Une chronique de Philippe Castelneau

François, portrait d’un absent, de Michaël Ferrier
(Gallimard, 2018)


C’est lorsqu’il apprend la mort de son ami d’enfance François et de sa fille Bahia, tous les deux emportés par une vague sur l’île de La Graciosia un 26 décembre, que Michaël Ferrier entreprend d’écrire ce récit dans lequel il retrace leur histoire commune, qui est celle d’une magnifique amitié.
Les souvenirs ressurgissent au fil des pages : une jeunesse heureuse, la camaraderie des années d’internat, les premiers pétards et les filles, jusqu’à la découverte de la littérature, du jazz, de la radio, du cinéma italien et de la Nouvelle Vague… Si le livre est empreint de mélancolie, il n’est jamais triste. En dépit de l’évènement tragique qui a conduit à son écriture, ce livre est d’abord un hymne à la vie !
Michaël Ferrier évoque aussi de manière poétique le Japon et, entre l’Asie et la France, trace le portrait au plus juste de son ami absent, loin de toute idéalisation. Enfin, il montre que si l’amitié ne tient parfois qu’à un fil, ce fil, quoi qu’il arrive, ne rompt jamais.

le blog de Philippe Castelneau

Chronique de Jean Azarel : « Cent lignes à un amant » de Laure Anders

Cent lignes à un amant, de Laure Anders, éditions La Boucherie Littéraire, 2018
Une chronique proposée par Jean Azarel


Laure Anders inaugure la nouvelle collection « Carné poétique » des éditions La Boucherie Littéraire dirigées par Antoine Gallardo. À la manière d’un Georges Perec au féminin, Laure Anders ne se souvient pas en quatre cent quatre-vingt séquences mais embrasse cent fois un amant (bienheureux), délictueusement vouvoyé.
On ouvre ce recueil qui sied à l’été comme on ouvre la bouche, avec du rouge à lèvres déjà présent sur la couverture. Bonne nouvelle (bien qu’il ne s’agisse pas du genre littéraire éponyme), les fragments de Laure ont le goût d’un bonbon sur la langue. Vite passé (ça se lit vite) mais bien prégnant ensuite (on y revient, c’est trop bon). Je vous embrasse parce que vous me faîtes fondre.. Suffisamment long donc pour finir sous perfusion de baisers une fois extraite la substantifique moelle de l’acte répétitif. Suffisamment court aussi pour laisser en apnée le lecteur qui n’a plus qu’à en redemander. Et quand ce sera fini, je pourrai tendre les bras devant moi et vous effleurer, là, du bout des doigts. Je pourrai presque vous toucher encore.
D’aucuns (les pisse-froids sont partout) diront qu’on est dans le clip poétique, la bluette sentimentale, le petit plaisir de plage paresseux, et alors ? Faisant partie des ânes qui boivent avec délices les accords de bouche même quand ils n’ont pas soif, je ne saurai dédaigner pareil aveu de sensualité textuelle d’autant que sa saveur s’érotise de ci de là d’une délicatesse polissonne joliment distillée. Je vous embrasse sur la nuque, assise à califourchon derrière vous sur une selle en cuir. Dans le frétillement d’une écriture fluide et ramassée, intime sans chichi ni pathos intello, avec sa manière de laisser filer les mots en douceur dans les courants en y ajoutant de subtils effets de nageoire, il y a de la petite sirène chez Laure Anders(en).
Madame, puisque vous m’y avez autorisé par votre dédicace, je vous embrasse. Mais pas trop, de peur de mal étreindre vos cent lignes de droits et de devoir(s), tout le reste est littérature.

Et aussi les arbres, d’Isabelle Bonat-Luciani, une chronique de Jean Azarel

Et aussi les arbres, Isabelle Bonat-Luciani, éditions les Carnets du Dessert de Lune, mai 2018
une chronique de Jean Azarel

Il y a bien des façons de chanter un baiser, à la manière d’Alain Souchon ou bien en écoutant la petite musique intime nichée dans la poésie d’Isabelle Bonat-Luciani. « Nos bouches étaient cousues / mais là où le cœur chavire. J’ai encore sa langue dans ma bouche. À chaque fois. Il était une fois. Les histoires commencent ainsi.
En prenant pour fil conducteur un morceau de pop rock qui donne son titre au livre, l’auteure dévide un écheveau crânien d’abord sagement coiffé, puis de plus en plus échevelé au fur et à mesure que les souvenirs remontent à la surface, d’abord douceâtres, puis abrupts, pour devenir aussi  sales qu’une casserole laissée trop longtemps dans l’évier. Lire la suite…

Hollande sur l’autel de la France, d’Yves Carchon

L’autre soir, triste prestation que celle de François Hollande ! Dire qu’on souffrait pour lui ne saurait résumer le gouffre séparant le Président de ces Français venus l’apostropher. Et pas n’importe comment. Le ton semblait donné : parler franc, plutôt net, sans fioritures à un président qui se voulait encore « normal ». Certes, on mettait les formes mais on sentait monter l’exaspération de ces représentants, censés porter la parole citoyenne, qui ne se sentaient plus compris ni en adéquation avec le pouvoir à Paris. Un dialogue de sourds où notre président tentait vaille que vaille d’endiguer l’impatience émanant des questions, dont les réponses ne convainquaient personne. Moi le premier. A croire qu’un spleen démocratique a peu à peu fondu sur l’Hexagone. Oui, le dialogue est bel et bien grippé entre nos dirigeants et nous qui aujourd’hui n’en pouvons mais. Gravissime divorce exposé en direct où notre président se débattait dans la nasse des réalités d’aujourd’hui, rimant hélas avec chômage, précarité, misère, confusion politique et tentation pour de nombreux compatriotes de se livrer aux sirènes du FN. Le dialogue citoyen a bien sûr ses limites, celle notamment de démythifier le Président et sa fonction, au risque de devoir réduire ses interventions et son action à celle d’un comptable devant rendre des comptes aux contrôleurs en chef que nous serions. Dans l’exercice, il y avait hélas de l’hallali, un je ne sais quoi pareil à une fin de règne, piteuse et malheureuse. Dommage. On peut penser pourtant qu’un tel psychodrame aura peut-être le mérite de générer un sursaut salutaire dont notre France aurait besoin. On l’espère de tout cœur, même si l’on a perdu nos dernières illusions.