Magazine

Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise Renaud
Comité de lecture :
Dominique Gauthiez-Rieucau, Valéry Meynadier
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud
Directeur de publication : Francis Zamponi

Inédits

Chasse au lapin, de François Teyssandier

toile de Patricia Dottini

Elle était devenue asthmatique. Lui, totalement aveugle. Ils passaient leurs journées à se disputer violemment. Parfois, ils en venaient aux mains. Elle surtout, puisqu’elle avait l’avantage de voir le corps massif et quasi impotent de son mari. Celui-ci vociférait à n’en plus finir, bouche grande ouverte, salive blanche aux lèvres, à se faire éclater les poumons. Les voisins, habitués aux criailleries incessantes du couple, n’y prêtaient plus guère attention. Une nuit, l’homme fut réveillé en sursaut par un horrible cauchemar. De peur, il cria plus fort que de coutume. Sa femme, couchée dans la chambre voisine, finit par entendre les hurlements de son mari. Elle se précipita dans le couloir, tout échevelée, et décrocha dans la penderie le fusil qu’utilisait autrefois son époux pour aller à la chasse. Il contenait encore deux cartouches. La femme ouvrit du pied la porte de la chambre de son mari. L’homme, dressé dans son lit, continuait à crier, comme si son corps subissait une douleur intolérable. « Tu vas la fermer ! » gueula sa femme, excédée par tout ce tapage. Cette menace laissa de marbre son mari. Il continua à hurler à pleins poumons. La femme pointa le fusil à deux canons en direction de la poitrine de son époux. « Je vais te tuer comme un lapin ! » hurla-t-elle. L’homme émit un ricanement sonore. « Moi, je n’ai jamais chassé que le sanglier! » « Aujourd’hui, ce sera le lapin ! » s’écria-t-elle. Elle appuya sur la gâchette. Le mari, foudroyé à bout portant, cessa de crier. La femme retourna se coucher, le souffle court.

Illustration : Patricia Dottini, sans titre, technique mixte, 46 x 38 cm, collection privée





Puisqu'il fallait bien voyager, de Nicolas Ancion

Extrait d'un recueil poétique, Comme une fusée sans jambes

Thunder Bird 1

Il y avait à l’époque deux sortes de navettes spatiales. Les unes, plus grandes et spacieuses que les autres, pouvaient contenir jusqu’à trois mille passagers. Le service à bord incluait un repas toutes les demi-heures et deux mariages par système solaire traversé. Ce type d’engin, malheureusement, était incapable de quitter le sol. Malgré tous leurs efforts, les ingénieurs ne parvinrent jamais à palier cet ultime défaut.
Les autres navettes, par contre, ne cessaient de décoller. Il ne se passait pas une minute sans qu’on en voie bondir l’une ou l’autre de la terrasse d’un appartement. Elles pouvaient contenir jusqu’à sept cochons chacune et résistaient totalement à l’incendie. Il était cependant impossible de prévoir l’heure de décollage ou d’atterrissage.
C’est pour cette raison que les vélos spatiaux se vendaient encore mieux que les mange-disques et les grille-pneus.
Moi, de toute façon, ce que je préférais, c’étaient les siestes.

Illustration tirée du magazine Life, Thunder Bird 1




Ses yeux affolés, d'Emma Alcovère

Emma a 16 ans, elle poursuit des études littéraires et joue du piano.

La plage de l'Espiguette, photographie de Didier LeclercSes yeux affolés cherchaient désespérément mon regard. Je jouais de cette tragédie.
De lourdes larmes dégoulinaient sur sa peau rongée par le temps, il était bien trop tard…
Trop tôt, trop tard, non, trop tôt.
Tout me semblait confus, tout s’éclipsait, sa prestance, sa sagesse, sa folie… Le vide se cristallisait. La sonorité de son souffle devenait mineure. Ses cils clignaient, la rondeur de ses pupilles s'estompait. Ses mains pesantes et étrangères dansaient dans le vide.
Il me semblait capter son attention. Je cherchais la lumière. Mais l’odeur lugubre de la fin me submergeait.
Après un prompt éclair de lucidité et un sourire insolent, le sort était jeté.

Photographie : La plage de l'Espiguette, Didier Leclerc - http://atelier-n89.com




Opex, de Pascal Nyiri

Le capitaine Lindenfeld est mort en mission le 27 juillet 2011. Voici sa dernière lettre à sa compagne.

