Chronique de Jean Azarel : « Cent lignes à un amant » de Laure Anders

Cent lignes à un amant, de Laure Anders, éditions La Boucherie Littéraire, 2018
Une chronique proposée par Jean Azarel


Laure Anders inaugure la nouvelle collection « Carné poétique » des éditions La Boucherie Littéraire dirigées par Antoine Gallardo. À la manière d’un Georges Perec au féminin, Laure Anders ne se souvient pas en quatre cent quatre-vingt séquences mais embrasse cent fois un amant (bienheureux), délictueusement vouvoyé.
On ouvre ce recueil qui sied à l’été comme on ouvre la bouche, avec du rouge à lèvres déjà présent sur la couverture. Bonne nouvelle (bien qu’il ne s’agisse pas du genre littéraire éponyme), les fragments de Laure ont le goût d’un bonbon sur la langue. Vite passé (ça se lit vite) mais bien prégnant ensuite (on y revient, c’est trop bon). Je vous embrasse parce que vous me faîtes fondre.. Suffisamment long donc pour finir sous perfusion de baisers une fois extraite la substantifique moelle de l’acte répétitif. Suffisamment court aussi pour laisser en apnée le lecteur qui n’a plus qu’à en redemander. Et quand ce sera fini, je pourrai tendre les bras devant moi et vous effleurer, là, du bout des doigts. Je pourrai presque vous toucher encore.
D’aucuns (les pisse-froids sont partout) diront qu’on est dans le clip poétique, la bluette sentimentale, le petit plaisir de plage paresseux, et alors ? Faisant partie des ânes qui boivent avec délices les accords de bouche même quand ils n’ont pas soif, je ne saurai dédaigner pareil aveu de sensualité textuelle d’autant que sa saveur s’érotise de ci de là d’une délicatesse polissonne joliment distillée. Je vous embrasse sur la nuque, assise à califourchon derrière vous sur une selle en cuir. Dans le frétillement d’une écriture fluide et ramassée, intime sans chichi ni pathos intello, avec sa manière de laisser filer les mots en douceur dans les courants en y ajoutant de subtils effets de nageoire, il y a de la petite sirène chez Laure Anders(en).
Madame, puisque vous m’y avez autorisé par votre dédicace, je vous embrasse. Mais pas trop, de peur de mal étreindre vos cent lignes de droits et de devoir(s), tout le reste est littérature.