Miroir, mon beau miroir… (6), de Nicolas Gouzy

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…/… La farce a assez duré. Même si le bouquet « voyeur planétaire » m’est offert sans abonnement, je trouve ça indécent. Je ne connais pas de lieu plus intime et plus secret qu’une salle de bains, même pas la chambre à coucher ouverte pourtant à tous les sextapes, comme les moulins de l’ancien temps étaient ouverts à tous les vents. La salle de bains c’est le lieu de l’abandon par excellence, le lieu de l’aveu, là où santé, propreté et beauté échappent encore un peu aux diktats et aux regards inquisiteurs d’une société obsédée par la performance. Le matin, à 6-7 heures, tu performes rien du tout, tu rampes, tu râles, tu éructes, tu craches, tu pètes, tu te cures les oreilles, tu essaies de venir à bout des mèches rebelles d’une tignasse informe. Et je ne parle même pas des batailles qu’y livrent les femmes… La salle de bains est l’endroit où se concentrent les tabous sur les corps nus, les vérités sur les silhouettes imparfaites, sur les cicatrices, les prothèses, sur les petites tromperies que permet un maquillage discret et même sur les grands ravalements. C’est aussi le lieu de toutes les promesses : celle du poids idéal reconquis comme celui de la beauté conforme et conquérante.
Vous n’imaginez pas une option « share » bombardant sur Youtube vos aventures balnéaires démaquillées, flasques et hésitantes ? Non ? Alors vous comprendrez ma décision du moment. Je fonce chez le Bricotout le plus proche. En route, je m’étais plus ou moins décidé pour un marteau arrache-clous. Il y en a de magnifiques, tout inox, aux manches gainés de caoutchouc noir, sans doute pour menuisiers sadomasos. Mais une masse à manche court, d’un bon kilo et demi, emporte finalement ma décision.

L’instant de l’hallali vitrier est arrivé. Je suis un peu fébrile et j’ai les mains moites. Je n’aurais pas fait un bon bourreau.
Dans ma salle de bains, R2D2 et C3PO sont toujours cramponnés au « démiroir ». Tant mieux, je frapperai dessus pour éviter les éclats. Je débarrasse les bords de la vasque du petit merdier qui l’encombre et en recouvre le fonds d’une seconde serviette de toilette pour y recueillir les morceaux. Ça va cogner. …/…

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