Magazine

Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise Renaud
Comité de lecture :
Dominique Gauthiez-Rieucau, Valéry Meynadier
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud

Éditorial

triptyque de Martine Trouïs

De nouveaux horizons pour le Mag.

Son existence se voit consolidée par une collaboration active avec Languedoc Roussillon Livre et Lecture.
Notre regard demeure tourné plus que jamais vers la création littéraire,  issue du territoire régional ou au-delà des frontières. Inédits, billets, chroniques, entretiens. Passerelles artistiques toujours — iconographie, dossiers arts plastiques. Les rubriques  — Vie du Livre, Événement — pourront se développer, abordant des sujets interprofessionnels et mettant en valeur les acteurs du livre.
Quant à notre équipe, elle est toujours aussi passionnée et déterminée à porter le flambeau.

Le prochain numéro aura pour thème Résistance(s)...

Photographie : Christian Demare, Autoportrait with books, 2009

Inédits

Une inquiétude, d'Anne Bourrel

Nuit : Un homme court dans une ruelle étroite il court après une poule recouverte d’un tissu rouge et blanc à carreaux. La poule noire trébuche sur le foulard, l’homme trébuche sur la poule. Un chien aboie la poule crie, le chien aboie, l’homme rit. Ton absence dans la rue me chagrine.
J’ai acheté des fraises, ce matin. J’ai lentement retourné le paquet pour chercher une adresse, un nom. Elles provenaient de Ksar-El-Kebir. J’ai bien fait attention de ne pas écraser les fruits mûrs. Entre le film transparent, un peu de jus rouge a coulé sur mes doigts.

Pat Andrea, Hypnos

A l’entrée du hammam, au dessus de la caisse, le ruban sur lequel la main de Fatima est accrochée a dû tourner plusieurs fois sur lui-même, l’œil qui orne la paume regarde le mur. La main de Fatima ne protège de rien ni de personne, c’est un mauvais présage, je le sais, un malheur annoncé ! J’ai désenroulé le ruban pour que la main soit bien orientée vers la porte. Reviendras-tu ce soir ? La dame du hammam est arrivée en trainant des pieds, vous aviez rendez-vous? Elle m’a regardée en colère : mes bras tendus au-dessus du comptoir, mes doigts pris dans le ruban. J’ai peur quand tu t’en vas. Mais vous faites quoi ? A crié la dame, une blonde qui ressemblait à une poupée russe. La main de Fatima incrustée de verroteries enfin scintillait dans les rayons obliques du soleil. Mais vous faites quoi à la fin ?

Je voudrais inverser le cours des choses.

Des boules de feu, les phares de voitures. Autoroute, aéroport. L’inquiétude jusqu’au bout. Dans ma main, un collier de perle de verres. Bleues et blanches, pour le calme. Les compter une à une. Et recommencer. S’asseoir, attendre. S’asseoir, attendre. Attendre, assise. Debout, les cent pas. Bruit de talons, de mes talons, me casse la tête. Tu es annoncé, tu arrives. Tu es là.

Illustration : Edward Hopper, Morning Sun, 1952





La petite rate, de Benoît Sollier

photographie de Marc LafonSix ratons s’entremêlent au chaud dans leur nid construit amoureusement, morceaux de plastique et crottes séchées. Premier combat de leur vie : gagner promptement les tétons de Maman, chacun se tortillant dans tous les sens pour être le mieux servi. Allongée sur le côté, épuisée par la mise à bas, maman rate reprend son souffle, écarte ses pattes pour leur faciliter la tâche. Le plus vif passe par dessus les autres, atteint son but le premier. Gourmand, il mordille et pince sauvagement la chair de sa mère qui le repousse d’un coup de griffes. Bascule, chute en arrière, il tombe dans l’eau odorante des égouts. Celui-là n’ira pas loin, même pas le temps de se noyer, il est dévoré d’une bouchée par un vieux rat, sûrement son père.
Dès l’instant où il est expulsé, une petite rate prend sa place. Douce forme rose au ventre plat, queue d’écailles, seule femelle de la nichée. Elle s’accole aux entrailles de sa mère, de tout son corps. Elle découvre la saveur, la coulée du lait tiède sur son palais, dans le fond de sa gorge, et jusque dans le bas de son ventre. Rien, ni la bousculade de ses frères frénétiques ni l’éventuel coup de patte de sa mère ne la fera lâcher ce lien d’amour dont elle a besoin. Ses babines de rate tout juste née sont inséparables du mamelon d’abondance, source de plaisir. Jusqu’à satiété et au-delà encore, avide, elle ne quittera pas cette chaleureuse fusion nutritive. Par instinct elle suçote, découvre la jouissance d’exister tandis que les quatre mâles survivants se bousculent les uns les autres, risquant de rejoindre leur frère mort.

