La discrétion de Pierre-Albert Clément

Pierre CLEMENT à Champdomergue - FR3,2005

Pierre-Albert Clément est décédé à Alès, le 26 novembre dernier. Je l’ai appris hier seulement par son fils à travers un courrier électronique.

Je l’avais rencontré il y  une bonne quinzaine d’années. J’étais alors jeune écrivain et j’avais pu mesurer combien il lui plaisait d’accueillir celui qui débute et cherche ces marques dans ce monde particulier qu’est l’écriture. Un jour de dédicaces dans une librairie d’Alès, il m’avait invitée au restaurant et m’avait mise en contact avec une journaliste qui aimait les romans et leur consacrait des articles — elle aussi est partie il y a quelques années. Je n’oublierai jamais ce mouvement si amical de sa part, presque tendre, que je n’aurais sans doute pas obtenu de mon propre père, d’autant qu’il n’attendait rien en retour sinon un simple sourire.

Pierre-Albert, je connaissais peu, enfin tout de même suffisamment pour l’embrasser quand nous nous rencontrions dans un salon du livre et échanger des propos à propos de l’évolution numérique, de la disparition de certaines maisons d’édition et de nos projets d’écriture. Je le savais grand historien et amoureux du vieux Montpellier, également des Cévennes, des passions dont il ne faisait pas étalage. Il ne parlait pas davantage de son passé engagé, de sa famille. Chez lui, discrétion et grande gentillesse.
Une chose me troublait, son handicap, quand bien même il n’en faisait pas état et ne réclamait jamais l’aide de personne. Était-ce sa main, son avant-bras, son bras qui avait été touché et amputé ? Je n’ai la réponse qu’aujourd’hui : c’est en 1944 qu’il l’avait perdu et tout entier. Il était âgé de 20 ans. Et c’est vers lui que vont aujourd’hui toutes mes pensées, convaincue qu’il serait heureux de savoir qu’à présent je demeure en Cévennes, son pays tant aimé.

Françoise Renaud

Midi Libre lui a rendu hommage : Pierre-Albert Clément n’est plus, novembre 2014

L'ombre des femmes, de Philippe Garel

Un article de Jean Azarel

affiche L'ombre des femmes

Après s’être quelque peu perdu dans des films en couleur un rien maniérés, Philippe Garrel retourne aux sources et redevient avec L’ombre des femmes le magicien qu’il est depuis un demi-siècle. En 1971, je découvrais son premier long métrage underground culte, La cicatrice intérieure avec Pierre Clémenti et la muse-compagne qui bouleversa sa vie et son cinéma, la chanteuse Nico. Les membres de ce trio, par leur créativité, leur singularité, et osons le terme, leur romantisme, ont aussi bouleversé mon existence. Je n’ai jamais depuis cessé d’aimer ce grand frère intransigeant de Garrel, cinéaste de la pauvreté (il fut un temps où il tournait à la caméra à la manivelle avec les bouts de pellicule ramassés dans les poubelles), peintre et graveur génial des tourments sentimentaux extirpés des regards de ses modèles. Conteur d’histoires finalement simples comme la vie, même si la nature humaine les complique exagérément.
Dans L’ombre des femmes, celui dont on a dit qu’il avait « une caméra à la place du cœur », servi par un noir et blanc magistral, la musique minimaliste de Jean-Louis Aubert, et la concision du discours (durée 1h13), déroule fusion passionnelle, effritement du couple, trahison, amants de secours, remords puis pardon, petits arrangements entre amours, réconciliation finale, bien que le happy end laisse planer le doute. On retrouve en filigrane les obsessions habituelles de Garrel magnifiées par l’image : les vicissitudes de l’art, la nécessité du mensonge, les chambres d’hôtel minables et les intérieurs chiches, l’inéluctable de la perte, le masochisme du manque, l’inconstance humaine.
Les personnages principaux d’un triangle intemporel sont joués par Clotilde Courau qui campe une épouse amoureuse époustouflante de dignité et douleur longtemps contenue avant d’exploser. Elle donne la leçon, au sens noble du terme, à Stanislas Mehrar, le mari, veule et buté à souhait. Car l’ombre des femmes, de cette femme en particulier, cache une lumière trop forte pour l’homme qui la reçoit, d’autant plus forte qu’il est déjà aveugle de trop d’orgueil. En contrepoint, la jeune maîtresse jouée tout en pulpe et sensualité par Léna Paugam s’agite comme un fanal éclairant la nuit de l’antihéros mal en point. Ici, la chair est gaie pour un temps, passant de l’ombre à la lumière, mais vouée à tomber brutalement dans l’obscurité de la rupture. Avec L’ombre des femmes, plutôt encensé par la critique, Garrel construit obstinément à travers les décennies le puzzle d’une œuvre unique, détestée ou vénérée, en maître des émotions, pour un public qu’on peut souhaiter enfin moins maigre que d’habitude.

