Maguelone, de Danielle Helme

Maguelone, poésie, éditions Encres Vives, 2025
Photographie de couverture Danielle Helme

Depuis ce même étonnement de retrouver Maguelone, Danielle Helme regarde irrésistiblement : l’îlot immuable, sa cathédrale romane quand ruisselle de clarté immense l’étang du Prévot, ses colonies de flamants roses. On pense brusquement aux processions d’évêques, de chanoines, du groupe épiscopal médiéval, et des suites de compagnons pêcheurs ou de vignerons de notre époque. Observer la mer avec ses attitudes humaines de colère, de vague à l’âme, de calme, au rythme de l’action des flots qui résonnent et raisonnent dans l’esprit humain. Un vignoble ancestral, la steppe saline véritable miracle d’humilité.

EXTRAIT
L’étang du Prévôt

Dans un temps sans impatience ni mémoire

L’image du ciel, de ses nuages se transfère en lui l’étang, son aspect dans le miroir se projette en lui, le ciel, jusqu’à l’indistinction du sujet et de son image

L’image commune n’affleure que dans l’état des eaux étales

 Il s’agit d’une surréalité dans la réalité : ciel, nuages, soleil, plus ciel virtuel s’emparent totalement de l’étang.

Un grand cormoran noir sur ses échasses capte sa prestance dans l’eau dormante, miroir fidèle, non déformant

Subjugué par l’emprise de la figure mirifique

Sa physionomie reflétée l’immobilise dans son ombre pour ce rendez-vous incontournable

Condamné à la façon de Narcisse, à la contemplation de sa propre image reflétée, dans une source du mont Hélicon. Plus il se regardait, plus il était amoureux de lui-même, ainsi passait ses journées, les mois, les années.

Au bout de l’étang un groupe de flamants rose bec dans l’eau, sans souci de miroir, seulement insatiables d’une nourriture microscopique, plus ils mangent, plus s’écoule leur cours du temps

Tenace les flamants roses sont-ils déçus de cette quête obsédante, de ce besoin sans répit, pour une maigre pitance ?

Une variante du roi Tantale affligé d’une faim et d’une soif éternelles, mais il ne pouvait jamais atteindre l’eau pour étancher sa soif, et chaque fois qu’il essayait de cueillir un fruit, la branche s’éloignait de lui.

Un vol rassemblé de flamants roses survole et je suis leurs lents battements d’ailes jusqu’à ce qu’ils disparaissent sur le scintillement bleu-vert de l’étang de Pierre-Blanche, au-delà du trait ourlé du canal calme.

Près de l’étroit cordon dunaire, ces canards, à fleur de rive, pataugent dans les algues de l’étang, si près

Du chemin de ronde du toit forteresse de la cathédrale, il y a ceux qui ont chassé jadis le canard, muni de sarbacane, il y en avait tant

Et ceux qui après la révolution, Maguelone vendue comme bien national, les pêcheurs d’étang, nouveaux citoyens des lieux les tiraient au fusil, parfois acharnés vis-à-vis des roselières, ou en plein ciel : Tadornes de Belon, Colvert, Sarcelle, Foulque.

Tandis que je croise un groupe de pêcheurs des compagnons de Maguelone installés à bord de leur barque à fond plat

Ils calent des filets pour récolter des poissons de l’étang : loups, soles, dorades

On en mange à leur terrasse, tout contre les vignes, accompagné d’un Insula rosé. On est soudain propulsé dans l’ailleurs de l’air du grand large, et le bleu plus vaste, plus profond.

À proximité de la berge, un héron cendré fidèle à son nid engloutit un poisson, sans se préoccuper de l’aspect dédoublé du ciel qui semble se rendre invisible.

Sur un îlot isolé un couple d’aigrettes à gorge blanche fasciné par l’image commune étang plus ciel virtuel

Pareil au potentiel de l’inconscient qui se reflète dans la mémoire, jusqu’à l’indistinction de l’un et de l’autre

L’image commune affleure, sans cesse à la merci de l’état de béatitude, d’une conscience étale qui réfléchit.

Chiméries, de Stéphane Amiot

Chimèries, poésie, éditions Unicité, 2e trimestre 2025
Préface de Pierre-Jean Brassac / photographies Emmanuel Teeles

Ce recueil rassemble des textes en prose poétique écrits entre 2016 et 2024 et explore des thèmes variés tels que l’itinérance, la mémoire, la nature et les transformations urbaines. Il s’inscrit dans une continuité poétique marquée par les influences littéraires de Lautréamont, Borges et Bashô.

FRAGMENTS

Quartier de Saint-Cyprien.
Hôpital de la Grave.

