Plusieurs de nos adhérents particperont à cette rentrée littéraire en poésie : Michaël Glück, Anne-Marie Jeanjean, Adeline Yzac…
Mon père, ce tueur, de Thierry Crouzet
Mon père, ce tueur, roman, La Manufacture des livres, août 2019
Mon père était un tueur. À sa mort, il m’a laissé une lettre de tueur.
Pour trouver le courage de l’ouvrir, j’ai dû revivre la guerre d’Algérie de mon père, revivre ses chasses, sa jeunesse et ses traumatismes.
« Mon père était un tueur. À sa mort, il m’a laissé une lettre de tueur. Je n’ai pas encore le courage de l’ouvrir, de peur qu’elle m’explose à la figure. Il a déposé l’enveloppe dans le coffre où il rangeait ses armes : des poignards, une grenade, un revolver d’ordonnance MAS 1874 ayant servi durant la guerre d’Espagne, une carabine à lunette, et surtout des fusils de chasse, des brownings pour la plupart, tous briqués, les siens comme ceux de son père, grand-père et arrière-grand-père, une généalogie guerrière qui remonte au début du dix-neuvième siècle. Sur les crosses, il a vissé des plaques de bronze avec les noms de ses ancêtres, leur date de naissance, de mort. Sur l’une, il a indiqué : « 1951, mon premier superposé, offert pour mes 15 ans ».
Rencontre-lecture avec Françoise Renaud, salon du livre Anduze, 22 août 2019
Premier salon du livre d’Anduze : un événement pensé et organisé par Frédéric Quinonero en hommage à Michel Jeury
avec le concours de la municipalité d’Anduze
A 15h j’y donnerai une rencontre-lecture autour de mon dernier roman Retrouver le goût des fleurs : paysages cévenols, quête du lieu, beauté du monde
Sula de Toni Morrison, par Valéry Meynadier
De l’écriture gospel
Ce livre est un autodafé. Sous le signe du feu et de la prière. Eva brûle son fils Plum car il est sous l’emprise de la drogue. Hannah la fille d’Eva brûle par accident sous les yeux de sa fille Sula qui « avait regardé sa mère brûler non parce qu’elle était paralysée mais parce qu’elle trouvait ça intéressant ».
Années vingt. Tout se passe dans Le Fond, une terre aride en haut des collines donnée par un blanc à un esclave au cœur d’une Amérique émergeante.
Sula se lie d’amitié avec Nel, elles ont le même âge, elles découvrent tout ensemble : le printemps, les garçons. « Chacune trouva refuge dans la compagnie de l’autre. Elles purent alors ignorer les façons de faire des autres et se concentrer sur leur propre perception des autres. » Quand Nel se marie, Sula va à Nashville, à Détroit, à la Nouvelle-Orléans. Dix ans passent à voyager ainsi de ville en ville quand Sula revient, marquée d’une inquiétante étrangeté dans « un mois de mai comme lustré, avec un miroitement vert … », elle couche avec le mari de Nel.
Toni Morrison, seule femme noire à avoir reçu à ce jour le prix Nobel de littérature (en 1993), est née dans l’Ohio en 1931. De culture africaine et afro-américaine, elle chante la cause noire, la négritude, les Noirs américains et les Noirs africains qui, dans son œuvre, sont tous occupés à scier la branche sur laquelle ils sont assis, branche qui appartient au passé, par conséquent à l’esclavage. Comment devenir libre après avoir vécu ce qu’ont vécu leurs ancêtres ?
« Sula n’avait pas d’ego. Et donc aucun besoin de se vérifier elle-même – d’avoir la moindre cohérence ».
L’ego d’un peuple entier a été tué, voici ce que dit ce livre. Sula est une prière crachée à la face de Dieu au rythme d’une écriture gospel, poétique, enragée, engagée. Dans l’ombre de Toni Morrison se tient la grande morte Nina Simone. Elles chantent en chœur la mimèsis, clament l’énergie vitale de la vérité, à nous d’entendre.
Au livre, les mots de la fin : « C’était un beau cri – long et fort – mais il n’avait pas de fond ni de hauteur, que les cercles sans fin de la douleur. »Ils sont aussi les derniers mots de Sula.
Paru en 1973, traduction française de Pierre Alien, chez Christian Bourgois, 1992 – 10/18, domaine étranger, 1993
Article publié dans le numéro 26 de notre magazine FUNAMBULE, fév 2013
Un cadavre à la consigne, d’Isabel Lavarec
Un cadavre à la consigne, policier historique, chez Ex-aequo, avril 2019
(couverture d’Annabel Peyrard)
- 1920. Roman policier historique placé juste après l’hécatombe de la guerre qui a entraîné une perte de repères et une banalisation de la mort. Dans un style imagé non dépourvu de légèreté, cette enquête policière, riche en rebondissements, est inspirée d’un fait réel.