L'ombre des femmes

Pascal Gabellone in memoriam

Un hommage rendu par François Szabó au poète

Pascal Gabellone, dessin de Jacques Basse

Pascal Gabellone nous a quittés en mai 2015, mais demeure la trace qu’il a laissé à ses proches ainsi qu’à ses collègues, ses élèves, ses lecteurs. Son art consommé de la tendresse et de la finesse de son appréhension du monde.
Une sensibilité artistique que l’on retrouve dans son œuvre poétique et critique : Que ce soit dans La Blessure du réel où l’artiste est à l’épreuve du monde, expérience charnelle et parfois tragique où l’art permet la cicatrisation et la spiritualité la sublimation, ou que ce soit dans L’Inhabité où l’on retrouve la douleur peu à peu éloignée où la distance et l’absence sont apprivoisées.
Il est notable que sa dernière publication à ce jour, essai en italien publié chez Anterem Fra Terra e Cielo marque la résidence du poète sur Terre puis au Ciel.
Ses compagnons littéraires de vie : Ungaretti par l’expérience vécue transmise, Paul Celan pour la catharsis et l’art en marche, Mallarmé pour l’abstraction restreinte, compagnie jamais défaillante qui lui permit d’œuvrer sur le poétique, quête et mode de vie adoptée au quotidien.
C’est avec Un regard sur les confins, sous-titre de Fra Terra e Cielo, que son attention s’est portée aussi sur les présences splendides de Blanchot et Leopardi, où l’écriture est un champ d’exploration et un chant salvateur.
L’ultime demeure, il l’a trouvée, après cet écart entre Terre et Ciel. Si loin et si proche dans la teneur sensible, topos de toutes les réconciliations et avec la sérénité dans la grâce.

 Illustration : Portrait de Pascal Gabellone, dessin de Jacques Basse

Nouvelles du recours contre ReLIRE

Le Conseil d’État nous a transmis la « Notification d’une décision » rendue le 6 mai 2015 sur la requête en excès de pouvoir déposée le 2 mai 2013 par Marc Soulier et Sara Doke contre le décret d’application de ReLIRE autour de l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle , notification qui nous apprend (ce que nous savions déjà par ActuaLitté, entre autres, qui a relayé la nouvelle) que le Conseil d’État décide que la requête présente une difficulté sérieuse (quand même !), qu’il y a lieu par suite d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne, et de surseoir à statuer jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée.

Les interventions de certains d’entre nous et de notre association Autour des Auteurs soutenaient la requête.

Le Conseil d'État

Lire l’article paru dans ActuaLitté du 6 mai 2015
Le Conseil d’État renvoie le registre ReLIRE devant la justice de l’Europe

Lire aussi l’article du 27 février 2015
Le Registre ReLIRE, l’histoire continue pour les œuvres indisponibles

Illustration : Le Conseil d’État (ActuaLitté, CC BY SA 2.0) 

Précarité des auteurs

Un auteur de la région Midi-Pyrénées, Guillaume Guéraud, propose une mini série intitulée POIDS PLUME et sous-titrée « vidéo-tracts d’un auteur précaire ». Cet auteur cinéphile et donc précaire tente de présenter la situation des auteurs d’aujourd’hui d’une manière drôle et furieusement réaliste ! Il trace la route sur les combats à mener…

Pour voir l’épisode 1, cliquez sur l’image.

Poids Plume, de Guillaume Guéraud (épisode 1)

Vous trouverez les autres épisodes sur le site de la Charte des auteurs et des illustrateurs Jeunesse qui la soutient et la diffuse sur son site.
L’épisode 8 s’intéresse à la déclaration Agessa :  « Exigeons une rémunération pour remplir nos déclarations »

 

Lecture numérique et liberté

intervention de Joëlle Wintrebert

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Vous pensez que les DRM sont une plaie qui empêche la libre circulation des livres numériques, le prêt et le partage, le transfert facile de vos livres entre vos ordinateurs, vos tablettes et vos smartphones ? Vous pensez (à juste titre) que la firme Adobe, principal fournisseur de ces DRM, vous espionne ? Vous avez envie de ruer dans les brancards, de vous bagarrer contre la société de contrôle et de surveillance qui grignote toujours plus nos libertés ? Bougez-vous le 6 mai. Ou au moins, faites l’effort de vous renseigner, de découvrir comment on peut changer les choses.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’anglais, voici un bon article d’ActuaLitté du 11 avril 2015 qui relaye l’appel lancé par l’organisation Defective by Design.
La lecture, une liberté qui ne peut souffrir ni restriction ni surveillance

En anglais, c’est ici.

