Fête la mort !, échos de lecture de Jean Azarel

Jean Azarel a lu Fête la mort, un livre de Jacques Cauda (éditions Sans crispation, 2020)

Fête la mort, ou Faîtes la mort, y compris l’amour et la guerre, pourrait-on dire pour parler du huitième roman du « peintrécrivain » Jacques Cauda, initiateur du courant pictural « surfiguratif ».

Lorsqu’on fait un portrait, et à fortiori le sien propre, il y a trois manières de poser un visage : ou de face, ou de trois quarts, ou de profil. De face, le portrait regarde son semblable, c’est-à-dire la mort droit dans les yeux. De trois quarts, il regarde Dieu, l’éternité, l’infini. Et de profil, sa postérité, comme Erasme peint par Holbein regarde son acte d’écrire. Quand en 1800, Goya peint son Autoportrait, il regardait déjà sa propre mort droit dans les yeux. Il était déjà trop tard.

Pas très réjouissant me direz-vous ? Certes, mais pas d’amalgame. En une dizaine de saynètes où l’horrible s’adoucit de jubilatoire et de poésie, Cauda nous conte des histoires à dormir debout et étreindre itou, où la réalité copule avec l’imaginaire pour nous rappeler que mourir peut être un art de vivre, si le destin n’en décidait pas trop souvent autrement.

Où donc, il est question des aventures du trio composé de l’auteur et ses acolytes foutraques Petit Muscle et Saucisson, du rapport entre le ressouvenir en avant de Kierkegaard avec le jeu de rugby (ses mêlées et ses démêlés), de la Crevette et de Rintintin, d’une lettre à Lou sur un air de Chet Baker, en passant par une cochonne répondant au doux nom de Mèrepute, via un détour très spécial au pays des merveilles de Juliette, pour s’encroumer in fine dans la mornitude professorale d’une certaine et incertaine madame L…. Lire la suite…

 Oobèse, de Jacques Cauda, une chronique littéraire de Jean Azarel

Oobèse, roman, Z4 Éditions, 2019

Si Oobèse est une farce savamment préparée, illustrée et bien assaisonnée, elle le doit avant tout au goût de l’auteur pour la cuisine et pour la bouffe, la vraie, la grande à la Marco Ferreri. Car chez Cauda, comme dans le cochon tout est bon, donc tout se mange.
Artiste peintre qui n’y va pas avec le dos du pinceau, (ici de la cuiller) Jacques Cauda fait de l’huile à chaque page dans cette abominable aventure où un ex flic ripou à l’entre-jambes exacerbé passe en civet trois femmes qui tombent sous sa coulpe éminemment battue.
Oobèse nous conte les histoires croisées dans l’histoire du « Gros », dit Amalaire le dingue, (du nom d’un évêque du IXè siècle), qui met en pratique très personnelle une théorie controversée du corps du Christ en trois corps distincts, les trois parts de l’hostie. Dans la version moderne de l’affaire, « Le Gros », réincarnation new age de l’Hannibal Lecter du Silence des agneaux, préfère s’en tenir à l’enlèvement de « trois grâces », une blonde, une brune, une rousse, qu’il va occire à petit feu après moult sévices, gavages, mutilations et baises effrénées, puisqu’il faut bien évidemment passer ces dames à la casserole. Lire la suite…

Les tondues, de Perrine Le Querrec, chronique de Jean Azarel

Les tondues, texte Perrine Le Querrec, dessins Jacques Cauda, Z4 éditions, 2017
une chronique de Jean AZAREL

La quatrième de couverture donne le « la » époumoné de ces « Tondues » à qui l’écrivaine Perrine Le Querrec lègue ses mots et le peintre Jacques Cauda son crayon à dessin. « N’a-t-on jamais demandé aux hommes s’ils avaient couché avec une allemande, les a-ton transbahutés sur des charrettes à travers villes et villages sous les huées ? A-t-on jugé leur sexualité, a-ton jugé leur chair, leur pénis, leur cœur ? »
Ceux qui se targuaient de clamer hier « Je suis Charlie », auront-ils le cran (sic) de clamer aujourd’hui « Je suis tondu » ?  À défaut de tignasse, je n’en mettrais pas ma main à couper, mais qu’importe…
En un peu plus de trente pages courageuses (merci aussi à l’éditeur Z4), un épisode sinistre de l’histoire de France passe la mémoire enfouie des hommes à la Marie-Rose pour rendre moins lisse le crâne de l’infamie.

En même temps que tombent les chevelures tombent les masques des maîtres de l’exemplarité et rebondit le destin des femmes à travers les siècles. Le duo Le Querrec / Cauda scalpe au sécateur le non dit intemporel des outrages faits au « sexe faible ». Quand l’une écrit avec le vif de ses entrailles, l’autre fomente ses noirs dessins. Perrine s’exprime en urgentiste, Jacques décolore le trait. À chacun, chacune, sa partition dans un témoignage essentiel : donner à entendre pour effacer le silence de la langue, donner à voir pour gommer le silence des yeux.

« Le silence des femmes. Ce silence de la peur de la honte un silence séculaire la langue mordue la tête tondue. Silence reste à ta place attends mon retour attends ton tour sur la ligne brisée de ton départ sans espoir d’arrivée. Et les cheveux tombent et les femmes tombent et la raison tombe et l’humanité tombe et je tombe le corps attaqué au sommet ». Lire la suite…