Assis sur la dépouille d’un chat crevé, le vieux rat les observe. Dans sa gueule il porte le goût du tendre raton qu’il vient de dévorer. Croupe chatouillée d’asticots, il guette une nouvelle chute, une nouvelle proie.

Ignorant les dangers du monde et le chahut de ses frères, la petite continue son interminable succion. Elle écoute la musique de sa déglutition. Chaque aspiration lui donne en rythme une nouvelle giclée de lait. Un appel d’air chaud dans ses narines lui dicte de se remplir de cette substance pour devenir grande et ronde, plus tard mère au ventre riche qui offrira tous ses tétons à ses petits.

Photographie : Marc Lafon



Trois silences, de Janine Teisson

Micro.
Elle parle
D’excision.
Autour de moi,
Les femmes se crispent
Dans leur fauteuil.
Je suis entourée
D’anémones de mer
Qui se referment.
On ne voit plus leurs pétales.

photographie d'Hicham Gardaf

Revient l'incapacité de communiquer.
La panique de partager.
Revient le silence comme une muraille qui m'épouse.
La terreur d'être touchée, d'être saisie.
L'opacité du silence.
Je me calcifie de l'intérieur.
Mes poumons retournent au corail.
La mort est là avec son doigt sur la bouche.

 

Elles aiment  les chairs fermes,
Et qui rebondissent,
Les muscles bien serrés
Bien enveloppés dans la peau élastique
Et douce
Presque enfantine
Les os nacrés
Les duvets impalpables
Les bouches gonflées
Les viscères intacts dans leur fine enveloppe.
Le sang clair et joyeux à en boire.
La transparente clarté des yeux neufs
Elles les aiment,
Les balles.

Photographie : Hicham Gardaf, février 2011 - site de l'artiste




En panne, d'André Gardies

Magritte, La page blanche

Le fascicule m'avait prévenu : la batterie de votre ordinateur portable ne doit jamais se décharger totalement sous peine de tomber en panne définitivement. Seulement voilà, occupé ailleurs, aussi par négligence, j'ai oublié le PowerBook dans sa sacoche au pied de la bibliothèque. Longtemps après, alors que je décidai de voyager, j'ai eu besoin de lui.
Oui, mais l’icône, affectée de signes + et - reste blanche, transparente. Batterie vide. J'ai beau m'évertuer à la laisser aux prises avec le chargeur, elle reste — comme on dit de la poitrine nourricière — obstinément plate ou sèche. À l’évidence, j'ai abandonné depuis trop longtemps l’écriture de mon livre et j’ai beau m’efforcer de retrouver le fil des pages déjà écrites, la batterie est à plat.

Francis Ponge, Roland Barthes ou Denis Roche, convoqués dans la détresse, sont impuissants à induire chez moi quelque tension. Mes essais de reprise échouent : fil trop grossier, ne pouvant se glisser dans la trame existante. C'est du "pétassage", comme on disait de ces pièces rapportées et grossièrement cousues sur les vieux vêtements à qui elles donnaient quelques semaines de vie supplémentaire. J'ai perdu la main, ou la maille, ou le patron, ou le silence tamisé de la lampe, je ne sais. Ma voix s'est épuisée. Un peu comme les violettes de l’enfance, étouffées par le lierre rampant, qui d'année en année se faisaient plus grêles jusqu'à disparaître sous leur propre feuillage. Si bien qu'on éprouvait une grande joie de les découvrir dans l'ombre grasse et fragile du printemps. On les cueillait délicatement pour les ranger à l'abri du temps mauvais et des intempéries, entre les pages des livres de l'hiver.
Se livrer à la pratique du détour peut-être ? Pascal disait cela autrement : se mettre à genoux d'abord. Se mettre à genoux pour cueillir les violettes, pour que monte la tension du corps et du souvenir. Se mettre à cul douloureux sur le fauteuil, face au clavier, et frapper, frapper, frapper encore jusqu'à qu'une porte enfin s'entrouvre.