Les monstres s’accumulaient contre les ponts, colonisant les arches, happant les lampadaires comme des lucioles de printemps.
Les berges suintaient de leurs mues huileuses où se noyaient les enfants du soir.
On s’enferma dans les palais surplombant la Garonne. Sur les terrasses aériennes on dînait aux spasmes du fleuve qu’épousaient d’immenses siréniens de glace carénés de moraines. On ne vit pas les marelles s’enfoncer dans la vase ni les cours endormir les derniers cris d’école.
Les rires capitulèrent, les quais pourrissaient comme des figues, les digues se faisaient l’écho d’avalanches.
Le Dôme de la Grave disparut un matin.
Au crépuscule, des fêtards caressaient encore son sein rose.
Les rues amphibies glissèrent leurs pavés dans les limons rouges de la mangrove des Filtres.

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Être en Poésie (6), de François Szabó

illustration : Monique Ariello Laugier

Vivre et écrire ce n’est pas donner des leçons, juste montrer la voie. Lorsque le sens est conforme à l’existence, alors tout va de soi, ce réalise inéluctablement. Un juste retour des choses, une adéquation entre fidélité et imagination, amour et création. Ce qui importe, c’est s’affirmer soi-même comme entité non destructible, c’est faire perdurer l’œuvre comme témoignage unique de réalités inaliénables. Ainsi la ferveur trouve son sens, ainsi la vérité, tendre vérité gagne.

Écrire c’est bâtir, écrire c’est œuvrer à cette chère humanité, écrire c’est aimer et tenter de célébrer ce qui demeure le plus cher : être poète c’est exister dans les occurrences les plus diverses, être en poésie, c’est le savoir et garder cet ardent astre en nous.

Vivre et écrire ce n’est pas donner des leçons, juste montrer la voie. Lorsque le sens est conforme à l’existence, alors tout va de soi, ce réalise inéluctablement. Un juste retour des choses, une adéquation entre fidélité et imagination, amour et création. Ce qui importe, c’est s’affirmer soi-même comme entité non destructible, c’est faire perdurer l’œuvre comme témoignage unique de réalités inaliénables. Ainsi la ferveur trouve son sens, ainsi la vérité, tendre vérité gagne.

Écrire c’est bâtir, écrire c’est œuvrer à cette chère humanité, écrire c’est aimer et tenter de célébrer ce qui demeure le plus cher : être poète c’est exister dans les occurrences les plus diverses, être en poésie, c’est le savoir et garder cet ardent astre en nous.

Le Bestiaire de Janine Teisson | lecture en solo | 10 octobre 2025 au Gazette Café, Montpellier

INTERVENANTE : Janine Teisson, autrice

Janine Teisson lira des passages sur le thème des animaux : chevaux, chats, sauterelles, poissons, choisis dans ses nombreux ouvrages Martienne ? et La petite cinglée, Le règne animal, l’enfant plume, Thalasso crime etc…

Le vieux qui construisait son château, de Marie-Hélène Lafond

Le vieux qui construisait son château, roman jeunesse, éditions Bougainvillier, septembre 2025
Illustrations Laura Soprano

Dans son nouveau lycée, Max a du mal à se faire des amis. Aussi quand, Diego lui propose de rentrer à pied plutôt que de prendre le car après les cours, il n’ose pas dire non.

Sur le chemin, les adolescents passent devant le terrain d’Albert, un vieil homme solitaire. Aussitôt Diego l’apostrophe et l’injurie. Max est choqué !
Le garçon ne peut s’empêcher de revenir plus tard pour en savoir plus. Il apprend alors qu’Albert est en train de… se construire un château ! Max décide lui prêter main forte et entraîne son meilleur copain, Dgibril, dans cette étonnante « mission ».

Au fil des jours, Albert et l’adolescent deviennent amis. Jusqu’au jour où Albert se fait agresser et voit son château en chantier en partie détruit…

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1,5 milliards de dollars pour compenser le piratage !

un article de Nicolas Gary, 6/09/2025, site ActuaLitté

illustration site ActuaLitté

Véritable tournant dans le bras de fer juridique entre  les créateurs de contenus et les entreprises d’IA. L’affaire fait figure d’exemple pour une industrie technologique habituée à puiser dans les données en ligne sans toujours se soucier des droits — une habitude qui, cette fois, présente une facture salée et retentissante.

Le conflit prend racine dans une pratique pour le moins controversée d’Anthropic. La jeune pousse californienne, fondée par d’anciens d’OpenAI, a admis avoir collecté un véritable trésor de guerre de textes piratés sur internet afin d’entraîner ses modèles d’IA. En tout, plus de 7 millions de livres numérisés issus de bibliothèques pirates ont été aspirés par Anthropic, sans autorisation ni rémunération des ayants droit.

