cherche pitance, et là, en cinq minutes, le voici rassasié, alors l’ennui pire que la mort apparaît, regardez, c’est gratuit. De quoi parle-t-on au juste ? De liberté, peut-être. De responsabilité, peut-être. De conscience. De ce qui fait l’homme en somme.
Quand elle sortit (moi) de sa captivité, elle devint savante et fonda une nouvelle science hybride, grâce à un vers d’Emily Dickinson :

Honte — pourquoi te blottir
Sur cette terre où l’on vit ?
Honte — redresse-toi,
L’Univers t’appartient

La « Hontologie ».
Entre honte et poésie.

Il était une deuxième fois, cette pauvre fille (moi encore) donna des salves de clefs à des poètes croisés dans les rues pour qu’ils aillent ouvrir les cages. Et enfin l’oxygène retrouva un goût d’air frais.
Car appartenir à l’espèce Homo sapiens en toute conscience, c’est respirer de côté, bancal, c’est manger du burger au « roi de la jungle », en ce moment même, aux États-Unis, un de ces pays « t’auras tout vu »…
La honte !

Illustration : photographie de Marc Dantan, série Les Immortels - www.marcdantan.com

 


TRADUCTION

Musical Kitchen, de Mohamed Metwalli

Traduit en anglais de l'arabe par Gretchen McCullough et Mohamed Metwalli

L'atelier : Betty Page, de Seb ML'atelier : Betty Page, de Seb M

This may be the only musical kitchen in the building…
Here is a plump opera singer who loves food, especially goat meat, leaning against the stove. A goat thigh tucked with garlic cloves is in the oven. She’s singing parts of a modern opera written for her by her poet boyfriend – although this was not the age for poets to write famous operas – but the poet was patting another goat, tied up in a corner of the kitchen, whose turn had not yet come, before leaning on the other side of the stove and gazing appreciatively at his girlfriend’s long lashes, trembling, the pupils shrinking and enlarging as her passion for singing took over. The aroma of the meat created a sense of harmony in the room. It was the only hope in a future where artists sleep rough and starve. He placed the music sheets he had just finished on the wooden cutting board, with onions and vegetables, for her.
The cook – who was a loving mother to them both – opened the oven from time to time, inspiring hope in everyone; she would sing louder with a bit of pananche, and the poet’s lyrics would improve. If the goat panicked and tried to break free, the cook would bring her a couple of clover sticks in a beautiful bouquet. For everyone felt they had to calm the goat and make her comfortable. But the cook’s relationship with the goat was unequalled, even by the singer’s relationship with the poet… She even felt as though she was marinating slices of her own flesh while cooking every meal for them… She did not regret it, even if she became thin – as she is now – her bones sticking out of her body… Art Above All.
To prove it, the two of them placed the medium rare roast on the table between them in the dining room and busied themselves cutting it up, while the cook was sitting on a low stool in a corner of the kitchen as though it were a Christian self-sacrifice, soaking her apron with tears, while the goat – “the artist” – as the owners of the house used to call her – was gobbling the sheets of music and poetry with great appetite !

Illustration : Seb M, L'atelier : Betty Page, (acrylique sur toile, 100 x 100 cm)

 

Texte original

المطبخ الموسيقي

ربما يكون هذا هو المطبخ الموسيقي الوحيد في هذه البناية... فها هي مطربة أوبرا ممتلئة وتهوى الطعام، خاصة لحم الماعز، تقف مستندة إلى البوتاجاز الذي وضع في فرنه فخذ عنزة مطعم بفصوص الثوم ومنشدة أجزاء من أوبرا حديثة كتبها لها صديقها الشاعر – رغم أنه لم يكن ذلك الزمن الذي يؤلف فيه الشعراء أوبرات شهيرة – كان الشاعر يربت على ظهر عنزة مربوطة في طرف المطبخ لم يأت عليها الدور بعد، وذلك قبل أن يستند إلى الطرف الآخر للبوتاجاز وينظر في إعجاب إلى الرموش الطويلة لصديقته وهي ترتجف مضيقة وموسعة حدقتيها إذ انفعلت بالغناء... كانت رائحة اللحم تصنع هارمونية نفسية داخل المكان... كانت هي الأمل الوحيد في مستقبل يتشرد فيه الفنانون ويجوعون... كان يضع لها أوراق النوتة التي فرغ من تأليفها مزودة بالأشعار على اللوح الخشبي المخصص لتقطيع البصل والخضروات... وكانت الطاهية، التي هي بمثابة أم حنون لكليهما، تفتح باب الفرن بين الحين والحين فتبعث الأمل في نفوس الجميع... لتزداد المطربة صدحا بالغناء ويتحسن مستوى تأليف الشاعر... وإذا فزعت العنزة محاولة الفكاك من مربطها كانت تحضر لها عودين من البرسيم في باقة خلابة، فقد كان على الجميع تهدئة العنزة – التي تشم رائحة جديها المشوي – وتوفير المناخ الملائم لها ... لكن علاقة الطاهية بالعنزة لم تكن تضاهيها حتى علاقة المطربة بالشاعر... فقد كانت تشعر أنها تتبل شرائح من لحمها الحي وهي  تعد لهما الطعام كل مرة... ولم تكن تشاركهما المأدبة... حتى ولو صارت نحيلة، كما هي الآن، وبرزت عظامها من كل أنحاء جسدها... فالفن فوق الجميع... والدليل على ذلك أنهما قد وضعا الفخذ بينهما على مائدة الطعام في الخارج، وانهمكا في تقطيع اللحم الذي يطفر حمرة من الداخل... بينما الطاهية كانت تجلس على كرسي قصير بركن المطبخ شاعرة بالتطهر الذي يعقب تضحية مسيحية بالنفس وهي تبقع مريولها بالدموع... أما العنزة الفنانة، كما أسماها أصحاب البيت، فقد كانت تلتهم أوراق النوتة الموسيقية المزودة بالأشعار في تلذذ واضح!