Illustration : Magritte, La page blanche, 1967, huile sur toile, 54 x 65 cm



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Billet

Des mérites de Céline et des Goncourt ?, de Francis Zamponi

Femme juive par Jean-François PortaeusJ’avoue aimer relire de temps à autre quelques pages du Journal des frères Goncourt. La polémique entourant l’inscription puis le retrait du nom de Louis-Ferdinand Céline de la liste des célébrations officielles de 2011 me donne aujourd’hui mauvaise conscience lorsque je me livre à ce plaisir solitaire. En effet, en matière d’antisémitisme, les frères Goncourt n’ont rien à envier à Céline. À les lire, les Juifs, lorsqu’ils n’écrivent pas les Youtres, sont laids, intéressés, dénués de tous sens moral et qui plus est, ils tiennent, dans l’ombre, les rênes de la presse et de la finance. De là à demander à ce qu’ils portent une marque jaune, il n’y a qu’un pas que les Goncourt ont allègrement franchi.
Alors, pourquoi le nom de Céline ne peut-il figurer dans une liste au demeurant dérisoire de célébrations alors que celui des Goncourt figure sur une rue et une station du métro parisien ? Sans oublier sa présence tous les ans dans les librairies lors de la proclamation du prix éponyme.
Tous les honorables hommes de lettres qui reçoivent ce prix accepteraient-ils de recevoir le prix Céline si celui-ci avait eu l’habileté, avant de mourir, de fonder une académie ?
En relisant le Journal des Goncourt, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi la mémoire de Céline est plus salissante que celles des deux épouvantables frères qui, non content d’être antisémites, méprisaient les femmes et les pauvres ?

 

« Le Juif parle des choses sales d’une manière plus cochonne que les autres races : il a dans ses paroles, l’expression de son visage, la tombée de sa bouche, quelque chose de l’entremetteur » (13 février 1889)

« À moi, qui depuis vingt ans crie tout haut que si la famille Rothschild n’est pas habillée en jaune, nous serons très prochainement, nous chrétiens, domestiqués, ilotisés, réduits en servitude, le livre de Drumont m’a causé une certaine épouvante par la statistique et le dénombrement de leurs forces occultes. » (17 avril 1886)

 « La tyrannie de l’ouvrier, ça va être la tyrannie brutale du nombre inintelligent. » (28 janvier 1884)

« Si on avait fait l’autopsie des femmes ayant un talent original, comme madame Sand, madame Viardot etc., on trouverait chez elle des parties génitales se rapprochant de l’homme, des clitoris un peu parents de nos verges. » (8 décembre 1893)

Illustration : Jean-François Portaeus, Femme juive, 1874



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Chroniques livres

Hôtel Iris de Yôko Ogawa, par Françoise Renaud

Hôtel Iris (couv)On est au Japon — même si l’intrigue pourrait se dérouler ailleurs —, dans une station balnéaire qui vit au rythme des saisons. Mari est adolescente. Elle tient la réception d’un hôtel bas de gamme qui appartient à sa mère. Le grand-père, mort récemment de grave maladie, l’avait baptisé Hôtel Iris. Mais il y a ni roses ni iris dans la cour, rien qu’herbes folles et fontaine tarie. Et Mari vit dans cet univers clos, étouffant, surveillée de près par une mère qui ne pense qu’à l’argent et saisit le moindre prétexte pour soigner les cheveux de sa fille avec de l’huile de camélia. Une façon de s'occuper d'elle, en même temps de restreindre sa liberté.
Un soir, une dispute éclate sur le seuil de la chambre 202. Une femme échevelée — une prostituée — hurle sur un homme, le traitant de « sale pervers ». La scène intervient comme un électrochoc.
Ce qui trouble Mari, c’est la voix grave et le calme de l’homme qui s'empresse de payer les dégâts occasionnés par le scandale avec une poignée de billets « tellement chiffonnés que ça faisait mal au cœur de les voir. » Elle avait l’impression « qu’ils gardaient une trace infime de la chaleur de son corps ».
Deux semaines après l’incident, elle le revoit dans un magasin et décide de le suivre. Il faisait très chaud, « pourtant il portait un veston et une cravate, et marchait droit devant lui, la colonne vertébrale bien étirée. » Entre eux s'amorce alors un jeu étrange, un jeu dérangeant, hors norme et sans limites. Entre mort et désir.