Dessin original de Pascal Nyiri

Trois nuits sans dormir. La peur au ventre. À chaque instant le sentiment qu’une balle va me rentrer dans le crâne. Qu’une bombe va exploser sous mes pieds. Nous sommes rentrés de la zone est avant-hier matin, et j’étais épuisé. Toujours ces rêves où tu es là. Je te raconte toutes mes peurs, et tu m’écoutes en passant tes doigts sur ma tête rasée. A mon réveil, je me brosse les dents et je vois un monstre. Heureusement que je vous ai, toi et le bébé. Un jour proche nous nous retrouverons, pour une autre vie, sans violence et sans terreur. Je trouverai du travail. Je rentrerai le soir à la maison, dans ma petite voiture, comme tout le monde. Plus je suis là et plus je me sens inutile. Sitôt serons-nous partis de ces montagnes maudites, la situation redeviendra celle d’avant. Souvent, j’ai honte. Pour une télé à écran plat, les chefs de tribu nous donnent la position des rebelles. Dans le ciel, les avions de chasse passent le mur du son, au loin derrière les montagnes s’élèvent des nuages de fumées noires. Je reste longtemps couché sur mon lit, le mp3 dans les oreilles, et je regarde les quelques photos que j’ai de toi, du petit, de mon frère, enfin vous tous qui me manquez.
Cette nuit avant l’aube, nous repartons vers le poste avancé de Khöst. Une colonne de dix véhicules, presque cent hommes, pour la relève et le ravitaillement. Momo, mon vieux Momo est malade. Il vide ses tripes. À tous les coups il va rester au camp. Je vais essayer de me reposer un peu. Vous me manquez. C’est ma dernière opération extérieure, je te le jure. Quand je serai de retour, nous n’aurons qu’à tout réinventer.
Je t’aime. Ton François, soldat parachutiste.

Illustration : Dessin original de Pascal Nyiri, 2011




Sur les bordures, de Jean Azarel

"God mother" de Mati Klarwein

[…] Alors, ce fut vite dit et enfin entendu. La tête rejetée en arrière, des larmes de piété coulant sur tes joues ridées. Tu te demandais depuis combien de temps tu n’avais pas ressenti pareille émotion, pareille certitude que tout était encore possible, le pop rock ressuscité…
Combien de temps que tu n’avais pas frémi en te disant qu’une nouvelle génération arrivait pour sauver l’avenir. Trois adolescents encore, XX, Romy un peu ronde de la rondeur de la planète terre, sons clairs, inspiration extatique, voix décalées puis réunies, re-morcelées, granitiques, sons répétitifs de la guitare, des claviers, chaleur de l’éther, XX, enfants du rock couronnés de nos héritages non liquidables. Et tu t’es pris à penser « pourvu que le loup ne mange pas des petits cochons de lait si tendres ». Les gosses n’avaient pas vingt ans, le génie de l’innocence avec le pardon du talent. Tu t’es rappelé Obsolete, la voix rotative de Dashiell Hedayat explorant les méandres de l’ex péché mortel, les heures passées sur Cielo Drive à dérouler les volutes des lames de parquet, tout te revenait, les chagrins fruités, les coccinelles sur ta main, les montagnes saignantes de bonté, le sang d’un Christ éclaté dans l’immensité planétaire, le passage vers l’au-delà fragile de la transfiguration de soi. Tu te prenais à espérer qu’ils disparaissent très vite, parce que tout serait dit en l’espace de deux disques et cent concerts tout au plus, Rimbaud électriques éphémères, ou bien qu’ils durent très longtemps pour réinventer l’espace temps de nos insomnies parce que nous avions dormi trop longtemps. Tu te disais que la brièveté des morceaux est l’apanage de la jeunesse, plus tard on essaie d’étirer le plaisir, de tendre la corde à linge où sont étendues les appeaux fatigués.
Finalement, nous creusons le sable de notre mémoire vive avec l’espoir fou de déterrer les images saintes, bien que notre sainteté soit particulière, les mots du père, les attouchements troublants de la mère, le rêve adulte dans la réalité enfantine, Miss Univers et Monsieur Monde se roulant un palot grandiose, l’alchimie des sons, le miracle visuel, diastole systole les sexes qui giclent in and out, tout ça pour se tenir bien droits dans nos pompes crottées, paroles d’évangile de vraie lumière. 