24 سبتمبر 1998

Mohamed MetwalliMohamed Metwalli est un poète égyptien né en 1970. Il réside actuellement au Caire où il est traducteur pour la télévision (de l'arabe à l'anglais). Il écrit en arabe et s'auto-traduit en anglais. Ses textes sont publiés dans la revue Locust (Le criquet). Amateur de whisky et de femmes, il s'oppose à la poésie traditionnelle arabe et se situe résolument dans l'avant-garde égyptienne. Sa poésie s'imprègne du monde moderne, très colorée, pleine de bruit et de fureur. Il voudrait être lu sans afféterie sentimentale, avec le ton d'une lecture de journal.

 

 



CHEZ MON LIBRAIRE, CE N'EST PAS PLUS CHER !

Languedoc-Roussillon livre et lecture nous propose deux textes en prose issus de l’exposition « Chez mon libraire, ce n'est pas plus cher ». Les portraits photographiques de libraires réalisés par Sylvie Goussopoulos les accompagnent. Quant à l'exposition, elle poursuit son voyage à travers la région.

Librairie Gibert, Montpellier

Librairie Gibert, Montpellier © Sylvie Goussopoulos

Rencontres amoureuses, de Nicolas Ancion

Il faut les imaginer dans les réserves, chez les distributeurs et les éditeurs, par milliers entassés sur les rayonnages : des livres et encore des livres, sous plastique et en caisses. Ils espèrent rencontrer un lecteur, une lectrice mais pour que ce miracle se produise, il faut qu'un libraire les tire de ce mauvais pas.

Un bon libraire fonctionne comme une agence matrimoniale : chaque jour il opère la rencontre miraculeuse entre ces livres en mal d'affection et des lecteurs, des lectrices qui attendent qu'on les séduise. Il lui faut bien connaître les uns et les autres, les prétendants comme les promises, pour proposer aux unes et aux autres de partir ensemble en tête à tête, pour une soirée ou bien plus, si affinités.

Car entre les lecteurs et les livres, c'est toujours une question de passion.


Stéphane Savajols, librairie Papyrus, Marvejols

Stéphane Savajols, librairie Papyrus, Marvejols © Sylvie Goussopoulos

Passer la porte, de Tatiana Arfel

Il faut passer la porte — vertige, chute, Alice, vent frais, cris d’animaux et paroles d’hommes, atterrissage. Premier couloir. Sombre, lampe torche des yeux curieux, des oreilles à l’affût. Mille grottes immenses ou minuscules, inondées de soleil ou d’eau noire, à lucioles ou papillons, chacune ouvrant sur d’autres par une scène, un souvenir. Explorer, surprendre une dispute en hongrois, un enterrement péruvien, un planteur de riz, un homme qui vit avec un serpent, tourner à droite, des gens qui vécurent heureux, un jardin d’orangers, une femme seule qui nage en Sicile, à gauche, baisser la tête, se faufiler, s’étendre, s’allonger immense de mots et d’histoires, artifices en feux et vraie vie, pourtant.

Il faut passer la porte. Entrée impériale via la caverne centrale librairie, guide expérimenté fourni. Entrées de secours : n’importe quel livre, article, conseil d’ami, nécessité intérieure enfin : on trouvera toujours son chemin.

Prochains rendez-vous :

  • Du 2 au 27 juillet : Médiathèque de Mauguio.
  • Septembre : Argelès-sur-Mer.
  • Octobre : Chapiteaux du livre, Béziers.

La tournée de l'exposition (lr2l.fr)

haut de page

Champ de culture

CHRONIQUE LIVRE

Salut Captain Alan (hommage à Alain Jégou), par Jean Azarel

Autour de Passe Ouest / Ikaria LO686070

Alain Jégou

Quelques goélands, installés confortablement sur l’enveloppe du Bombard ou agrippés à la rambarde du gaillard, tels des véliplanchistes à leur wishbone, houppette au vent et œil perforant la bulle d’horizon, se font véhiculer gratos. Pas de petites économies d’énergie pour ces feignasses notoires, même pas caps de plonger et de chasser eux-mêmes pour se remplir la panse. Plus fastoche de cueillir les boyaux et les rejets de captures hors taille, les déchets d’après virage, étripage et triage, que de se mouiller le plumage pour courser les bancs de sprats, de sardines ou d’anchois, comme le font ces "abrutis" de fous de Bassan, de macareux, de guillemots ou de cormorans. 