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une proposition de Joëlle Wintrebert

Être en Poésie (5), de François Szabó

Passiflore avec feuilles et colonne dans l’œuvre d’art (The New York Public Library) – sur Unplash

Être en Poésie c’est la quintessence de l’existence, c’est être au-delà du concept, c’est formuler la cible de toute espérance, c’est œuvrer à l’Humanité, c’est acte de réconciliation au monde, c’est l’effervescence de l’imagination, c’est la valeur du dit et de l’évoqué.

La Poésie est une expérience toujours inédite et irréductible, c’est cette vie transcendée dans une valeur inégalée, c’est le choix de la tendre et nuancée couleur.

Avant tout, la Poésie est une pratique, c’est un questionnement au mitan des mots, voies empierrées qui ne mènent qu’à la connaissance de soi et de l’univers : Toutes les routes mènent à l’amour.

L’Égarement, ce serait ne pas s’y fier, douter même de l’amour, n’y pas accorder assez d’importance alors que seul importe pourtant cela.

Enfin, la Poésie, c’est un renouvellement permanent, c’est l’invention réitérée, c’est être passiflore à tout jamais.

Et même un jardin clos recèle toujours bien des surprises, c’est le lieu de la révélation et de l’accomplissement. Aussi, la délicate tendresse seule est couronnée de succès.

Être en Poésie (4), par François Szabó

Être en Poésie, c’est aussi rester curieux, ne jamais cesser d’apprendre, savoir s’émerveiller de ce qui se doit. C’est décliner la vie et la littérature dans sa diversité et ses nuances, c’est beaucoup de finesse et d’empathie, c’est une tendresse totale, offerte au monde.

Pratiquer la Poésie c’est aussi d’abord lire constamment, ne pas craindre l’altérité, trouver la réalité parfois cachée, c’est aussi un idéal affirmé.

Ce qu’il y a de vrai en Poésie c’est que cela demeure l’ultime objectivité, cette réalité surgie de la blessure du réel, une vraie trajectoire inéluctable où s’est forgé le vers.

Ne jamais remettre à demain, cette injonction à vivre et à agir, ces deux verbes qui ont tout leur sens dans le courant de l’existence.

Là où la parole jamais ne s’achève, tel est le lieu du poème, incandescent et ne cessant jamais de vibrer.

Vie et Poésie sont deux visages de l’existence, qui ne se tournent pas le dos, qui sont intrinsèquement liés à jamais dans l’absolu du temps, dans un même élan, dans une même acceptation, une seule issue tendue vers l’avenir.

C’est également un amour infini, inextinguible, c’est être en mouvement inlassablement, un être dirigé vers cet absolu, qui est la plus belle réalité qui soit.

Seul un anneau d’or peut couronner ce propos.

Illustration : Monique Ariello Laugier, couverture de l’ouvrage « Là où rien ne s’achève »

Auteurs et IA | juillet & août 2025

Plusieurs articles récents à découvrir sur ActuaLItté

IA : un écrivain canadien poursuit les géants du numérique de Ugo Loumé, 05/08/2025

Ha ha, nos livres ne seraient constitués que « de faits et d’idées non protégées ».
Pauvres de nous : ben oui, aucune compétence de lecture ni même compréhension de nos intrigues ne sont requises pour entraîner les machines. 
Et les entreprises de plaider « l’usage équitable » (fair use) pour botter en touche. Cela dit, des procès sont en cours. Il sera intéressant de voir comment ils aboutissent.
Les IA gavées de livres piratées : faut bien les nourrir enfin !
de Nicolas Gary, 18/08/2025

Et la conséquence !! les vrais faux livres…
Quand l’IA devient écrivain, le cauchemar des auteurs a pris vie de Clément Solym, le 22/07/2025

Image: Pixabay/PIRO4D

une sélection de Joëlle Wintrebert

Continuité de revenu pour les artistes auteurs ?

un article d’Antoine Oury sur le site ActuaLitté, 28/07/2025

On peut douter très fort de l’aboutissement de ces propositions, mais au moins, il y a proposition, désormais.

« Le 19 juin dernier, de premières auditions ont eu lieu dans le cadre de la mission flash commune sur la mise en place d’une continuité de revenu pour les artistes-auteurs, lancée quelques jours plus tôt par deux commissions de l’Assemblée nationale. »

Lire la suite ici L’Assemblée nationale planche sur la continuité de revenus des auteurs

une communication de Joëlle Wintrebert

La Villa Annie Ernaux, nouvelle résidence d’écriture en Turquie | juillet 2025

un article sur ActuaLitté, le 24/07/2025

Intégrée aux actions de l’IFT, la Villa Annie Ernaux a vocation à accueillir chaque année trois écrivains pour des résidences d’une durée maximale de huit semaines. Ce programme s’inscrit dans la continuité de l’engagement de l’Institut français en faveur de l’écriture, de la lecture, de la traduction et de l’édition, en lien avec ses partenaires locaux et son Prix de la Traduction.

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une communication de Florence Ludi