Illustration : Mati Klarwein, God mother, huile sur toile, 1973



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Chez mon libraire ce n'est pas plus cher !

En 2011, la loi Lang sur le prix unique du livre fête ses 30 ans. Cette disposition législative a permis de préserver la diversité culturelle et artistique en France, où elle est devenue un maillon essentiel de cette chaîne du livre. Trente ans après, alors que les professionnels bâtissent la future offre éditoriale numérique, la loi du 26 mai 2011 transpose le prix du livre imprimé à l’univers numérique.
À cette occasion, Languedoc-Roussillon livre et lecture propose pour l'automne 2011 une exposition de photographies et de textes. Pendant plus d'un an, Sylvie Goussopoulos a rencontré les libraires de la région et a tiré de ces rencontres des portraits tour à tour drôles, touchants ou poétiques. Au-delà de l’œuvre photographique, LR2L fait appel à des auteurs, sollicités sur leur rapport à leur libraire et, plus largement au livre. Ces textes, mis en regard des photographies, initieront un dialogue fécond entre images et mots, reflétant les liens entre l’objet-livre et le passeur que représente le libraire, l’univers du livre, le rapport intime que chacun entretient avec lui.

 

Notre magazine publiera deux de ces textes, accompagnés des photos de Sylvie Goussopoulos, dans chacun de ses prochains numéros. Voici les deux premiers.

Claire Neirac, librairie Un point Un trait, Lodève

Claire Neirac, librairie Un point Un trait, Lodève © Sylvie Goussopoulos

C’est du latin liber, donc de l’arbre, que descend le livre, car avant le papyrus et le parchemin, c’est sur la mince pellicule qui sépare l’écorce du bois qu’écrivaient, alors, ceux qui savaient écrire pour ceux qui savaient lire. Les moines copistes se nommèrent donc « libraires » ; gardiens des volumina, ils créèrent des « libreries ». Publiques ou privées, elles envahirent le monde. Montaigne est aussi célèbre pour sa « librairie » que pour ses Essais. Il y écrivit aussi sur les poutres, en hommage sans doute au tutélaire liber.
Qu’était le livre pour Montaigne ? : « Je ne cherche aux livres que m’y donner du plaisir par un honneste amusement ; ou si j’estudie, je n’y cherche que la science qui traicte de la connoissance de moy mesmes, et qui m’instruise à bien mourir et à bien vivre » (Livre II, X).
Plaisir de la lecture ! Lire et relire !
Longue vie aux libraires et aux livres que la main peut construire, sentir, explorer, caresser.

Frédéric Jacques Temple

Geneviève Fransolet, librairie Nemo, Montpellier

Geneviève Fransolet, librairie Nemo, Montpellier © Sylvie Goussopoulos

Dans sa main, il tient un livre.
C’est un enfant.
Un enfant qui tient un livre.
Je ne veux pas savoir quel est le livre.
Ni son titre, ni son auteur.
Je veux juste voir l’enfant tenant le livre.
Il le tient fort.
Il tient fort au livre.
Je le vois qu’il le serre avec ses doigts.
Je sens la force de l’enfant sur le livre.
La force de l’enfant me remplit.
Elle est une certitude.
Je sais que l’enfant tient à ce livre, qu’il est comme un secret pour lui.
Prendre le livre des mains de l’enfant serait comme violer l’enfant.
Lui ôter sa force, son secret, son intimité.
Je tremble de la force de l’enfant, de son secret, de son intimité.
Je tremble de la force du livre sur l’enfant.
La force qu’exerce le livre sur l’enfant.
Je ne peux plus m’arracher les yeux du livre dans cette main.
Je ne peux plus m’arracher de cette intimité.
De la réciprocité des forces.
Je tremble à coté, remplie de la force mais à côté.
C’est important de me positionner.
Pour que je sache que ÇA existe,
qu’il est possible qu’une telle force existe
Être à côté de ce possible
et trembler parce que ÇA existe.

NaTYoT

 

Cette exposition sera diffusée dans les librairies, les bibliothèques et médiathèques, ainsi que dans des établissements scolaires et d'autres lieux culturels de la Région. Des rencontres avec la photographe et les auteurs concernés seront organisées en point d'orgue de l'exposition. 