Passe Ouest (couv)Alain Jégou, poète et romancier breton, marin pêcheur indépendant pendant vingt-sept ans, nous a quittés le 6 mai dernier, après un dur combat de deux ans contre la maladie.
Papy beat man, que blablater de plus sur ta mort ? Que je n’en ai pas fini avec toi, que je pense à ta compagne, que ça va chier dans les filets, que le congre de service dit toujours ouigre, que tu joues les poissons-volant là haut, aux côtés de Charlie l’Oiseau Parker, que t’étais mon grand frère d’armes, et que nos armes faisaient l’amour avec les mots et pas la guerre, même si ça fait rire au crépuscule des crétins, que t’avais le cœur en bouillabaisse d’espèces nobles et que le mien passe de médina en confettis… ?
Salut Captain Alan, t’en as bavé sur la fin, mais pendant longtemps, la pêche a été bonne.

La manne attend dans les fonds endormis. Dès les premières leurs de l’aube, les premiers rayons suffisamment fringants pour pénétrer et perforer l’onde jusqu’au tréfonds, elle sortira de sa léthargie, s’extirpant de l’ombre rocheuse ou de la gangue de vase, pour se dégourdir les pinces, la carapace ou les écailles, aller goûter aux joies du jogging sous marin et se payer ensuite une copieuse tranche de plancton en guise de petit déj.

« Passe Ouest / Ikaria LO686070 » est le nom du bateau d’Alain Jégou suivi de son numéro d’imatriculation au port de Lorient. Éditions Apogée, 2007


 

CHRONIQUE LIVRE

L'homme qui savait la langue des serpents d'Andrus Kivirähk, par Joëlle Wintrebert

L'homme qui savait la langue des serpentsImaginez l’histoire de Leemet, un sauvage dont vous allez suivre les aventures depuis l’enfance. Les serpents seront vos amis, les élans s’offriront en sacrifice quand vous sifflerez les sons appropriés, les louves vous donneront leur lait, vous y verrez des ours lubriques ravir les femmes ou les épouser, des grands-pères se fabriquer des ailes ou capturer des vents, des voisins australopithèques élever des poux géants.
Toutes ces merveilles, pourtant, ne réussiront pas à retenir les derniers habitants de la forêt, attirés par les innovations dispensées dans les villages et parées d’une nouvelle magie appelée Jésus, magie des envahisseurs teutons. Les garçons ne rêvent plus que de sacrifier leur virilité pour chanter au côté des moines, et les filles de se faire enlever pour un soir par un chevalier en armure…

Andrus Kivirähk, l’auteur de ce roman traduit de l’estonien, est très populaire dans son pays. Et tout particulièrement pour ce récit inspiré des sagas islandaises. À la fois conte d’une imagination et d’un humour débridés et satire religieuse décapante, sous couvert d’une fable se déroulant dans un XIIIe siècle de fantaisie c’est bien du monde d’aujourd’hui que Kivirähk nous parle. Et ce monde a bel et bien enterré Leemet, l’homme qui savait la langue des serpents.

Éditions Attila, 2013



 

TRANCHE DE VIE

La vieille dame et son chat, de Paula Dumont

Colette et son chat

La scène se passe dans une salle de classe de lycée pendant un cours de français.

La prof : Comme le disait Colette...
Elle s’interrompt car elle vient de constater que ses élèves la regardent d’un air interrogateur.
Un élève du premier rang : Colette ? Colette comment ?
C’est un bon élève. La prof regarde les visages tournés vers elle et s’aperçoit qu’aucun élève n’est capable de donner une réponse satisfaisante. Elle écrit au tableau : Colette, écrivaine française, 1873-1954.
L’élève du premier rang dont le regard vient de s’illuminer : Ah oui ! Colette ! Une vieille dame avec un chat...
La prof, indignée, lève les bras au ciel : Une vieille dame avec un chat ! Voilà tout ce que vous savez de l’écrivaine la plus célèbre du monde !
Silence de mort
Avant d’être vieille, elle a été jeune. C’est vrai qu’elle a beaucoup aimé la nature, sa Bourgogne natale et les animaux. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle est célèbre. Je me demande d’ailleurs pourquoi on ne dit pas que Victor Hugo avait un chien, tout comme Lamartine d’ailleurs...
Quelques élèves s’agitent.
Oui, si au lieu de vous avoir fait un cours sur Hugo, je vous avais dit que son chien s’appelait Sénat, ça vous aurait passionné ? Sachez d'ailleurs que, sur le collier de son chien, Hugo avait écrit deux vers « J’aimerais bien que chez moi l’on me ramenât / Mon état : chien, mon maître, Hugo, mon nom : Sénat ». Mais le chien n’a jamais gardé son collier plus de quinze jours du fait qu'il y avait toujours des admirateurs du poète qui le volaient !
Quelques soupirs dans la classe. Les élèves se demandent si leur prof n’est pas en train de perdre la tête.
Quant à Lamartine, il a eu toute une meute d'adorables petits lévriers anglais. Il a écrit de fort beaux vers sur sa chienne favorite. « Une levrette blanche au museau de gazelle / Au poil ondé de soie, au cou de tourterelle / A l’œil profond et doux comme un regard humain.» Ça ne vous dit vraiment rien ? Vous voulez que je vous parle aussi du lévrier de Flaubert ?
Les élèves soupirent de plus en plus. La prof prend un air triomphant
Alors, pourquoi réduire Colette à cette seule image stéréotypée : une vieille dame avec un chat ? Oui, elle a eu des chats, mais elle a eu aussi des chiens, une fille et trois maris. En outre, elle a écrit plus de cinquante livres, une multitude d’articles pour la presse ! Mais voilà ce qu’il en reste pour vous : une vieille dame avec un chat ! C’est affligeant.
La prof, qui remarque enfin l'inquiétude peinte sur le visage de l'auditoire, reprend.
Bon ! Remettons-nous au travail...