Yôko OgawaLes uns qualifieront ce jeu de relation sadomasochiste, les autres d’histoire d’amour fascinante entre une jeune ingénue et un vieil élégant solitaire. Une chose est sûre, comme à chaque roman Yôko Ogawa nous étonne, nous envoûte, développant un univers étrange aux marges du dérangeant et du sublime. Dans une écriture simple et toujours habitée, elle sait mettre en scène des corps torturés en quête d’expériences inédites.
Et toujours la mer qui « semblait encore froide mais on savait que l’été approchait à l’intensité de la réverbération sur les remparts humides et l’écho des bruits de la ville. »

Chez Gakken, Tokyo, 1996 – Actes Sud, 2000, traduction de Rose-Marie
Makino-Fayolle




Louie d'Alain Gerber, par Valéry Meynadier

« En racontant Lester Young ou Bill Evans, je ne fais en somme que me raconter d’une autre façon », nous dit l'écrivain qui se défend d’écrire des biographies. 
Docteur en psychologie doublé d’un professeur de philosophie, dédoublé d’un journaliste et redoublé d’un critique de jazz mondialement reconnu, Alain Gerber raconte sa vie à travers celles de Chet Baker, Charlie Parker, Billie Holliday, Miles Davis ou Django. Schizophrène ? Non, simplement obsédé de musique.
« Écrire, c'est mettre en ordre ses obsessions », disait Jean Grenier. Quand Gerber écrit Louie, il confirme et signe son obsession à travers le personnage de Bix : « Bix serait allé jusqu’en enfer quand il s’agissait de musique. Il préférait de loin connaître l’enfer avec la musique que n’importe quel paradis sans elle. »

Louie (couv)Le roman est documenté jusqu’à la racine des cheveux. On y entend la trompette de Satchmo (Louis Armstrong), le galop des chevaux sur les rues pavées de la Louisiane. On y entend les briques voler, celles jetées à la figure du musicien par Miss Daisy, sa première femme, lors de scènes de ménage époustouflantes. On y entend Sore Dick, « le seul représentant de l’ordre que tout le monde craignait », demander des comptes à tout à chacun. On pourrait presque lire les yeux fermés, une coupe de champagne à la main avec les bulles en apesanteur si proches de la prose de Monsieur Gerber, entre joie, profondeur et mélancolie du verre vide. Le tout dans une prose luxuriante, rythmée à la façon des tambours mythiques de Congo Square. Ba-doum, ba-doum, ba-doum-boum-boum. On entend battre l’âme noire, et on tremble, on jubile au cœur d’une Nouvelle-Orléans guidée par un maître des mots qui passe du coq à l’âne — ou plus précisément du corps à l’âme —, rien qu'un solo qui s'éteint, repris aussitôt par le chœur de cuivres lequel cède son Ba-doum, ba-doum, ba-doum-boum-boum à la plume de l'écrivain fou de jazz.

« Jouer de la musique est un truc tellement mystérieux, au sens le plus fort, presque au sens religieux... Or, je me dis souvent que si j’en avais le secret, j’aurais le secret de beaucoup d’autres choses. » 

Éditions Fayard, 2002 – Livre de Poche, collection Littérature et Documents, 2004