Prochains rendez-vous :

  • BMVR Emile-Zola, Montpellier, du 9 au 29/11 + lancement de l'événement le 10/11 à 10h30
  • Bibliothèque municipale, Bagnols-sur-Cèze, du 8 au 24/11
  • Librairie Le chant de la terre à Pont-Saint-Esprit du 1er au 15/11
  • Médiathèque Grain d'Aile, des librairies et lycée Jules-Fil à Carcassonne, décembre
  • Annexe de la médiathèque départementale et Librairie Libellis à Narbonne, décembre



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Chronique

Paroles d'éditeurs (pensées d'auteur),
d'Alfred Boudry

photographie d'Alfred Boudry

« Je n'ai pas besoin de connaître le texte original pour savoir si une traduction est bonne. » (Donc, vous achetez une voiture d'occasion sans l'essayer ni regarder le moteur ?)
« Le traducteur se doit d'améliorer la qualité du texte original. » (Rassurez-moi, vous demandez bien l'autorisation de l'auteur au préalable ?)
« Je ne connais pas ce mot donc le lecteur ne le connaîtra pas. » (Il s'agissait du mot "taquin" ; le même éditeur croyait que "torve" était un néologisme de mon cru).
« Si tu veux être édité chez nous, il va falloir instiller plus d'empathie à tes personnages féminins. » (C'est combien le kilo ?)
« Écoute, Alfred, tu m'as dit qu'il y avait plus de trois mille fautes de traductions dans ce manuscrit de quatre cents pages, mais je l'ai fait lire à J. G. (un collègue, directeur d'une collection prestigieuse) et il n'en a trouvé qu'une centaine (il a eu le temps de faire une lecture comparée en une nuit ?) alors on va se contenter de corriger celles-là et puis on va le publier comme ça. » (Le roman en question a été nommé pour le prix Citron de la pire traduction mais il a été coiffé au poteau par... un autre roman de la même éditrice !)
« 22 euros le feuillet ! Mais tu ne te rends pas compte ! » (Interjection venant d'une éditrice qui ne paye que 15 euros le feuillet, ce qui lui fait environ 35 % d'économisés. Et toi, tu travaillerais 35 heures pour 800 euros ? Alors, tu vois : je me rends très bien compte).
« Ah, c'est Nicolas R. qui m'appelle. Il veut savoir si son livre se vend bien (l'ouvrage  est sorti la veille en librairie). Tu sais quoi ? (Non...) Il m'a dit qu'il était prêt à tout pour vendre ses livres. C'est génial, non ? » (Euh... ça dépend de ce que tu entends par "génial").
« Merde ! C'est lui, l'auteur ? Oh, merde, il a une drôle de tête ! Le bouquin va pas se vendre, je parie. Ah, merde, c'est chiant, ça ! » (Le livre s'est très bien vendu mais curieusement les autres manuscrits de l'auteur n'ont jamais été acceptés).
Etc. (Hélas...)

Garanti 100 % authentique par Alfred Boudry

Photographie : Alfred Boudry



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Chronique livre

Life de Keith Richards, par Raymond Alcovère

Life (couverture)Étonnante autobiographie du fameux guitariste des Rolling Stones. Livre foisonnant, plutôt maîtrisé, avec ce qu’il faut de distance, mais aussi de sincérité. Cet homme a tout traversé, le vertige du succès, la folie qui a entouré le groupe, cette époque de bouleversements et la drogue, très présente. Son vrai moteur a toujours été la musique, son arme un solide bon sens et son garde-fou un système immunitaire très développé. La musique, donc ; en ce début des années 60, une ambition : devenir le meilleur groupe anglais de rhythm’n’blues américain, oui mais voilà, en 1963, un vent de folie se lève, la « beatlemania » crée un appel d’air considérable. Les Stones eux, avec leur appoche plus rugueuse et qui veut rester proche de ses racines, seront un groupe de rock and roll et bientôt le plus grand. Les idées sont fulgurantes. Keith décrit avec gourmandise la naissance des riffs immortels de Satisfaction, Jumpin' Jack Flash et autres Honky Tonk Women. Il en est le créateur, avec les mots qui les accompagnent, Mick Jagger composant le reste des paroles, celles des couplets en général. Le travail en studio est souvent laborieux, avec les apports des autres musiciens et les innombrables prises nécessaires pour certains morceaux alors que pour d’autres la première est déjà la bonne.
Puis Keith Richards raconte son addiction à la drogue, dix ans de galère. Dont il reconnaît néanmoins (en ne conseillant à personne d’en passer par là), qu’en l’extrayant du cirque infernal dans lequel la célébrité a propulsé le groupe pour se consacrer uniquement à la musique, elle l’en a préservé. Il y a bien sûr sa relation avec Mick Jagger, complicité totale sur le plan créatif, qui s’est dégradée quand Mick (comme Brian Jones d’ailleurs à la fin de sa vie) s’est laissé aspirer par le vedettariat et les paillettes.
Ce qui a sauvé Keith Richards c’est sa simplicité, sa fidélité en amour et en amitié, une forme de détachement par rapport aux événements, son ouverture aux autres et la priorité absolue donnée à la musique au milieu du maelstrom qui aurait pu mille fois le noyer. Cet homme est un roc. Belle leçon de life.