 

CHRONIQUE LIVRE JEUNESSE

La lune, la grenouille et le noir de Monique et Claude Ponti, par Claude Darras

La lune, la grenouille et le noir (couv)Tout irait bien pour Zoé si elle parvenait à s’endormir le soir. Que la pleine terre apparaisse ou non à la tombée du jour, cette grenouille vêtue d’une robe rose bonbon ne parvient pas à trouver le sommeil après une activité diurne passablement agitée. Que voulez-vous, toute la sainte journée, elle aime à manifester sa joie de vivre en sautant avec l’aisance d’un champion de trampoline par-dessus les ruisseaux, les rivières, les collines, les terrasses, les champs de choux et de chapeaux. La planète Lune où elle a élu domicile serait un paradis sans la lumière du jour solaire qui l’empêche de fermer les yeux. Heureusement, sa perspicacité et ses talents de bâtisseur résoudront le problème. Je n’en dirai pas plus afin de ne pas déflorer l’issue de la belle histoire racontée par Monique Ponti et dessinée par son mari Claude.
Peut-être qu’à travers les aventures de Zoé les auteurs ont voulu attirer l’attention sur la situation critique des grenouilles, crapauds et autres salamandres, ces six à sept milliers d’amphibiens de plus en plus fragilisés par l’érosion de la biodiversité. Je parierais, quant à moi, que leur héroïne nous vient de la Dombes, ce plateau argileux aux mille étangs qui domine les vallées du Rhône, de la Saône et de l’Ain où la grenouille verte (rana esculenta), coqueluche de la population, suscitait encore au siècle dernier des courses de saut légendaires.

Gallimard Jeunesse, collection l’heure des histoires n° 69, 2012


 

CINÉMA

L'animal recomposé, par Jean Domon

photographie de tournage © Nicolas Philibert

L’Animal serait-il la plus belle conquête de l’Homme ? Ce dernier en est persuadé. Avec ravissement ou angoisse selon les cas. Mais parvient-il, cet homme intelligent aux pleins pouvoirs, à en atteindre le secret ? À pénétrer à l’intérieur de ce vivant qui lui fait face et le fascine ? 
Le cinéaste Jean-Jacques Annaud, après La Guerre du Feu, a voulu remonter plus loin encore aux Origines jusqu’à l’âme de l’Animal. En lui donnant la parole. C’est-à-dire en la lui ôtant ! Contre toutes les inventions hollywoodiennes qui font parler les animaux, il nous offre le point de vue de l‘Animal par les seuls mouvements de la « bête » et ses grognements. On se souvient du succès  que recueillit ce film en 1988. On avait l’impression de voir vivre l’Ours, de se battre et de souffrir avec lui. Un époustouflant documentaire ? Non, la plus méticuleuse mise en scène qui exigea 300 km de pellicules pour trois caméras, 1700 plans d’un story-board scrupuleusement respecté au tournage, une armée de dresseurs professionnels, vétérinaires et techniciens en tous genres manipulant 14 plantigrades… bouleversants de naturel ! C’est l’Animal primitif mais recomposé, enrichi pour notre bonheur des plus émouvants sentiments et comportements de l’Homme.

Un autre cinéaste  nous a offert un Animal recomposé : Nicolas Philibert, en accompagnant avec sa caméra la réouverture de la galerie de zoologie du Musée d’Histoire Naturelle. Son regard poétique fait revivre pour notre plaisir cette forêt d’animaux morts que les professionnels de la taxidermie ont amoureusement empaillés, recousus, peints, redressés. Auxquels se sont joints pour l’occasion toute une armée d’ouvriers, manutentionnaires, grutiers, scénographes, conservateurs et autres artisans au service de l’Animale Nature et de sa mystérieuse beauté. Cet œil fixe (de verre) du toucan, cet air pensif de la femelle orang-outan, qui nous regardent en silence, sont comme des questions immobiles et définitives. Nous sommes leur « hors-champ ».
Une autre manière d’ausculter l’étrangeté de ce monde frontalier que l’imagination ou la science de l’Homme ne franchira qu’au prix de rêves ou de mensonges.

L’Ours, de Jean-Jacques Annaud, 1988 / Un animal, des animaux, de Nicolas Philibert, 1994

Illustration : photographie de tournage © Nicolas Philibert

 

haut de page

Bout de chemin

Pas d'édition sans adrénaline, entretien avec Marie-Ange Falques-Avril, éditions Trabucaire (66)

par Françoise Renaud

Marie-Ange Falques-Avril

28 ans d'âge, 600 titres publiés, une belle aventure éditoriale. Racontez-nous.
Notre maison est née à Perpignan par un chaud matin de juin 1986 de la volonté de deux personnes, Robert Avril et moi-même, de compléter le paysage culturel auquel nous avions activement participé depuis les années 1970. Les premiers titres publiés le furent exclusivement en catalan, puis sont nées des collections en langues française et occitane.

