Bien après les jours et les saisons, d’Annick Dénoyel

Bien après les jours et les saisons, essai autobiographique, éditions DÉMO, janvier 2021

Mené comme une promenade sur des chemins tant physiques que psychiques, à la frontière de l’autobiographie et de l’essai, le texte se saisit de quelques souvenirs pour les mettre en lien et montrer, non démontrer, la formation d’une pensée, d’une identité.
Partant d’expériences simples comme regarder un paysage ou, de plus près, une nature morte, le récit remonte aux épreuves les plus intérieures, fondatrices et universelles : apprentissage de la lecture et de l’écriture, découverte de la folie et de l’amour…

Que ce soit en contrepoint ou à titre principal, l’art accompagne continument le sujet mettant en œuvre les forces constructives de la création tandis que la quête de sens, avec les forces morcelantes de l’analyse qu’elle nécessite, le déconstruit. Entre images et mots, une forme propre à contenir une pensée et par voie de conséquence une vie, s’élabore.
Il devient dès lors possible de faire retour au monde et marcher le long d’une voie de tramway pour rencontrer le réel sous la figure d’une fleur.

 

EXTRAIT

Qu’un enfant s’ennuie, et le voilà qui, tout en tripotant un objet, ce peut être n’importe quoi qui fasse support à sa réflexion, tente quelques mots puis, si tout se passe bien, si on ne l’interrompt pas, ébauche une petite histoire qui, au fur et à mesure de ses audaces, s’affermit, s’articule et se construit. Du désir prend forme. Il apprend à lire puis à dire dans son livre intérieur. Ça commence là, la lecture. En soi. Dès tout petit, mais on ne le sait pas. Bien sûr, officiellement, on dira que j’ai débuté l’apprentissage de la lecture et de l’écriture avec ma mère, à l’école maternelle, en moyenne section, selon la méthode globale toute fraîchement sortie des directives académiques. J’avais trouvé cela facile : à une chose correspondait un mot et il y avait beaucoup de choses, donc beaucoup de mots. Ces mots par ailleurs je les connaissais puisque je les utilisais souvent mais la nouveauté consistait en ce que je pouvais les voir. Chacun avait une mine bien particulière. Fait d’un petit ruban, court ou long, il courait à l’anglaise sur une ligne horizontale imaginaire, compact et cohésif, avec des points ou des accents qui le coiffaient joliment. Il affichait fièrement son nom au regard d’une image qui lui était associée. Il fallait juste que je me souvienne de ce à quoi il ressemblait ce que je n’avais aucun mal à faire. Mon prénom écrit, ma photo et moi en chair et en os, ça ne faisait qu’un. Du trois en un. Une trinité d’une logique imparable. Lire la suite…

Poèmes Passe-montagnes, de Jean Azarel

Poèmes Passe-montagnes, livre d’artiste (série limitée), réalisé en plomb mobile à l’aide de presses manuelles typographiques, éditions Les Monteils

 

Du Mont Lozère à Conques, des ruisseaux aux prairies d’altitude, au gré des éléments, le poète a écrit en liberté des pérégrinations poétiques illustrées par des gravures de Marc Granier.

 

Les bêtes à l’abri sont chocolatées d’un automne infini.
Parfois dans la lenteur d’ici qui respire entre deux phrases,
les regards se tournent vers le Mont
Il neige sur Finiels.

Les toits du Fel au loin étincellent. La route se tortille, creuse le schiste d’étreintes fiévreuses en chisteras volages. Vallées profondes émiettées de lumière. Sur les pentes, cerisiers blancs, aubépines et jonquilles coiffent la vigne d’un peine indécis.

 

 

Marc Granier est né en 1953 et vit dans les Cévennes gardoises à Roquedur où il a installé son atelier. Peintre et graveur, il expose dans de nombreuses galeries et fabrique des livres d’artistes avec des poètes quand les textes  « lui parlent ».

          

Errances ludiques, de Simone Salgas

Errances ludiques, pochette de 22 planches format 20×30, éditions Coffinières (Toulouse), mars 2021
Illustrations de Bénédicte Coffinières

Historiettes, contes, fabliaux ? Rien à voir avec le Divin marquis, mais tout cela à la fois : ici, l’imagination est au pouvoir. La “folle du logis” n’en fait qu’à sa tête. N’en fait qu’à leur tête, même, car elles s’y sont mis à deux : Bénédicte Coffinières pour les images, Simone Salgas pour les textes. Avec la complicité d’Hubert Beauchamp en metteur en scène pour habiller l’ensemble… Une errance ludique réjouissante et poétique.