Mars 2015 : la colère des auteurs

transmis par Joëlle Wintrebert

Voici le communiqué de la SGDL qui fait suite à la mobilisation des auteurs au Salon du livre, samedi 21 mars.

manifestation des auteurs, Salon du livre de Paris 2015

27 mars 2015
Salon du livre : une mobilisation réussie

C’est historique, et tous les auteurs de la SGDL peuvent s’en féliciter, la mobilisation générale des auteurs au Salon du livre de Paris a été suivie par plusieurs centaines d’entre vous. La lettre ouverte « à ceux qui oublient qu’il faut des auteurs pour faire des livres » a recueilli plus de 1800 signatures à ce jour, et vous pouvez encore y joindre votre nom en mentionnant « auteur, je signe » à l’adresse pasdauteurspasdelivres@gmail.com
La presse a fait un large écho à ce qu’elle a appelé « la colère des auteurs » et vous trouverez ci-dessous les liens vers de nombreux articles.
Par ailleurs, lors de l’inauguration du Salon, Marie Sellier a pu s’entretenir avec la Ministre de la Culture, puis, par la suite, avec le Président de la République et le Premier Ministre qui se sont tous deux arrêtés sur notre stand « Place des auteurs ».
Les débats organisés par la SGDL ont bénéficié d’une large audience, qu’il s’agisse des rencontres spécifiques au droit d’auteur (le contrat-type, l’autoédition) ou de celles dédiées à la littérature (poésie, premiers romans, fabrique du personnage, science-fiction, polar, etc.).
À noter également que le CNL a accueilli les auteurs sur son stand, pour une présentation du 6e baromètre des relations auteurs/éditeurs (une enquête menée avec la SCAM à laquelle vous avez été très nombreux à répondre et que vous pourrez retrouver sur notre site) et de notre répertoire Balzac des auteurs et de leurs ayants droit. La SGDL s’est en outre associée à la présentation des résultats de la 5e édition du baromètre des usages numériques (SGDL/SNE/SOFIA).

Le Grand journal – 23 mars 2015 (Augustin Trapenard)
Idboox 23 mars (Élisabeth Sutton)
Publishing perspective – 23 mars (Olivia Snaije)
Blog Laure Limongi – 22 mars 2015
24 matins – 22 mars 2015
La Croix.fr – 20 mars 2015 (Sabine Audrerie)
Actualittés – 21 mars (Nicolas Gary)
Actualittés – 21 mars (Nicolas Gary)
Le Monde.fr – 21 mars (Frédéric Potet)
Télérama.fr – 19 mars 2015 (Geoffrey Lopes)
Le Figaro.fr – 18 mars 2015 (Cassandre Dupuis)

Échec des éditions Black-e-book

ÉAndré Gardies nous écrit :

J’ai reçu aujourd’hui le courrier ci-dessous que m’a adressé Anne Humbert des éditions numériques Black-ebook. Elle écrit à tous ses auteurs pour leur annoncer sa décision de mettre un terme aux activités de cette maison. Elle nous en donne les raisons et je pense qu’elles sont suffisamment éclairantes sur la situation de l’édition numérique pour que je communique cette lettre. Je le fais naturellement avec l’autorisation de Anne Humbert. Ce témoignage sur l’échec d’une expérience éditoriale faite d’honnêteté et d’exigence me paraît important.
Juste un rappel : Black-ebook faisait un véritable travail d’édition, en sélectionnant ses manuscrits, en veillant aux corrections, au règlement des droits d’auteur, en proposant un contrat clair et juridiquement correct.

site Black Ebook

Voici la lettre d’Anne Humbert.

« Chers auteurs bonjour,

Nous avons longtemps réfléchi sur ce que nous pouvions faire comme constat sur ces trois années de travail acharné sur Black-Ebook et ¬— disons-le à présent — sur French-Ebook…
Nous avons retourné le problème sous tous les sens afin de trouver un moyen de nous rendre optimistes afin de réinjecter de la trésorerie dans notre petite start-up, mais malheureusement, inutile de tourner autour du pot, nous n’avons pas trouvé de solution qui nous paraît acceptable. Black-Ebook n’est pas rentable…
Et voici pourquoi, nous avons décidé son arrêt définitif.