Pourquoi ce nom : Trabucaire ?
Intraduisible en français, porteur de toutes les vertus de la Terra, emblématique d’un esprit de résistance ! Ce choix signifiait notre inscription dans une ligne de défense et de promotion de notre langue et de notre culture.

L'ancrage en pays catalan est un élément fondateur. Presqu'une philosophie ?
J’aime le terme de « philosophie » pour définir notre travail, parce qu’il l'inscrit dans le temps court de nos vies et dans le temps long de l'histoire collective. L'enjeu va au-delà du simple travail de publication. Il contribue à une continuité sociétale et une construction intellectuelle : préserver notre identité, réfléchir sur le territoire et la société, transmettre.

Vos spécificités en matière d'édition ?
D'abord nos trois langues de publication. Ensuite un catalogue varié qui couvre les champs de la création littéraire, scientifique et artistique.

Qu'est-ce qui oriente vos choix ? L'auteur, le sujet, la forme, le lien avec la région ?
La qualité avant tout. La qualité du fond et de la forme, au service d’une idée. Nos pays (catalan, occitan, corse, basque, breton, etc.) regorgent de talents. Il n’y a pas « bon bec » qu’à Paris ! La qualité de nos choix éditoriaux, de nos auteurs et de nos collections, depuis 28 ans,  nous positionnent de façon durable dans le panorama intellectuel catalan. Nous avons aussi toujours fait preuve d’une grande curiosité et d’une grande ouverture d’esprit.

Votre catalogue présente en effet une grande variété de genres : roman, polar, livre d'artiste, dictionnaire, beau livre.  Comment les défendre ?
La colonne vertébrale de notre catalogue, ce sont les sciences humaines, un domaine dans lequel nous sommes reconnus : librairies spécialisées, public fidèle, vente d'ouvrages en international. Pour la création littéraire en français, nous restons modestes et en avertissons nos auteurs. Pour l'occitan et le catalan, nous avons tissé un important réseau relationnel, mais le lectorat en langue vernaculaire s’amenuise. Nos espoirs se tournent vers les écoles catalanes et occitanes, aussi vers un public curieux du territoire qu'il habite ou visite.

Place particulière est faite au sport, au rugby. Région oblige ?
Le sport participe de notre identité et forge des liens. Le rugby a trouvé sa place naturellement.

Comment définiriez-vous votre rapport aux auteurs ?
Excellent, je l'espère. L'auteur est aussi important que l’éditeur dans la conception et la vie d’un livre. Et nos auteurs partagent notre conception du monde et notre philosophie. 600 écrivains publiés : une belle communauté de pensée !

L'histoire locale, l'archéologie, la sociologie tiennent aussi leur rang. Et même l'ethnologie.
Nos collections sociologie et patrimoine se sont inventées au fil des années. Mireia, formée dans ces disciplines, a intégré la direction en 2000 et a fait évoluer notre sensibilité. La sociologie s'est initiée en 1999 avec Fin de siècle incertaine à Perpignan. L’ethnologie, l’anthropologie, la généalogie, sont des outils qui garantissent la qualité de notre travail dans son volet « mise en valeur de notre patrimoine » : guides de poche Routes et chemins et beaux livres.

Les fêtes de l'ours (couv)

Les Fêtes de l'Ours en Vallespir évoque d'anciens rites païens propres à quelques villages. Comment est née l'idée de cet ouvrage ?
Ces fêtes se célèbrent depuis la nuit des temps à Prats de Mollo-la-Preste, Arles sur Tech et Saint-Laurent de Cerdans. Les habitants de ces trois villages sont habités d'une volonté farouche de maintenir cette tradition. Aujourd'hui ils s’unissent pour coordonner les fêtes et mieux les partager. Belle leçon d'identité. Nous en avons fait un livre avec Robert Bosch et Noël Hautemanière.

Votre plus belle histoire éditoriale ?
En effet. L'histoire a commencé à la Comédie du livre à Montpellier. En 2012, Robert s'y promenait (sans doute avec sa petite idée en tête) et il a rencontré Mireia à notre stand. Quelques mots, une connivence, un intérêt partagé. Ensuite nous avons travaillé intensément, dans l’urgence. Le livre a paru pour les fêtes de Prats de Mollo, le 28 février dernier (nous étions allées le chercher la veille in extremis à Barcelone chez l’imprimeur)  Il était magnifique, doux au toucher. Dans ce bar de Prats de Mollo, je l'ai vu voleter de main en main. J'étais une éditrice heureuse.

L'éditeur contribue ainsi à la conservation d'un patrimoine, à la défense d'un pays ?
Ces fêtes sont un patrimoine vivant et en devenir qui donne sens à un territoire, à toute une vallée : un magnifique symbole. Alors oui, quand le concept de « patrimoine » prend ce sens-là, nous nous sentons concernés et nous nous mettons à son service. Ce livre est riche d’un texte époustouflant et d’un beau témoignage photographique. Robert Bosch participe à la commission de préparation d'un dossier en vue du classement UNESCO.