 

Simone parle de Bénédicte : « elle pose devant moi un tas de photos. Elle les a prises à la Vieille-Nouvelle (…)
Elle explique : je les colorie
Directement, ce verbe “colorier” ramène à l’enfance, crayons étalés sur la table, espaces dessinés, rouge, vert, jaune, la rage quand la main maladroite dépasse la ligne…
Elle prend une photo, au hasard. Un arbre règne sur la surface : je colorie avec des feutres.
Elle a colorié la photo. Un poteau rose, quelques fleurs vertes. Le bel arbre disparaît.
Elle dit : je m’amuse, c’est un délice. Le coloriage détourne le regard. Ce sont des moments jubilatoires. (…) À chacun son chemin. Prenons le temps. Divaguons en poésie avec elle ! 

 

(les images de Bénédicte Coffinières ont été réalisées à Roquefort-des-Corbières sur des papiers lignés et jaunis appartenant à sa grand-mère.)

 

    

Entre le Zéro et le Un, de Gérard Zuchetto

Entre le Zéro et le Un, poésie occitane, collection Votz de Trobar n° 28, éditions Troba Vox, mars 2021

 « Dans ce second volume d’œuvres poétiques, Gerard Zuchetto explore les chemins de la vie et observe de l’intérieur les chemins de l’âme humaine. Les deux chemins s’y poussent, s’y bousculent, s’y fuient, s’y lient et s’entremêlent, selon l’élan des mots qui ont leur sagesse, reflétant l’anti-hasard duquel René Nelli chanta l’évidence discrète.
L’auteur s’engage dans les pas de Raimbaut d’Aurenga, se jouant de ces mots-mêmes qui se jouent de nous, avec la clarté dans ce qu’il y a de plus clos et mystère dans ce qu’il y a de plus clair, selon un gré poétique franc et limpide. Poèmes de maturité et de jeunesse tenace s’y enchaînent harmonieusement, pour le plus grand plaisir du lecteur. »
(Franc Bardou)

 

Entre le Zéro et le Un
je me suis perdu à te chercher
dans l’univers
de ma folie
et pour l’amour d’un tourbillon.

 

Dans les mots du Trobar, de Gérard Zuchetto

Dans les mots du Trobar, poésie occitane, collection Votz de Trobar n° 31, éditions Troba Vox, mars 2021

La poésie des troubadours est un jardin ouvert où l’on cultive l’excellence, l’art de trobar dans toute sa splendeur, le chant, la joie, la jeunesse, les dames, le plaisir de trouver, et celui de chanter et de courtiser… pour que l’amour ne décline pas.

Gérard Zuchetto nous entraîne dans les méandres de l’élaboration d’un art raffiné dont les chansons abordent les thèmes essentiels d’un mouvement culturel qui, aux XIIe – XIIIe siècles, plonge ses racines dans le monde du sentiment… une façon d’élever l’homme du Moyen Âge vers son avenir.

 

 

D’amor es totz mos cossirier
per qu’ieu no consir mas d’amor…
que d’amor mou qui qu’o dia
so que val mais a foudat e a sen
e tot quant om fai per amor es gen.

D’amour est toute ma pensée
car que je ne me soucie que d’amour…
car, c’est d’amour, quoi qu’on dise que s’élève
ce qui a le plus de valeur dans la folie et dans la sagesse
et tout ce que l’on fait par amour est noble.

 

Cantique de Pierre Ech-Ardour

Cantique, recueil de poésie, Ségust Editions, mars 2021
Illustrations : encres de Chantal Giraud Cauchy

 

Sollicité par l’éditeur en quête d’un recueil « solaire », le projet d’écriture devait défier la morosité générée par la difficile période sanitaire traversée et offrir en lecture un petit ouvrage de poèmes d’amour, enluminé d’œuvres lumineuses, propice à remonter le moral.