Chez Little, Brown and Company, 2010 – éditions Robert Laffont, 2010

 



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Les oubliés

Journal de Jules Renard, par Francis Zamponi

Journal (couverture)Jules Renard n’a vécu que quarante six ans. De 1859 à 1910. Auteur de nombreuses nouvelles, de quelques romans et de pièces de théâtre, il n’est guère aujourd’hui connu que comme l’auteur de Poil de carotte. Mais, plus que par ce roman inspiré de sa triste enfance, Jules Renard reste actuel grâce à son journal. Parues quinze ans après sa mort et censurées par sa veuve, ses notes prises au jour le jour sont aussi cruelles et ironiques pour lui que pour son entourage. Petitesses, désirs inavouables, angoisses d’écriture, tout y sobrement relevé. Il brosse de courts portraits, tant à Paris où il fréquente le monde littéraire de la « belle époque » que dans son village de la Nièvre où il côtoie la misère paysanne. À lire certaines pages, on ne peut rêver que soit un jour retrouvée la copie de celles qui ont été brûlées. Ami de personnages illustres comme Edmond Rostand, Georges Courteline, Tristan Bernard ou Lucien Guitry, Jules Renard a été un auteur estimé mais n’est jamais devenu un auteur à succès. Et il l’a bien cherché. Son journal le montre en lutte permanente contre la tentation de se comporter et surtout de penser en homme de lettres professionnel. Sans illusions sur sa postérité, il écrit, trois ans avant sa mort : « Je vois très bien mon buste sur la place de l’ancien cimetière avec cette inscription : À Jules Renard, ses compatriotes indifférents » et ajoute deux ans plus tard, malade et désabusé : « Il y a, à Nevers, une rue qui s’appelle rue du Renard. C’est un commencement. Après ma mort, on s’y trompera peut-être. »

Le « Journal » de Jules Renard est accessible aussi bien en édition de poche
qu’en Pléiade.



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Hommage

Allain Leprest est parti, de Michel Arbatz

Allain LeprestAllain Leprest est parti cet été le 15 août à l’âge de 57 ans. Il s’est donné la mort, il l’a devancée, comme il a devancé beaucoup de choses dans sa vie. Depuis une semaine, je dis la nouvelle à ceux que je croise, et la réponse est souvent la même : “Qui est-ce ?”
Je réponds: un chanteur, un parolier, un poète, le plus important à mes yeux et à mes oreilles depuis trente ans en France.
Une voix de couteau, des yeux bleus comme la Manche aux beaux jours, des mains qui dansaient comme des colombes autour du micro et dessus un cœur gros comme la Manche encore les jours d’orage. Une manière de mots, la grâce à chaque phrase, des retournements fulgurants, une élégance prolétaire qui n’appartenait qu’à lui, et des milliers de concerts menés comme des incendies tranquilles. En témoignent une douzaine d’albums de ses chansons et presque autant de collaborations. S’il faut des références, Ferrat, Gréco, Enzo Enzo, Anne Sylvestre, Higelin, Olivia Ruiz (et bien d’autres) l’ont chanté, et Nougaro s’inclinait devant sa plume. Mais black out sur le bonhomme : télé jamais, radio jamais ou si peu. Pas le bon format.
Madame sans âme/ Mam’zelle sans ailes / Monsieur sans yeux l’ont raté.
Lui, sur scène, au festival de Barjac au début des années 2000, où chacun de nous devait en quelques minutes interpréter un poète, avait simplement évoqué trois vers de René Char qui lui avaient ouvert, disait-il, la poésie :
Vivre, limite immense
La maison dans la forêt s’est allumée:
Tonnerre, ruisseau, moulin
Et de faire répéter aux six cent personnes devant lui en écho à ces mots simples:
La maison – la terre - dans la forêt s’est allumée:
Tonnerre – le feu, ruisseau – l’eau,  moulin – le vent.
Ce chœur immense en boucle dura quelques minutes, au bout desquelles nous étions tous, grâce à ses talents de chef d’orchestre imaginaire, le poème.
Sa violente modestie me manque. Méchant trou dans l’ozone.