Vivant dans cette période folle où le meilleur et le pire se côtoient, les Rostova font souvent la une des journaux. Lui, affairiste dans l’import-export, accumule les maitresses ; elle, féministe engagée, journaliste, n’hésite pas à dénoncer les injustices sociales. Cela semble s’écouler comme un long fleuve tranquille jusqu’au jour où on dénonce la disparition de monsieur. Puis, tout bascule lorsqu’on découvre un cadavre à la consigne de la gare…
En mettant face à face un progressiste et un réactionnaire, quelques problèmes fondamentaux sont posés : le statut de la femme dans la société patriarcale du début du XXe siècle ; la partialité et l’iniquité de la justice ; la peine de mort ; l’inhumanité des prisons ; l’importance de l’amour, de la culture et la nécessité de donner un sens à son existence
Goûters de l’histoire avec Raymond Alcovère, 27 juin à Montpellier
Dans le cadre des Goûters de l’histoire à Pierres Vives
une rencontre avec Raymond Alcovère, romancier, qui vient de publier Ces Héraultais qui ont fait l’Histoire, éditions Le Papillon Rouge, 2018
le jeudi 27 juin 2019 à 18h30
Pierres Vives, 907 avenue du professeur Blayac à Montpellier
Photographie : Jean Moulin dans son bureau. ADH, 103 J 39 / couverture de l’ouvrage
Body Budy, de Francis Zamponi
Body Budy, polar libertin, ebook, collection Culissime, SKA éditions, juin 2019
Médecin légiste de jour, la belle Claire Dieulefit, toujours aussi libertine la nuit, a pris sous son aile une fugueuse…
(…) Comme on peut le deviner, la réponse à ma question et à mon regard volontairement provocateur ne s’est pas fait attendre. Se déhanchant sur le rythme de la musique, c’était je crois du Johnny Cash, Hervé a improvisé un numéro de strip-tease qui n’était pas ridicule. Une fois débarrassé de son accoutrement de cowboy, il s’est allongé sur le ventre au centre de la fourrure synthétique. J’ai pu constater que ses fesses étaient authentiques et je les ai longuement caressées. L’autre face d’Hervé que j’ai découverte en le faisant rouler sur la fourrure m’a révélé un membre viril dont, toujours vêtue de pied en cap, j’ai testé l’authenticité. Des mains puis des lèvres. (…)
L’auteur nous a déjà régalés des aventures de Claire Dieulefit dans Corps du délit où nous l’avons suivie en des lieux de plaisir surprenants. Ici, elle déambule sans tabou, entre hypocrisie chaste et dérèglement jouissif. La virginité de la body buildeuse tiendra-t-elle jusqu’au bout du road trip coquin mené par un beau guide au travers des Etats-Unis… ?
Le guide des auteurs de livres 2019
Le Guide des auteurs de livres 2019 vient de paraître !
Vous y trouverez toutes les informations concernant le secteur du livre, le droit d’auteur, le contrat d’édition, la rémunération, les formations, les aides publiques et privées…
vous pouvez le télécharger ici sur le site de la SGDL
ciel déchiré, après la pluie, de Michaël Glück
ciel déchiré, après la pluie, récit, éditions L’Amourier, juin 2019
Un homme fuit. Plus loin on le désignera homme qui marche. Mais maintenant (c’est le premier mot du livre, écrit comme ça, sans majuscule, un maintenant qui n’est donc pas un début) un homme fuit, rampe dans la neige, s’accroche comme il peut à sa survie. La langue elle-même est en fuite avec pour seule ponctuation des barres obliques (/) que l’on dit aujourd’hui slash. Des juxtapositions plutôt que des ruptures. Les gestes juxtaposés d’un corps menacé. Qui fuit. Un corps qui n’a pas d’autre nom que ce mot : weg – mot que le peu d’allemand que l’on sait (et le texte le confirmera bien plus loin) renvoie au mot chemin, et à ce geste de la main pour faire dégager ce qui gène : weg ! casse-toi ! bouge de là ! Le nom d’un homme (corps/pensée/sang/ écoute) qui a été chassé et se retrouve maintenant sur ce chemin de fuite. On est en guerre. On plutôt en guerres (vieilles guerres, 1 titre le premier chapitre.) On entre dans ces guerres. Temps et espaces de guerres. Où ? Le nom de l’Europe sera mentionné à quelques reprises. Mais l’époque ? Maintenant. Après la fin du monde. Nous sommes dans ce maintenant d’après la fin du monde. Hier-aujourd’hui-demain. Un monde de survivants. Mais tout aussi bien, alors, un monde de premiers venus.
(extrait d’un article de Michel Séonnet)
Ciel déchiré, après la pluie a tout d’un récit d’anticipation. Il y a eu une guerre. Quelque chose qui ressemble à la fin du monde. Des hommes. Des femmes. Des enfants font entendre leur voix.
Est-ce le temps de l’anéantissement total ou celui des recommencements ?
La langue puissante et tendue de Michaël Glück nous entraîne à la suite de ses personnages dans une méditation errante sur ce qu’il reste d’humain en l’homme par temps de désastre et la place que tient le langage dans sa survie.
« Après qu’il a claqué la portière derrière lui, il a crié et il s’est effondré. J’ai entendu tomber un corps. Le sien. Parce que je n’ai entendu qu’une voix, je dis un corps, le sien, parce que je n’ai entendu qu’un pas sur le ballast, je dis le sien. Parce que je n’ai plus rien entendu après, je dis un corps, le sien. J’ai d’abord pensé à un bagage, le bruit d’un ballot jeté sur la plateforme eût fait un bruit pareil à celui de la chute d’un corps, avec toute cette pluie qui doit alourdir la terre et les hommes, ce qui reste des hommes. La confusion eût été possible. Si longtemps que tombe cette pluie. J’ai songé aussi qu’il aurait pu balancer un autre corps, qu’il aurait jusqu’alors porté sur son dos tant son pas, par lequel j’avais perçu son arrivée, avant même qu’il ne frappât contre la vitre, m’avait paru accablé, corps d’un blessé ou celui d’une femme dont il aurait voulu, par ce temps, soulager la peine. Non. Il est seul. »