Si le « Cantique des Cantiques » a inspiré l’écriture de la poésie du recueil, Abishag la Sulamite chemine ici par de cosmologiques poèmes jusqu’à l’acmé de sa féminité.

Chantal Giraud Cauchy a créé pour ce recueil de flamboyantes enluminures encrées.

 

 

 

Verte sera la Chine, de Danielle Ferré

Verte sera la Chine, roman, éditions Librinova, 2021


Marion Vonnac est écologue. Lorsque son frère, expatrié en Chine, lui demande de sauver un « trésor inestimable » en aidant trois étudiantes à transformer un vieux quartier de Shanghai en écoquartier, elle n’hésite pas. Pour l’Agència, son entreprise, c’est une opportunité.
Mais ce Plan-Shanghai provoque la colère de la Triade, la mafia chinoise…

Un roman intense et inclassable pour voir la Chine autrement.

 

 

EXTRAIT
Où l’on entend le Chien de Terre pousser son premier jappement

Jeudi 15 février. Shanghai, sur la terrasse du 701

Demain, les Shanghaiens iront par milliers faire résonner la cloche du Temple Longhua. Mais pour la soirée du Nouvel An, la plupart d’entre eux – à l’instar de huit cent millions de leurs compatriotes – dînent en famille au son des facéties de CCTV.

Pour autant le Bund est loin d’être désert. Des touristes asiatiques et occidentaux, et aussi des « sans attaches », s’y pressent. Les pétards et les feux d’artifice sont interdits pour cause de pollution, mais les lasers et les publicités sur écrans géants font scintiller le fleuve. Publicités en mandarin ou en anglais, qui rivalisent de rouge pour promouvoir : « voitures pour la campagne », « yaourts amaigrissants », « crèmes pour garder la peau blanche », vrai ou faux « vin château français » … Lire la suite…

Webinaire SCAM SGDL, 9 mars 2021

article publié sur Livres Hebdo, 9 mars 2021

La relation entre auteurs et éditeurs se détériore

Les tensions s’accentuent entre auteurs et éditeurs. Près d’un tiers (31%) des écrivains rapportent entretenir des relations non satisfaisantes, voire conflictuelles, avec leurs éditeurs, selon le 8e baromètre de la Société civile des auteurs multimédias (Scam), élaboré avec le concours de la Société des gens de lettres (SGDL) et publié le 9 mars. Ce taux d’insatisfaction est en hausse de 7 points par rapport à 2018.
Le document, basé sur les réponses de 1086 auteurs à un questionnaire en ligne, dresse un état des lieux détaillé de la situation de la profession et du rapport contractuel et financier qui lie ses membres aux éditeurs. Un auteur interrogé sur trois (32%, en hausse de 3 points par rapport à 2018)  estime que ce lien s’est globalement détérioré au cours des trois dernières années, quand un sur dix pense le contraire.
Dans le détail, les auteurs jugent plus sévèrement le travail fourni par l’éditeur en aval de la production du livre. La diffusion, la reddition des comptes et la promotion sont les tâches les moins bien notées par les sondés. Cette dernière cristallise le plus l’insatisfaction des auteurs : 47% d’entre eux estiment que la mise en avant de leurs livres est principalement le fruit de leur propre travail sur les réseaux sociaux. La note moyenne de satisfaction sur toutes les tâches accomplies par l’éditeur est de 6 sur 10.

Des rémunérations disparates

La majorité des répondants (52%) déclarent que leur situation financière tend à se détériorer, malgré une hausse du taux de rémunération moyen de droits d’auteur par rapport à 2018, à 8,2% pour l’exploitation papier. Ce taux global cache toutefois des disparités assez radicales selon le genre de l’ouvrage. Lire la suite…

Meurtres à Bayonne – Le crabe aux pinces bleues, de Pierre-Jean Brassac

Meurtres à Bayonne – Le crabe aux pinces bleues, roman noir, éditions Le Geste Noir, mars 2021