www.allainleprest.com - écouter Allain Leprest sur myspace.com



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Événement

Des voix dans la montagne, de Michèle Bayar

« Polyphonies corses » par le groupe Sarocchi, 6e festival Les troubadours chantent l’art roman en Languedoc-Roussillon, 21 août, Prieuré de Serrabona (66)

photo Laurent Gayte

Pour restituer le son des anciens, Benedettu Sarocchi a fait appel aux meilleurs, qu’ils soient corses ou non. Tous ont une formation classique. Lui-même est issu du carcan traditionnel de groupes tels que A Filetta ou Voce di Corsica qui ont connu leurs heures de gloire dans les années quatre-vingt-dix. Il a osé la création pour mieux surprendre et reconduire dans le passé corse à travers des morceaux aux thèmes universels : l’amour, la nature, la modernisation.

Une petite percussion à pied remplace le tambourin dans les rythmes endiablés proposés par un violoneux venu du nord. Benedettu l’utilise tout en jouant du cistre.
Tichjettu en langue corse. Plus un complément qu’un instrument à part entière. On s’en sert ou on ne s’en sert pas. « C’est un jouet que j’ai acheté chez Ikea pour mon fils il y a une dizaine d’années, raconte Benedettu. Je lui ai emprunté et je ne le lui ai jamais rendu ! Il m’arrive de l’oublier… » Le plus jeune des chanteurs, qui n’a jamais cessé de chanter depuis l'âge de 9 ans, confirme : « Le tichjettu est accessoire, il n’est pas prépondérant. » Il ajoute dans un sourire : « Mais s'il n’est pas là, il manque. »

Le groupe Sarocchi a développé une identité remarquable et le tichjettu incarne la simplicité avec laquelle ces artistes usent de leur talent et de l’amour qu’ils portent à la Corse.

www.sarocchi.com - pour écouter des titres de l'album Pezz' à Pezzi

Photographie © Laurent Gayte / Mairie de Manosque



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Entretien

Parcours de liberté, entretien avec Bruno Canard, par Françoise Renaud

Bruno Canard est directeur de la médiathèque municipale Lucie Aubrac de Ganges (Hérault)

Bruno Canard

Votre parcours pour en arriver à la médiation culturelle.
Tout en étant instituteur, j’ai exercé divers métiers dans le domaine du livre : réalisation d'émission de radio puis de télévision, rédaction d'articles sur la bande dessinée alors absente des médias (1981 à 1997). Le terme de "littérature dessinée" choisi par Töppfer en 1827 rend compte de sa créativité aujourd’hui. Le rôle de passeur vers des œuvres reste essentiel. Puis j'ai découvert la librairie avec Jean et Fanette Debernard à la librairie Molière (Montpellier). Le lieu avait une âme. On avait la certitude d'y faire des découvertes. Enfin, j’ai enseigné la bande dessinée à l’école nationale des bibliothécaires et assuré le suivi de projets en médiation culturelle à la fac de Nîmes. Des ateliers d’écriture en BD, la tenue de conférences, un passage dans l’édition ont complété mon parcours. J’ai naturellement proposé ma candidature en 2002 pour la direction de la médiathèque de Ganges, ville où je venais de m’installer.

Aviez-vous des objectifs précis pour diriger un tel lieu ?
J'ai d'abord été surpris par sa qualité – un écrin pour le livre – et par l’engagement de la mairie dans la culture. L'objectif était de m’inscrire dans la continuité d'Éric Durel, mon prédécesseur, et d'assurer les missions de lecture publique et d’actions culturelles. Je souhaitais prendre toute la dimension de l’activité de bibliothécaire.

Aujourd'hui, vos tendances ? Vos espoirs ?
Médiathèque Lucie AubracAffirmer au quotidien le rôle du lieu, développer le fonds thématique départemental soutenu par le CNL sur la littérature dessinée et les arts graphiques, intégrer les supports numériques, renforcer l’accès aux livres pour les tout-petits. Et puis rendre compte de l'appropriation d’une parole politique par les créateurs et témoigner des processus de création. Mes espoirs : passer en bibliothèque de réseau afin de mieux développer nos missions au niveau intercommunal.