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Les oubliés

Le K, nouvelles, de Dino Buzzati,
par Raymond Alcovère

Le K (couv)La grande force de Buzzati est d’instiller en permanence l’inquiétude dans ses textes. Et toujours en finesse. L’humour, la légèreté y flirtent avec le tragique. Comble de raffinement, la tendresse, voire une certaine innocence, proche de celle de l’enfance sont toujours là, en filigrane. Avec Buzzati, on est toujours sur le fil du rasoir. Tout peut à tout moment basculer. À tel point qu’il peut se permettre que ça ne bascule pas justement : il en a fait un roman, Le Désert des Tartares et — jusqu’où va l’ironie ? — c’est son livre le plus connu. Mais le meilleur Buzzati est à mon sens dans ses nouvelles. La concision, la précision, le sens de l’ellipse, la subtilité qui sont sa marque de fabrique s’y déploient à merveille et en font un des maîtres du genre. Le K d’abord, nouvelle qui a donné son titre au recueil, est une troublante parabole sur le destin, traversée par le sentiment de l’absurde. Le chef-d’œuvre de ce recueil n’est est pas moins, pour moi, Douce nuit. Si j’osais, je dirais qu’on y découvre le plus extraordinaire mouvement de caméra de toute la littérature. Après cette lecture, vous ne goûterez plus jamais de la même façon le calme de la nature…

Le Livre de Poche, Éditions Robert Laffont, 1967



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Vie du livre

Ne restez pas au bord de la route numérique,
de Thierry Crouzet

dessin de Didier Millotte

Vous croyez peut-être que passer du papier au numérique, c’est sans conséquence. Un texte serait un texte. Un point c’est tout. Souvenez-vous de l’époque des incunables puis de la Réforme qui s’en suivit. Nous vivons une époque comparable.
L’auteur peut encore s’enfermer dans son cabinet et ne s’entourer que de livres. Que produira-t-il alors sinon des textes qui auraient pu être écrits cinquante ans plus tôt, peut-être un siècle plus tôt ? Il peut en revanche compléter ses recherches sur le Net, se laisser influencer par des trouvailles imprévues, dialoguer avec d’autres auteurs en même temps qu’il écrit, intégrer en temps réel leurs réflexions aux siennes… Il écrit alors quelque chose qu’aucun auteur n’aurait pu produire auparavant. Cela ne lui garantit pas d’être inoubliable, mais, à coup sûr, d’être dans son temps, ce qui est tout au moins une condition nécessaire.
Mais le passage au numérique ne change pas seulement le travail des auteurs et la nature de leurs œuvres, il change aussi la diffusion. Par le passé, les éditeurs avaient un droit de censure. Ils choisissaient ce qui était digne d’être lu. Ils étaient les gardiens de la culture et d’une certaine manière de l’éthique. Aujourd’hui,  nous pouvons tous nous autopublier. L’éthique n’est plus aux mains d’une élite, mais entre nos mains. Nous passons d’un monde à domination transcendantale à un monde qui repose de plus en plus sur chacun de nous. Une révolution gigantesque est en marche. Les auteurs ont la possibilité de l’accompagner ou de s’y opposer en choisissant ou non de passer au numérique.

Illustration : dessin de Didier Millotte (fiche de Didier Millotte)



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Entretien

Au-delà des frontières, entretien avec Inés Wickmann, par Anne-Marie Jeanjean

Cinéma d'animation, musique contemporaine et radio font partie du riche parcours d'Inés Wickmann. Originaire de Bogota (Colombie), elle vit et travaille actuellement en France. En une quinzaine d'années, elle a exposé peintures, installations sonores, assemblages, empreintes et montages dans de nombreux pays.

Inès Wickmann, Variations autour d'un autoportrait

Dans notre hexagone frileux, il est risqué de se situer sur un  carrefour ou sur des zones limites, j'ai donc été séduite par votre appellation "artiste visuelle". L'étiquetage définitif par une seule technique vous est-il étranger ?
Je pense qu’aujourd’hui l’art à une tendance à l'interdisciplinarité. Je me définis, en effet, comme artiste visuelle, un terme vaste puisqu'il comprend toutes les disciplines. Dépasser les  limites a été toujours une des mes préoccupations, aller au-delà des frontières. J'utilise différents moyens visuels en accord avec mes besoins expressifs.

