Échec des éditions Black-e-book

ÉAndré Gardies nous écrit :

J’ai reçu aujourd’hui le courrier ci-dessous que m’a adressé Anne Humbert des éditions numériques Black-ebook. Elle écrit à tous ses auteurs pour leur annoncer sa décision de mettre un terme aux activités de cette maison. Elle nous en donne les raisons et je pense qu’elles sont suffisamment éclairantes sur la situation de l’édition numérique pour que je communique cette lettre. Je le fais naturellement avec l’autorisation de Anne Humbert. Ce témoignage sur l’échec d’une expérience éditoriale faite d’honnêteté et d’exigence me paraît important.
Juste un rappel : Black-ebook faisait un véritable travail d’édition, en sélectionnant ses manuscrits, en veillant aux corrections, au règlement des droits d’auteur, en proposant un contrat clair et juridiquement correct.

site Black Ebook

Voici la lettre d’Anne Humbert.

« Chers auteurs bonjour,

Nous avons longtemps réfléchi sur ce que nous pouvions faire comme constat sur ces trois années de travail acharné sur Black-Ebook et ¬— disons-le à présent — sur French-Ebook…
Nous avons retourné le problème sous tous les sens afin de trouver un moyen de nous rendre optimistes afin de réinjecter de la trésorerie dans notre petite start-up, mais malheureusement, inutile de tourner autour du pot, nous n’avons pas trouvé de solution qui nous paraît acceptable. Black-Ebook n’est pas rentable…
Et voici pourquoi, nous avons décidé son arrêt définitif.

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Action du S.E.L.F. pour le droit d'auteur en suspens

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Illustration : Drew Coffman, CC BY 2.0

L’eurodéputée Julia Reda, dont on a beaucoup parlé ces temps-ci à la suite de son rapport préconisant de nouvelles exceptions européennes au droit d’auteur (lire ici), rapport que certains trouvaient relativement mesuré eu égard à l’appartenance de la dame au parti pirate quand d’autres (majoritairement les sociétés d’auteur, évidemment) criaient « au loup! » avait fini par solliciter directement l’opinion des créateurs : quelle-est-votre-opinion.
Nos amis du S.E.L.F. l’ont prise au mot et lui ont envoyé la lettre qui suit, que l’on peut également lire sur le site du syndicat ou sur ActuaLitté qui l’a relayée.

« Madame la députée,
Le Syndicat des Écrivains de Langue Française (S.E.L.F.) vous sait gré de la demande que vous avez faite aux auteurs de réagir à vos propositions concernant l’établissement de nouvelles exceptions au droit d’auteur dans l’Union européenne. Nous vous félicitons pour la modération dont vous avez fait preuve, eu égard aux positions du parti que vous représentez, dans l’élaboration de votre rapport sur l’harmonisation du droit d’auteur dans l’Union européenne. Mais nous ne pouvons admettre que les exceptions et aménagements prônés dans ce rapport soient promulgués sans que des contreparties équitables soient accordées à ceux qui auraient le plus directement à en pâtir : les créateurs.
Le S.E.L.F. n’est pas favorable à l’immobilisme. En France, il le prouve en prônant une réforme « gagnant gagnant » du système de protection sociale des artistes auteurs. Vis-à-vis de l’UE il entend pratiquer de même, pour peu que l’occasion lui en soit donnée et que s’engagent de véritables concertations entre les élus et responsables européens et les créateurs et organisations qui les représentent. Lire la suite…

TVA et livre numérique

transmis par Joëlle Wintrebert

Comme souvent, très intéressante analyse de Nicolas Gary sur le site ActuaLitté.
En résumé, pas de quoi s’affoler…
photographie, site UPBlisher
« Aujourd’hui, la Cour de Justice de l’Union européenne a répondu à une question posée par la Commission européenne, une question simple : la France est-elle en infraction, en regard de la directive 2006/112/CE sur la TVA, lorsqu’elle applique un taux réduit sur les livres numériques ? Si l’on lit l’annexe 2, difficile d’avoir le moindre doute. L’avis déclaratif de la Cour de Justice de l’Union européenne est tombé, mais il est loin d’être aussi désastreux qu’on le laisse entendre […] »
lire la suite de l’article ici

Illustration : site UPblisher

Appel à témoignage

Un appel relayé par la Société des Gens de Lettres, 27 Février 2015

Le 29 janvier, la SGDL, comme l’ensemble du CPE, réagissait à la publication du rapport de Julia Reda, eurodéputée en charge d’un bilan de l’application de la directive européenne sur les exceptions au droit d’auteur.
Lire le rapport
Dernièrement, Julia Reda en appelait, sur son blog, aux témoignages directs d’auteurs et de créateurs.
Le blog de Julia Reda

