Doubles, de Raymond Alcovère

Doubles, recueil de nouvelles, Les Tilleuls du Square / éditions Gros Textes, décembre 2022
Illustration de couverture : Jacki Maréchal

 

Je est un autre, a écrit Rimbaud. Certes ! Mais qui est-il ? Comment le découvrir, où chercher ? En laissant infuser le rêve…

Ces vingt nouvelles ouvrent des portes vers le mystère des doubles, de l’altérité, où surgissent des coïncidences, des correspondances, des éclaircies, un trouble… Le réel, l’Histoire, l’art en sont la trame, mais aussi une quête de la lumière, une possible transcendance…

 

 

 

EXTRAIT

Partir, en bateau, découvrir des aurores bleues, jaune pale, des matins calmes ou bouillonnants, les odeurs de rouille des ports abandonnés, me saouler dans des bars avec des filles faciles et puis partir toujours, pour pouvoir revenir, aimer à la folie la chaleur des nuits d’hiver dans les ports, et encore ce mouvement incessant des bateaux, trépidation, effluves, oublier, oublier le temps, juste une aurore nouvelle au bout du chemin avec l’horizon bleuté et la lumière mouillée du grand large. M’arrêter à Mindelo avec ses squares rectilignes et ses bateaux rouillés, abandonnés au milieu de la rade et les bars, boire du rhum jusqu’à ne plus rien voir, et penser que le monde m’appartient. Voilà ce que j’ai aimé, choisi. Tout plutôt qu’une vie régulière à terre où demain ressemble à aujourd’hui, où l’horizon est borné, les humains prévisibles, le mystère récurrent. En mer, il y a toujours un après, ce grand vent du large qui balaie tout, le sentiment cosmique de la vie. La terre ferme refroidit les hommes, les rend inaptes à vivre, la mer libère de tout, elle n’enferme rien, plus loin on peut toujours rêver une île inconnue, le déchaînement d’une tempête, une aurore boréale, une lumière étale, l’envol des fous de Bassan, un havre de paix. Les ports ne sont pas sur terre mais regardent dehors. Ils ne sont là que pour partir.

 

Encore plus nu, de Jean Azarel

Encore plus nu, poésie, éditions Gros Textes, avril 2017

« J’ai toujours haï la ségrégation des genres. Ami/amant. Lierre/mandragore. Caresse/morsure. Ulysse/Quasimodo. Whisky/limonade. Pureté/immondices. J’aspire à des fœtus en cendres pour les reconstituer en flammes. J’aspire à concasser la lune pour qu’elle jouisse d’une utilité nouvelle. J’aspire à tuer dans l’œuf les désirs normalisés. »

EXTRAIT

J’aspire à concasser la lune
pour qu’elle jouisse
d’une utilité nouvelle.
J’aspire à l’idéal des fous
de faire danser
les murs impies
des cachots.
J’aspire à supprimer
toutes les entraves,
tous les temps morts,
vider les camions bennes
des beautés saccagées.
J’aspire aux écritures hallucinées.
J’ai toujours chéri
le mélange des genres.
Buffle-punaise
Petit pois-enclume
Orgie-chasteté
Concave-convexe
Pommade-cynorrhodon
Missel-amulette
J’aspire
à tuer dans l’œuf
les désirs normalisés

Il existe un album numérique / écouter des extraits ici

Voix : Jean AZAREL
Guitare et instruments virtuels : Hérold YVARD
Textes: Jean AZAREL, sauf « Avec mes remerciements » de Perrine LE QUERREC.