Inés Wickmann, PassagesAvec Moirures, vous semblez proposer, en commençant par Monet, toutes les palettes de l'impressionnisme. Et depuis Nouveaux Noms (1996-2000), la vidéo a davantage de place dans votre travail. Faites-vous partie des artistes qui pensent la vidéo comme étant la peinture d'aujourd'hui, voire du futur ?
Avec la vidéo je retourne à la peinture, aux textures, au goût pour la couleur et à la surprise du hasard ; la caméra est pour moi un outil pour observer et transformer la réalité. La vidéo devient une peinture en mouvement, en évolution avec une temporalité différente, et elle comprend aussi l’élément sonore.

Vous employez les termes "besoins expressifs", dans cette diversité de techniques remarquable. Comment s'opère votre "choix" (conscient certes, mais pas seulement…) ?
Peinture et vidéo ne sont pas contradictoires, ce sont deux moyens distincts de création. Je pense que j’exprime la même chose avec des techniques tout à fait différentes. Le numérique me propose d’autres outils dont je me sers comme d’un "pinceau à pixels". Je présente parfois une vidéo en installation et dans le même lieu un objet qui établit un lien ou un écho entre le réel et le virtuel.

Passages montre le flux urbain anonyme en le perturbant à certains moments par l'esthétique des lignes géométriques. Revisitez-vous l'Optical Art tout en y introduisant l'humain ?
Si Passages peut évoquer l'Op Art, c'est fortuit. Les petits personnages à la fin me parlent plutôt de l’univers de Chirico.
L'intention est d'établir le contraste entre la masse anonyme de gens pressés à l’intérieur d’un même contexte et l'être solitaire qui révèle la condition humaine. Finalement, le personnage est suivi par lui-même (alter ego) et les deux figures se fondent en une seule.

Les références littéraires sont très prégnantes. Sisyphe m'a surprise.
Sisyphe est une réflexion sur la condition humaine dans sa tâche de répétition éternelle qui ne se termine qu’avec la disparition. Par rapport aux références littéraires, Jorge Luis Borges et ses multiples symboles sont une source importante d’inspiration pour moi.

Inès Wickmann, Variations autour d'un autoportrait

illustrations : Variations autour d'un autoportrait - Passages ©IWickmann-Adagp
site de l'artiste

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Arts plastiques

D'encres et de sables, encres sur liège de Sylvie Léonard Seigneuret

Sylvie Léonard Seigneuretencre sur liège

Ils s’appellent Jean, Manuel, Evelyne, Marlène. Ils sont danseurs, comédiens, peintres, photographes. D’eux, on ne sait presque rien. Qu’ils ont besoin d’argent, probablement. Mais pas seulement. Ils montent sur l’estrade comme on entre dans l’eau. Laissent tomber le linge qui recouvre leur corps.
Poses rapides. Trente secondes. Puis une autre. Trente secondes. Une autre encore.
Corps tendus, lumineux, ouverts, offerts.

Sylvie Léonard Seigneuretencre sur liègeSylvie Léonard Seigneuretencre sur liège

Deux minutes. Cinq minutes. Dix minutes. Une heure. Avec le temps de pose qui s’allonge, le corps s’alourdit. Longues méditations engourdies, une heure et demie, l’après-midi. Sylvie Léonard Seigneuretencre sur liègeDans l’atelier saturé de silence, se noue un lien étrange entre artistes et modèle. Fait de pudeur et d’humilité, d’intensité de l’attention, de densité de la concentration. De solitude aussi devant la dureté de la tâche. Sur le corps immobile, généreusement abandonné, le regard se perd, l’esprit vagabonde.
C’est à ce moment-là que j’aime capter leurs visages.
Transparence d’un instant éphémère.
Urgence d’un combat bref et violent, avec le temps, avec la matière.

Sylvie Léonard Seigneuretencre sur liège

Dessins réalisés à l’atelier « L’art en soi », Montpellier. Encres et brou sur liège,
30 x 30 cm, 2000-2010. Site de l'artiste




Bestiaire, sculptures de Djoti Bjalava

« Moi, j'aime les blocs que forment les humains et les pierres, j'en ai besoin pour les mettre en valeur, c'est pour cela que je leur suis enchaîné. Et pour rien d'autre ! »

Phazissi

Djoti Bjalava s'est formé dans sa Géorgie natale. Il est installé dans l'Aude depuis 20 ans. Après avoir sculpté des figures monumentales dans les parois du Caucase, il travaille, toujours à main nue, la pierre, le granit ou le marbre : bestiaire, galerie de personnages légendaires, profanes ou religieux, tous surprenants d'énergie vitale et de poésie.
Entre passé antique et plastique contemporaine, cet artiste venu de l'Asie mythique continue de « magnifier » la pierre.