Lire la suite…

Action du S.E.L.F. pour le droit d'auteur en suspens

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Illustration : Drew Coffman, CC BY 2.0

L’eurodéputée Julia Reda, dont on a beaucoup parlé ces temps-ci à la suite de son rapport préconisant de nouvelles exceptions européennes au droit d’auteur (lire ici), rapport que certains trouvaient relativement mesuré eu égard à l’appartenance de la dame au parti pirate quand d’autres (majoritairement les sociétés d’auteur, évidemment) criaient « au loup! » avait fini par solliciter directement l’opinion des créateurs : quelle-est-votre-opinion.
Nos amis du S.E.L.F. l’ont prise au mot et lui ont envoyé la lettre qui suit, que l’on peut également lire sur le site du syndicat ou sur ActuaLitté qui l’a relayée.

« Madame la députée,
Le Syndicat des Écrivains de Langue Française (S.E.L.F.) vous sait gré de la demande que vous avez faite aux auteurs de réagir à vos propositions concernant l’établissement de nouvelles exceptions au droit d’auteur dans l’Union européenne. Nous vous félicitons pour la modération dont vous avez fait preuve, eu égard aux positions du parti que vous représentez, dans l’élaboration de votre rapport sur l’harmonisation du droit d’auteur dans l’Union européenne. Mais nous ne pouvons admettre que les exceptions et aménagements prônés dans ce rapport soient promulgués sans que des contreparties équitables soient accordées à ceux qui auraient le plus directement à en pâtir : les créateurs.
Le S.E.L.F. n’est pas favorable à l’immobilisme. En France, il le prouve en prônant une réforme « gagnant gagnant » du système de protection sociale des artistes auteurs. Vis-à-vis de l’UE il entend pratiquer de même, pour peu que l’occasion lui en soit donnée et que s’engagent de véritables concertations entre les élus et responsables européens et les créateurs et organisations qui les représentent. Lire la suite…

TVA et livre numérique

transmis par Joëlle Wintrebert

Comme souvent, très intéressante analyse de Nicolas Gary sur le site ActuaLitté.
En résumé, pas de quoi s’affoler…
photographie, site UPBlisher
« Aujourd’hui, la Cour de Justice de l’Union européenne a répondu à une question posée par la Commission européenne, une question simple : la France est-elle en infraction, en regard de la directive 2006/112/CE sur la TVA, lorsqu’elle applique un taux réduit sur les livres numériques ? Si l’on lit l’annexe 2, difficile d’avoir le moindre doute. L’avis déclaratif de la Cour de Justice de l’Union européenne est tombé, mais il est loin d’être aussi désastreux qu’on le laisse entendre […] »
lire la suite de l’article ici

Illustration : site UPblisher

Appel à témoignage

Un appel relayé par la Société des Gens de Lettres, 27 Février 2015

Le 29 janvier, la SGDL, comme l’ensemble du CPE, réagissait à la publication du rapport de Julia Reda, eurodéputée en charge d’un bilan de l’application de la directive européenne sur les exceptions au droit d’auteur.
Lire le rapport
Dernièrement, Julia Reda en appelait, sur son blog, aux témoignages directs d’auteurs et de créateurs.
Le blog de Julia Reda

À l’heure d’une remise en cause du droit d’auteur, affichée et affirmée par les institutions européennes, les partisans du tout gratuit et les grands opérateurs de l’internet, et alors que nos revenus d’auteurs et de créateurs sont fragilisés par la multiplication des exceptions au droit d’auteur et le maintien d’une totale irresponsabilité des fournisseurs d’accès à l’Internet face au piratage des œuvres, il est important et urgent de faire entendre notre voix. Celle des auteurs sans lesquels il n’y aurait, faut-il encore le rappeler, aucune œuvre.
C’est pourquoi, la SGDL vous invite à répondre massivement à la sollicitation de Julia Reda. Soyons nombreux à lui adresser des témoignages d’une vie d’auteur au quotidien : l’occasion de rappeler à l’eurodéputée que le droit d’auteur et la juste rémunération des créateurs sont les meilleurs atouts d’une création libre et diversifiée.
Si véritablement, l’Europe se soucie des auteurs, il y a fort à faire pour les aider à lutter contre les clauses abusives dans les contrats d’édition, favoriser la transparence des comptes envoyés par les éditeurs, garantir une juste rémunération et un meilleur partage de la valeur notamment dans l’univers numérique et combattre efficacement le piratage de leurs œuvres.
Notre liberté de créateurs en dépend.