Marie-Ange Falques-Avril

www.trabucaire.com


 

Un animal parmi d'autres, conversation avec Jean-Louis Martin,

ornithologue

Jean-Louis Martin est chercheur au CNRS, directeur du Département Dynamique et Gouvernance des systèmes écologiques. Son camp de base est le Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive à Montpellier. Ses terrains de recherche ont été multiples : Finlande, Canada, région arctique… et bien sûr, région méditerranéenne. Depuis 1992, il enseigne la biologie de la conservation.

Jean-Louis Martin

L’homme est-il un animal ?
Oui. La femme aussi d'ailleurs !

Comment définiriez-vous sa position face au règne animal ?
Un animal parmi d'autres dans le sens où toutes les espèces ont au jour près, la même histoire évolutive derrière elles. Chacune avec ses particularités plus extraordinaires les unes que les autres. Mais l'humain est aussi une espèce qui pèse lourd, si lourd qu'elle est devenue une force géologique.

La théorie darwinienne est-elle pertinente encore aujourd’hui ?
La théorie de l'évolution est une théorie, donc une construction basée sur une collection d'observations et de faits, et non une hypothèse basée sur une intuition qui demanderait à être vérifiée par des observations ou des expériences — nombreux sont ceux qui confondent encore les deux, il me semble. Donc oui, c'est bien une théorie et voilà ce qui fait sa force. Pour la jeter aux orties, il faudrait accumuler foule de faits et d'observations contradictoires. Une bonne compréhension de ce qu'elle implique permettrait à tout un chacun de mieux se situer avec modestie dans le monde et nous aiderait à passer d'une culture de la conquête à une culture du respect, respect des êtres et des limites du monde.

entretien MartinQuel rapport entre l’homme et les oiseaux ?
À mon avis, un regard partagé. L'humain, tout comme l'oiseau, perçoit d'abord le monde à travers les yeux, et les oiseaux nous régalent de ce fait, nous les autres "voyeurs", de leurs couleurs et de leurs chorégraphies aériennes. Aussi une parenté musicale. De tout le règne animal, ils semblent partager avec nous le même univers sonore. Les baleines pourraient être une autre exception, mais plutôt côté musique contemporaine ! 

Qu’en est-il de l’ordre biologique actuel du monde ?
En très grande détresse. Je crois que nous ne nous rendons pas compte de la gravité de la situation. Et pourtant, tout ce potentiel de vie ne demanderait qu'à s'exprimer, pas seulement dans les jungles et les bois, mais aussi sur nos balcons, dans nos arrière-cours,  nos maisons, nos rues, nos jardins. Que de conversations quotidiennes avec la vie sous toutes ses formes sont perdues sans que nous ayons conscience que nos vies en sont infiniment plus pauvres.

Une dernière note… optimiste ?
Que faire ? Inviter la Nature chez soi. Il suffit de lui laisser une place pour qu’elle la prenne ! Chacun de nous a la capacité à faire partie de la solution, à entamer cette mutation de la conquête vers le respect.

www.cefe.cnrs.fr - Jean-Louis Martin 
avimed.cefe.cnrs.fr - Évolution de la biodiversité dans différents paysages méditerranéens

Jean-Louis Martin

Illustration : "Capturer un oiseau pour le baguer c'est magique mais c'est délicat et on se sent un peu coupable…", Ile de Reef, Haida Gwaii, Canada

 

haut de page

Ici et là

PORTRAIT D'AUTEUR

Janine Teisson

Entretien avec Françoise Renaud

FUMAMBULE propose un portrait d'auteur en collaboration avec le JT du OFF de Montpellier. Réalisation : Jean-Pascal Girou.


ADA Janine Teisson par le JT du OFF
 

Janine Teisson a pratiqué d'autres métiers avant de devenir écrivain (enseignante, éducatrice, clown, couturière). Elle en était au milieu de sa vie quand elle s'est lancée dans cette aventure essentielle pour elle : l’écriture. Son premier roman : La petite cinglée publié en 1993 (éditions Climats), prix du premier roman de Chambéry et le prix Antigone.
Elle aborde tous les genres — nouvelles, contes, romans, récits autobiographiques, SF, roman historique — en direction de tous les publics. Elle aborde aujourd'hui l'écriture théâtrale et dirige une collection de romans policiers et noirs pour le Chèvre Feuille Etoilée.


 

haut de page

Paysages

PHOTOGRAPHIE

Les immortels, Marc Dantan

photo Marc Dantan

photo Marc Dantanphoto Marc Dantan

L'histoire de cette série photographique est singulière. Marc Dantan raconte : « Un terrible incendie a pris chez Deyrolle le 1er février 2008, suite à quoi Louis Albert de Broglie, propriétaire des lieux avec qui j'étais lié, m'a proposé de récupérer en images ce qui pouvait l'être. Malgré son grand désarroi, il ressentait une présence visuelle. »
La maison Deyrolle rassemble depuis 1831 d’importantes collections destinées à tous les amateurs des choses de la nature dans une atmosphère de cabinet de curiosité. L'incendie a détruit 90% des collections et du mobilier entomologique. Une désolation.
« Une semaine dans les décombres avec l'odeur du feu dans mes vêtements. Une expérience gravée dans ma mémoire. J'ai tenté des mises en scène, mis en valeur le décor surréaliste avec ce qu'il restait des animaux. C'était superbe, c'était comme s'ils étaient passés au travers des flammes, ressuscités. »  
Un grand mouvement de solidarité s'était mis en marche, familiers du lieu, amis  et artistes contemporains mobilisés pour la reconstruction.