ThuthaBarda

Amalthée

De haut en bas et
de gauche à droite :
Phazissi , 2003, granite, 70 x 50 cm
Thutha, 2001, granite, 40 x 25 cm
Barda, 2002, granite, 40 x 25 cm
Amalthée, 2003, marbre de Caunes (Minervois),
40 x 65 cm

 


 

Autoportraits de Christian Demare

Autoportrait with bookAutoportrait with book

Né en 1969, ce photographe-plasticien vit et travaille à Paris. Après avoir exploré le dessin, la peinture et la gravure, c'est vers la photographie qu'il se tourne depuis quelques années. De rares expositions et publications viennent ponctuer un parcours discret entièrement voué à la recherche et aux expérimentations. Depuis peu, son travail est rentré dans une phase de plus grande visibilité ; les démarches pour le rendre accessible se multiplient ainsi que des collaborations avec des milieux aussi variés que celui de la littérature ou de la musique. Des projets de plus grande envergure et des expositions viendront compléter ce nouveau cycle de création.

Autoportrait with book

Série Autoportraits with books, 2009

 

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Vient de paraître

janvier

Gardies couvAndré GARDIES
Yeelen, Souleymane Cissé,  essai,
SCEREN/CNDP-CRDP,
collection « Baccalauréat cinéma »
Analyse du film de Souleymane Cissé (prix du Jury à Cannes, 1987), mis au programme de l’option Cinéma pour le bac. Commandité par le Ministère de l’Éducation Nationale, ce livret pédagogique constitue la première étude systématique de ce film. 

Mantione couvFlorian MANTIONE
100 pépites de sagesse, essai,
Éd. Athéna-Paris
En travaillant sa pierre brute, l'auteur a ciselé ces 'pépites' empreintes de bon sens qui donnent à réfléchir. Une expérience à partager sur le chemin de la réflexion et de l’action. Pour en savoir plus

Murat couvAnnie MURAT
Un parfum de figuier, roman, Éd. du taillepage,
2011, pages non coupées
Entre la désertification des montagnes des Cévennes et leur repeuplement d'aujourd'hui, un homme choisit de revenir vivre seul dans sa vallée désertée. Il y est très heureux jusqu'au jour où un bulldozer trace un chemin de l'autre côté de la vallée. Alors son paradis devient enfer. Un hommage à Jean Giono.
Pour en savoir plus

février

Biberfeld couvLaurence BIBERFELD
Qu'ils s'en aillent tous !,  roman noir, Éd. Baleine
Dans le port autonome de Grestain, promis à la privatisation, une grève éclate, qui se mue progressivement en mouvement insurrectionnel. Deux détectives calamiteux, Maria la Suerte et Gandalf de saint Aygulf, enquêtent sur la mort suspecte du capitaine de port. Est-elle liée aux événements en cours ? Si oui, comment ? Ce que les deux enquêteurs ne trouveront pas tout seuls. Pour en savoir plus  

Dumont couvPaula DUMONT
Lettre à une amie hétéro, propos sur
l'homophobie ordinaire
, Éd. L'Harmattan
Un livre qui répond aux questions que se posent la plupart des gens sur les homosexuels. Il s’adresse avec justesse et humour aux parents, amis, collègues, éducateurs, travailleurs sociaux, médecins et autres présumés hétérosexuels.

Ferrari couvFlorence FERRARI
Le Roi Barbare, roman historique, Éd. Castelli
Vercingétorix — héros romantique pour l'auteur — incarne encore aujourd'hui les vertus héroïques de la nation, la force qu’elle tire de son unité. Chez les gaulois, le chef est avant tout au service de son peuple. Vercingétorix préfigure en cela le citoyen soldat. Ses exploits nous rappellent que la liberté ne se livre pas, qu'elle se mérite.