Comment relier l'intime et le collectif ?
La lecture est un acte intime, une rencontre avec l'univers sensible d'une œuvre. Une médiathèque accueille ses lecteurs en tenant compte de ce lien tout en créant un espace commun. Ouverte aux personnes de toutes conditions, elle peut être le troisième lieu après la famille et le milieu professionnel ou scolaire. Partager des œuvres ouvre sur d'autres cultures, sur un imaginaire collectif, et construit un monde commun où l’étranger n'est plus ostracisé.

Cinq éditions déjà pour 'Écritures et Résistances'. Pourquoi cette manifestation ?
Grâce à l'association Sîn, le Théâtre National Palestinien a été accueilli en 2006 par la ville de Ganges, une occasion de rencontres croisées avec les littératures écrite et dessinée. Les éditions suivantes ont invité des créateurs de différents horizons. Désormais ces rencontres sont résolument pluridisciplinaires avec une volonté de participer au débat public, aux réflexions sur ce monde commun. Rire de résistance sera le thème de l'édition 2012 autour de Pierre Etaix et de Jean-Claude Carrière.

En quoi l'écriture est–elle 'résistante' ?
Une phrase du philosophe Paul Ricoeur m'accompagne : « Que saurions-nous de l'amour et de la haine, des sentiments éthiques, et en général de tout ce que nous appelons le soi, si cela n'avait pas été porté au langage articulé par la littérature ? ». En s'engageant dans un projet, l'écrivain choisit l'expérience de la liberté. En la partageant, nous nous inscrivons dans une résistance à l'industrie culturelle. Les médiathèques font partie de ces lieux de passage vers des œuvres libres.

Bruno Canard

illustration : Vernissage de l'exposition de dessins de Jicé et Parno, juin 2010
site web : Ville de Ganges, la Médiathèque

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Arts plastiques

Collages, de Guy Garnier

Sieste à Rio

« Créer c'est mettre en scène des réalités ou des rêves que l'œil de chacun verra de sa propre expérience. »

Verso (collage papiers sur medium)Guy Garnier s'annonce comme un artiste collagiste autodidacte. Une visite des œuvres de Kurt Schwitters l'a fait abandonner la peinture à l'huile il y a 25 ans pour s'adonner à l'assemblage de papiers de récupération sur des supports improvisés comme des calendriers d'entreprise. Tout ce qui déborde de sa boîte à lettres l'intéresse. Le plus souvent, il confie sa mise en scène des formes et des couleurs aux automatismes de l'imagination et du rêve. Ainsi le tableau se construit de lui-même.
"J'aime cette transe qui me parcourt quand l'évidence d'un tableau s'impose et m'accapare entièrement". Il dit apprendre tous les jours d'Antoni Tapiès, de Jean-Michel Basquiat et de beaucoup d'autres.
 

La cave de Vouvray

Heure avancée

De haut en bas :
Sieste à Rio, collage papiers sur medium, 29 x 34 cm

Verso, collage papiers sur medium, 32 x 43 cm

La cave de Vouvray, collage papiers sur medium, 29 x 34 cm

Heure avancée, collage papiers sur medium, 27 x 40 cm

Site de l'artiste

 




Dessins à l'encre, de Denis Leenhardt

Forêt dansante

Graphiste par vocation, Denis Leenhardt s'oriente en 1993 vers la création artistique libre. Ses encres sur papier se font rapidement remarquer, formats parfois très larges invitant à explorer le monde forestier d'où surgissent ci et là quelques fées ou autres personnages mythiques.
Ses influences : Jérôme Bosch, Albert Dürer, Gustave Doré, Moebius.
En 1994, avec sa complice Gisèle Cazilhac, il fonde "La Cabane Trempée", lieu d'expositions annuelles – excentrique et excentré – bien connu dans l'Hérault.
À travers une série d'aquarelles quasi tropicales (1998), il aborde le mouvement et la couleur. Toujours cette perpétuelle recherche d'équilibre entre formes et valeurs. Depuis, son travail à l'encre s'étend sur des formats de plus en plus vastes comme s'il souhaitait s'aventurer toujours plus loin dans les profondeurs mystérieuses du papier.