Deyrolles sous les cendres : www.deyrolle.com - magazine
La renaissance : www.deyrolle.fr - magazine

photo Marc Dantanphoto Marc Dantan

photo Marc Dantan

photo Marc Dantan

www.marcdantan.com

 




SCULPTURE

Poules de luxe, Frédérique Azaïs-Ferri

sculpture de Frédérique Azaïs-Ferrisculpture de Frédérique Azaïs-Ferri

Ces "Poules de Luxe" correspondent à un intermède dans le travail habituel de Frédérique Azaïs-Ferri.
En fait, des vraies poules qui se promènent dans son jardin à leur représentation plastique, il n'y avait qu'un pas à franchir ! Mais quelques années de réflexion ont été nécessaires avant d'immortaliser ces gallinacés dans ces habits de luxe et de lumière.
Une résonnance avec la cocotte parée de mille feux, entretenue et frivole.

sculpture de Frédérique Azaïs-Ferrisculpture de Frédérique Azaïs-Ferri

Frédérique Azaïs-Ferrifacebook

De gauche à droite et de haut en bas : Poule de luxe / bécasse à rubis / coq en pâte / oie blanche
Sculptures en papier mâché sur socle en métal. Feuilles d'or, d'argent et de cuivre, peinture acrylique

 




PHOTOGRAPHIE

L'axe du globe, Jean-Louis Bec

photo Jean-Louis Bec

photo Jean-Louis Bec

« C’est une ombre, un volume, un profil, quelques traits. L’allure souple d’un animal immobile. Il est loin, me fixe du regard ; je ne bouge pas. Je lui prête attention, il me la rend. Alors je cherche,  le vise d’un œil, le soupèse de l’autre. Fais apparaître des détails qui me parlent et racontent. Une histoire d’animal, de nez, de bouche, autant de choses que je connais pour en posséder moi-même. Je ne l’ai jamais vu mais sais qui il est sans le reconnaître. Je situe en gros son espèce, sa famille. Il est là, à quelques petites dizaines de mètres. Sa tranquillité est une invite à s’approcher mais je reste impassible. Quand un fond de nature de bois tendre me souffle de courir vers lui, mon cœur de pierre m’impose de ne pas bouger et de préparer la résistance.
Peu à peu, en équilibre, se crée entre nous un espace animal imaginé, vibrant de courses pleines, de têtes balancées ; une respiration de muscles et de liberté, un désir de sueur et de sauts, de souffles partagés.
Il me rejoint en m’appelant. Je ne bouge pas et ne bougerai pas, ne jouerai pas, ne lèverai pas un cil. Les années sont trop nombreuses, trop lourdes, trop poudrées de quartz. Des années de granite. Mon histoire est celle des continents et bien que souvent sollicité, j’ai perdu le goût du jeu. Je suis devenu froid jusqu’à tenir chaud au plus profond des visions et des songes de ceux qui me rencontrent. »

photo Jean-Louis Becphotographie Jean-Louis Bec

photo Jean-Louis Bec

photo Jean-Louis Bec

Didacticien des sciences et biochimiste de formation, Jean-Louis Bec cherche à réaliser une lecture sensible de la Nature. Il s’intéresse en particulier aux ressemblances et aux correspondances présentes entre les structures et les formes rencontrées au niveau de l’eau, des roches, des plantes, des animaux. Il spécifie leurs similitudes, leur complémentarité et puise aussi  bien dans le courant épistémologique de la complexité que dans les racines de la pensée animiste pour rendre compte de leur unité. De façon complémentaire, cette démarche le conduit à interroger notre perception, notre façon d’appréhender et de connaître le monde.
Il est photographe et formateur du groupe Negpos de Nîmes.

Natures Cachées : jlb-naturescachees.over-blog.com

 

 

haut de page

Parutions - avril-juillet 2013

avril

couv GiraudMireille GIRAUD
Être et vivre seule : Le harcèlement quotidien, essai, collection Questions Contemporaines, éditions L'Harmattan
L'ouvrage lève le voile sur un mal méconnu et pourtant répandu : le harcèlement que vivent les femmes vivant "seules" et parce qu'elles sont " seules". Ce fléau de société, à travers de nombreux témoignages, est ici décrit, analysé, dénoncé.

mai

couv BayarMichèle BAYAR
Mort sur le Sumptuosa, roman policier, collection Crimes & châtiments, édition Les presses littéraires, coauteure Françoise Dumas-Rossel
Fille de la grande bourgeoisie banyulenque, Hélène accepte de participer à une croisière sur le Sumptuosa. Dès l'embarquement, des signes l'avertissent que la mort l’attend. Elle en est presque soulagée mais, à sa grande surprise, la camarde a un visage humain dangereux, inattendu. Son fils Kevin est menacé lui aussi. Une âme errante a-t-elle le pouvoir d’agir parmi les vivants ? Emilio, flic de bord héritier de Corto Maltese et marin sensible, fait des rêves étranges.