Salgas couvSimone SALGAS
Le silence a la parole
,
nouvelles,  Éd. 19, 2011
Tendresse, toujours. Dans ces histoires qui parlent l'adolescent comme on parlerait espagnol ou polonais, il y a la vie, tout simplement. Et le cœur qui bat fort ! Sept récits pour les grands et les petits.

mars

Barral couvAntoine BARRAL
L'Iliade d'Houmarou, conte,  Éd. Grandvaux
Homère était un griot: tel est le point de départ de cette transposition ludique de l'Iliade dans l'univers culturel de l'Afrique de l'Ouest. De troublantes ressemblances entre les mythes et les panthéons des différentes cultures rendent le jeu encore plus amusant.
Pour en savoir plus

Bayar couvMichèle BAYAR
Ali Amour, roman, Éd. Orizons
Une femme, écrivaine pour la jeunesse, plonge dans sa mémoire à la recherche de ses blessures et se raconte. En fait non, c’est Simone Alef – l’un de ses personnages – qui raconte. Une histoire qui se déroule entre Oran et la côté Vermeille, petit coin de mer paisible. 

Gomez couvJean-François GOMEZ
Le travail social comme initiation, pour une
anthropologie buissonnière
,
Toulouse, Erés
(avec l'anthropologue Thierry Goguel d'Allondans,
préface de François Laplantine)
Un échange à bâton rompu entre deux professionnels du social devenus chercheurs et transmetteurs de sens. Jean-françois Gomez a éclairé les expérience s de Thierry Goguel d'Allondans (spécialiste d' anthropologie)  par la méthode des "histoires de vie". Ensemble, ils regrettent les pertes de transmissions auxquelles on assiste aujourd'hui et les contre-sens produits par une vison techniciste du lien social.

Gouzy couvNicolas GOUZY
Merci pour les fruits de mer, roman, collection
POLAR, (signé Jean Hennégé)
Ivy, un écrivain curieux. Boris, un chat vagabond et chasseur. Deux célibataires qu’une aventure extraordinaire va mener aux quatre coins de Paris où ils vont rencontrer Danielle, dernier acteur de ce trio policier moderne. Une enquête au suspense progressif où les codes traditionnels du thriller sont un peu bousculés, relevée d’une pointe de 'non sense', à l'anglaise.

Lonjon couvBernard LONJON
Brassens, Auprès de mon âme, essai, chez
Textuel avec CD (entretien inédit de Georges
Brassens avec le Père Doumairon de Montpellier)
Brassens, l’impertinent en liberté, évoque au cours de cet entretien (enregistré pour Radio Montpellier en 1980) ses thèmes favoris avec tendresse et authenticité : la mort, la santé, la famille, les copains, la religion, replacés dans leur contexte par l'auteur.

NatYot couvNaTYot
D.I.R.E, recueil de poésie, Éd. Gros Textes
« elle a mis sa veste et puis elle l'a enlevée
elle ne s'est pas trouvée belle
dans ses décombres intérieurs elle ne s'est pas trouvée belle
elle s'est dit faudrait que je
et puis elle a mis du rouge à lèvres… »

Pour en savoir plus

Szabo couvFrançois SZABO
Nouvelles Stances à Lénotchka, poésie, Obsidiana
Press
Un ensemble de près de deux cent poèmes brefs, des sortes d’instantanés de bonheur, d’amour et d’estime, en suspens, une célébration sans réelle vision d’avenir concrète mais dans la joie de l’admiration.

Teisson couvJanine TEISSON
La salle de bain d'Hortense, roman, Éd. Chèvre
Feuille étoilée
La rencontre entre Patricia la fugueuse et Hortense, une très vieille dame, va déclencher une série d'événements dangereux, drôles ou touchants et entraîner le lecteur dans une incroyable aventure qui le mènera de Paris à Ouagadougou.

Witek couvJo WITEK
Le ventre de Maman, album,
Éd. de la Martinière Jeunesse,
illustrations de Christine Roussey
« Toi tu es dedans. Dans le ventre de maman.
Moi je suis dehors. Devant le ventre de maman.
Je t’attends. »


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