Chasseurs de lapinsL'arbre aux chats

Shahrazad

De haut en bas et de gauche à droite :
Forêt dansante, 40 x 50 cm - Chasseurs de lapins, 50 x 50 cm
L'arbre aux chats, 30 x 30 cm - Elle est froide, 30 x 40 cm
Site de l'artiste

 


 

Série Ulysse, polaroïds, de Clotilde Noblet

Clotilde Noblet, polaroïdClotilde Noblet, polaroïd

Clotilde Noblet a étudié l'image photographique à l'université de Paris VIII (maîtrise en Sciences et Techniques en 1993).
Son sujet préféré : le temps qui passe.
Malgré la disparition des films SX-70 en 2006 et des 600 fin 2008, elle continue à photographier avec de la pellicule périmée. La forme instantanée liée à l'utilisation du polaroïd facilite la transcription de sa perception intime du monde.
Elle poursuit actuellement un travail sur le corps.

Clotilde Noblet, polaroïdClotilde Noblet, polaroïd

Clotilde Noblet, polaroïdClotilde Noblet, polaroïd

Œuvres : 2009, Montpellier, 8,8 x 10,7 cm (polaroïd original)
site de l'artiste

 

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Vient de paraître

mai

Salgas couvSimone SALGAS
Bégonia le chat, histoire pour enfants, Éd. Les
Verbieuses, illustrations de Fernand et Marie
Bégonia, mais c'est un nom de fleur ! se dit le chat. Si je suis une fleur, je dois avoir des racines...


juillet

Ancion couvNicolas ANCION
Momies et compagnie, roman jeunesse, Graine 2 éditions.
Tout juste revenus de Londres, Alex et Maya arrivent à Paris pour passer quelques jours chez leur grand-mère. Dans l’Eurostar, un grand Russe plutôt louche attire leur attention. Que signifie ce hiéroglyphe tatoué dans son cou ? Et pourquoi sa valise a-t-elle la forme d’un sarcophage ?

Arbatz couvMichel ARBATZ
Z (Nativité), poème, Éd. Le Temps qu'il fait (format 13 x 17)
Un poème qui navigue en 33 pages dans l’étonnement devant la nouveauté la plus radicale au monde : une naissance.
 

août

Bourrel couvAnne BOURREL
Station-service, roman, Éd. Myriapode
Est-ce qu'une station-service est le meilleur endroit pour prendre des vacances quand on a tué le catalan ? "Station-service  vous embarque dans une sorte de road-movie pour vous déposer dans un village hostile... et vous vous en prendrez plein la gueule" (Penvins, E-littérature)
www.editionsmyriapode.fr

Murat couvAnnie MURAT
Lolo la vache rousse et le caillou qui parle / Lolo s'en va au bout du monde / Lolo s'ennuie / Le grand voyage de Plop / Tu sais faire ça ?, pour les 2-6 ans, Éd. du Taillepage
Collection Kamishibaï : 12 pl. illustrées de 37 x 27,5 cm dans un butaï en carton ;
Collection Doudou : petits livres à couverture cartonnée, les 5 titres en versions bilingues français anglais, français allemand, français arabe.

septembre

Barral couvAntoine BARRAL
Les Philopygestome 2, Série noire à la Coloniale, roman farci,  Éd. Singulières
La suite des aventures d'Alexandre Wollaston, grand maître philopyge : après l'effervescence parisienne de l'affaire Dreyfus, c'est une plongée au cœur des ténèbres de la conquête coloniale sur les traces de deux jeunes officiers criminels.
Notre héros reviendra-t-il en France à temps pour innocenter Dreyfus et faire échouer le complot de l'extrême droite contre la République ?

Ludi couvFlorence LUDI
Le Nouveau régime Atkins, traduction de l'anglais de "The new Atkins for a new you", auteurs : Éric Westman, Stephen Phinney et  Jeff Volek, Éd. Thierry Souccar
Mis au point dans les années 1970 par le cardiologue Robert Atkins, ce régime repose sur une réduction des glucides. Il est ici mis à jour par trois médecins qui proposent ainsi un régime destiné à perdre du poids grâce à une alimentation équilibrée et en fonction de ses goûts.

Zuchetto couvGérard ZUCHETTO
La Troba vol.5, anthologie chantée des troubadours  (coffret 5 CD) Troubadours Art Ensemble, direction Gérard Zuchetto, 2011 (réf. Troba Vox TR027 - durée 5h)
Les quarante-huit chants de Guiraut Riquier, l'intégrale chantée des troubadours pour la première fois avec textes en entier et leurs traductions en français.

 

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