Marina Samoïlova, jeune lieutenante de police à Bayonne, se voit chargée d’une affaire aussi embarrassante que cruelle.
Deux élèves d’un institut médico-pédagogique des environs de Bayonne sont retrouvés sans vie sur la plage, tandis qu’un troisième a disparu de l’établissement.
Assistée d’un stagiaire atypique, elle mène son enquête dans la limite des faibles moyens dont elle dispose pour faire éclater la vérité.
La multiplicité des protagonistes, l’incite à faire davantage confiance à son intuition qu’aux « évidences » sur lesquelles on tente d’attirer son attention. Elle s’exerce comme nulle autre à entrer dans la tête des suspects.
Le fil conducteur de la tradition chocolatière de la ville guide son cheminement à travers certains réseaux interlopes. Elle devra mettre, dans la balance de la Justice, sa propre existence de policière qui doute.

chez l’éditeur Le Geste Noir

EXTRAIT

En ce matin d’hiver, ce n’est pas le disque pâle, fixé à l’encoignure du ciel bas qui rendra à l’air sa légèreté. Jeté sur les élèves disséminés entre les bâtiments épars, le jour naissant aplatit toute forme sous un drap trempé de grise clarté.

Deux post-ados sont assis sur les marches de pierre du grand escalier, devant l’Institut Médico-Pédagogique Peraspéra. L’un blond, aux épaules larges, répond au patronyme de Friedlander et se prénomme Thomas. On le surnomme Boboche. L’autre, au teint cuivré, est connu ici sous le diminutif de Moumou. Son nom ? Mouloud Moumen.

— J’avais dit à ma vieille que j’aurais des meilleures notes au second trimestre… Ben, ça va pas le faire. J’ai plus qu’à entrer en apprentissage. Faudra bien que j’ramène un peu de thunes à la maison… Elle y arrive pas toute seule.
— Elle fait quoi, ta mère, Boboche ?
— Elle vend des chouchous sur la plage, mais pas en cette saison, tu t’en doutes… — Ça évidemment !
— Alors on rame. On tire le diable par la queue, qu’elle dit. Toi, Moumou, t’as pas à te plaindre, y a du fric chez toi.
— Pas tant que ça. Mais quand même ça va. Sauf que si j’veux un scooter ou un voyage en Algérie pour aller voir mon oncle, ils me disent qu’il faut qu’je bosse pendant les vacances, que j’aide mon père sur les marchés… Hè, Boboche, si on y allait ?
— Dacodac !

Les deux ados quittent les marches du perron où ils s’étaient assis pour bavarder entre le cours de chimie et les deux heures de français. Mouloud Moumen, dit Moumou, aura bientôt dix-sept ans. Il en paraît cinq de plus. Ses grands yeux sombres trahissent un certain dédain ou une lassitude chronique : on ne saurait dire. Mouloud est entré à l’Institut Médico-éducatif (IME) Peraspéra suite à divers faits de délinquance, tels que siphonnage de carburant, vol de voiture et conduite sans permis avec récidive. Élève de 3e horticole, il est le fils d’un marchand de légumes. Quant à Thomas Friedlander, dit Boboche, il n’a que quinze ans. Il est doué d’une audace et d’une agilité verbale qui suscitent l’admiration silencieuse de la plupart de ses camarades. Il est orphelin de père. Issu d’un foyer familial privé de moyens, il est régulièrement accusé depuis l’âge de treize ans de pratiquer le chantage et l’extorsion, ce qui explique sa présence à l’IME Peraspéra.

Pas tout à fait la nef des fous, ouvrage collectif avec Anne-Marie Jeanjean

Pas tout à fait la nef des fous, Cadavre exquis démasqué, poésie, ouvrage collectif, éditions L’Harmattan, collection Levée d’ancre, octobre 2020
Préface de Michel Cassir / 4ème de couverure de Christian Cavaillé
Illustrations : Ahmed Ben Dhiab, Nadim Cassir, Saad Ghosn, Houda Kassatly, José Angel Leyva, Myrta Sessarego

Présentation : Douze auteurs pour un véritable cadavre exquis en trois temps sur l’invitation de Michel Cassir pour « non pas un journal de confinement, la subversion de l’idée même de confinement. Creuser ainsi dans le subconscient collectif une forme d’émancipation ».

 

Poètes participants : Ahmed Ben Dhiab, Antoine Boulad, Michel Cassir, Tristan Cassir, Pauline Catherinot, Christian Cavaillé, Anne-Marie Jeanjean, Claire Lajus, Catherine Lechner-Reydellet, José Angel Leyva, Philippe Raybaud, Antoine Simon.