couv BronsardMarie BRONSARD
The Legend, récit, traduction en anglais de "La Légende", (Domens,1999), par Sonia Alland,  éditions Seagul Books, London and Calculta (www.seagullbooks.org)
Une vieille femme se meurt. La narratrice l'a bien connue. Majorquine de naissance, française d'élection elle a traversé aux côtés de son premier mari, militaire en Indochine, les années fastueuses et frivoles d'Avant-guerre. La mort de celui-ci, pour la France, en héros, par les œuvres d'un Japonais géant, à 35 ans, a hissé ce qui aurait pu ne rester qu'une anecdote (...) au rang de Légende, à la fois cruelle et dorée.

couv NatYotNatYot
(bois, putes, oiseaux), poésie, Gros textes
"Alors je me suis tue.
On pourra peut être se parler maintenant.
Essayer sans la bouche. Je suis déjà tranquille.
J’ai un peu marché et je me suis enfoncée dans les bois.
Il n’est pas trop tard pour s’enfoncer dans les bois.
Je le saurais. […]"

couv TeissonJanine TEISSON
Des diamants dans le foie gras, polar jeunesse, Oskar éditeur
Une suite à "Pesticides, pizza et petit bébé" dans une série d'enquêtes policières menées par un groupe d'adolescents de Montpellier. Des situations drôles, ce qui n'empêche pas d'aborder les problèmes liés à l'écologie et des questions de société Les personnages, filles et garçons, sont issus de l'immigration et confrontent en toute amitié leurs cultures et leurs religions.
Un roman policier, qui s'adresse aux lecteurs de 10 à 13 ans.

couv Witek
Jo WITEK
Dans mon petit cœur, album, illustrations de Christine Roussey, éditions de La Martinière jeunesse
Une petite fille voyage dans les sentiments qui la traversent et découvre ses humeurs changeantes.

juin

couv Gavignaud-FontaineGeneviève GAVIGNAUD-FONTAINE
Marchés sans justice, ruines sociales. Refonder les libertés économiques sur la justice, Paris, Boutique de l’Histoire / éditions Les Indes Savantes
Une réflexion sur les injustices économiques, les croissantes et insupportables inégalités qu’elles génèrent. Faits sociaux à l’appui, l’auteure explicite combien, dans la globalisation libérale en vigueur depuis quelques décennies, chaque manquement à l’exigence de justice aggrave, de jour en jour et à la vue de chacun, le sort des acteurs économiques les moins compétitifs. Présent et passé, histoire sociale, économie et philosophie morale dialoguent pour faire du nécessaire rapport de justice dans l’échange commercial un principe irréfragable.

couv Zuchettocouv Zuchettocouv ZuchettoGérard ZUCHETTO
Camins de trobar  - TROBAR ET TROUBADOURS XIIe – XIIIe siècles, éditions musicales Troba Vox
(l'ouvrage prévu pour juillet 2012 est enfin disponible).
Vol.1 – Terre des troubadours : introduction au trobar et aux troubadours des XIIe-XIIIe siècles : histoire, poésie lyrique, rayonnement en Europe 
Vol.2 – Contes et légendes des troubadours : l’univers légendaire des troubadours à travers biographies, vidas et razos, et portraits extravagants de personnages hors du commun.
Vol.3 – Le Troubadour Guiraut Riquier de Narbonne : ses chansons en musique (1257-1292)

juillet

couv GirodeauGildas GIRODEAU
Tempête sur la Belle Maria, Jeunesse, éditions du Jasmin
Lorsque Benji arrive à Port-Vendres pour faire un stage sur le bateau de son oncle, il ne se doute pas que ce séjour ne sera pas de tout repos. Sur la Belle Maria, il découvre Pierre, un motoriste bourru, et Yacoub, un marin mauritanien avec lequel il se lie d’amitié. Mais une ambiance bizarre règne sur le bateau. Pourquoi Pierre insiste-t-il pour naviguer en pleine tempête sans respecter les normes de sécurité ? Yacoub s’est-il vraiment noyé par accident ? Aidé par Cheïkha, la fille de Yacoub, Benji parviendra-t-il à mener à bien son enquête ? Un scénario haletant et des personnages attachants.

couv GirodeauGildas GIRODEAU
La saga de Xavi el Valent,
tome 2, Héroic Fantasy, éditions Black Coat Press, collection Rivière Blanche
Les cardinaux du Défiguré font ripaille sous les murs de Barcelona, les tigro-raptors hurlent de faim, les amazones de Bernadette fourbissent leurs armes, les Crânes Rouges de Posel Virt Schneesturm pillent et violent. Sur les créneaux de la capitale de la Katland, Olympe de Fois brandit sa hachette mythique. Pendant ce temps, Xavi el Valent et Lo Singlar vont quémander l'aide du puissant sultan An-Nisâr. L'Histoire va changer de visage ! Les Francs et les troupes papales vont affronter Katalans, Kathars et Okcitans sur un champ de bataille titanesque, de Barcelona à Montsegur.

couv GirodeauGildas GIRODEAU
The Fluxe
, nouvelle noire, Ska éditions
Un tueur psychopathe rôde dans Perpignan et met sur les dents l'équipe du commissaire Costes, un roman au parfum de rock'n roll...



haut de page

contact ADA Languedoc Roussillon