À l’heure d’une remise en cause du droit d’auteur, affichée et affirmée par les institutions européennes, les partisans du tout gratuit et les grands opérateurs de l’internet, et alors que nos revenus d’auteurs et de créateurs sont fragilisés par la multiplication des exceptions au droit d’auteur et le maintien d’une totale irresponsabilité des fournisseurs d’accès à l’Internet face au piratage des œuvres, il est important et urgent de faire entendre notre voix. Celle des auteurs sans lesquels il n’y aurait, faut-il encore le rappeler, aucune œuvre.
C’est pourquoi, la SGDL vous invite à répondre massivement à la sollicitation de Julia Reda. Soyons nombreux à lui adresser des témoignages d’une vie d’auteur au quotidien : l’occasion de rappeler à l’eurodéputée que le droit d’auteur et la juste rémunération des créateurs sont les meilleurs atouts d’une création libre et diversifiée.
Si véritablement, l’Europe se soucie des auteurs, il y a fort à faire pour les aider à lutter contre les clauses abusives dans les contrats d’édition, favoriser la transparence des comptes envoyés par les éditeurs, garantir une juste rémunération et un meilleur partage de la valeur notamment dans l’univers numérique et combattre efficacement le piratage de leurs œuvres.
Notre liberté de créateurs en dépend.

Je crée, tu crées, il crée, nous crayons, vous créez, ils crient, de Guth Joly

dessin de Guth Joly

On a avancé par rapport à la société du XIX°, par rapport au XX° dans un certain nombre de pays et on va continuer d’avancer parce qu’il y a trop de gens qui meurent pour que cela dure. On ira sûrement au ralenti, l’important est qu’on ne recule pas. C’est long mais qui pourrait accepter cette image que j’ai trouvée en ouvrant Yahoo ce matin d’un enfant de dix ans tuant deux russes? Est-ce qu’on va accepter la jeunesse jihadiste comme on a accepté la jeunesse hitlérienne? On est mieux informés non ? et… impuissants, je l’accorde, et empêtrés dans des solutions sans financement (je pense à des psy à l’école, des professeurs d’histoire pour y voir clair, des ateliers artistiques et autres cellules de réflexion et de création).

Je sais que la haine attise la haine et qu’on n’est pas à l’abri. Ce qui est pire, c’est la masse inerte, énorme, des peureux qui n’osent rien dire et qui est la matière première des dictatures. Aujourd’hui, on connait bien les conséquences de cette inertie, de ces lâchetés, l’histoire nous les a apprises. Je sais que certains vont répliquer et que la connerie œil pour œil, dent pour dent, va fleurir. Mais on sait aussi plus qu’avant quelles conséquences elles auraient. Je ne pense pas qu’on va partir comme en quatorze la fleur au fusil. Cela va concerner une poignée.
L’important c’est ceux que ça a réveillés. Lire la suite…

Hommage, de Claude Ecken

montage photo de Claude Ecken

Le choc, les larmes, la colère.
Ensuite les réactions, les questions, les débats. L’ensemble des problèmes de nos sociétés déboule sur la scène, sans nous laisser le temps de faire notre deuil.
L’équipe de Charlie Hebdo a aussi dû essuyer les hommages collatéraux.
Elle ne saurait se reconnaître dans toutes les initiatives ni approuver l’ensemble des discours faits en leur nom.
Il est probable aussi que des soutiens ralliés sous la bannière de Charlie hebdo fronceront le nez en ouvrant le journal pour la première fois, après la tragédie. Ils n’y verront pourtant que le témoignage de la plus libre expression, sans égards ni compromis envers quiconque ni quelque idéologie que ce soit, sans agressivité non plus, sans règlement de comptes, faut-il le rappeler ? quand bien même se sentent agressés ceux qui s’y trouvent raillés. Mais allez expliquer cela à ceux qui prennent la mouche, campés sur des certitudes, bardés de convictions dont ils entendent que tout le monde les partage.

C’est en cela que ces dessinateurs et ces chroniqueurs sont salutaires et qu’il faut leur dire merci ! Merci d’être là depuis si longtemps !
Merci de défendre nos libertés ! Il y a quelque ironie à considérer que, sans l’attentat, Charlie Hebdo se serait éteint dans l’indifférence et l’anonymat, faute de finances et de lecteurs suffisants. Pire encore : qu’un journal satirique soit devenu l’emblème de la nation ressemblerait presque à une farce drolatique si les circonstances n’avaient été aussi tragiques.
C’est la raison pour laquelle aussi il convient de le défendre quelles que soient nos idées, car s’il ne les incarne pas toutes, il contribue à les rendre toutes possibles.
Ne céder sur rien, c’est ce que les auteurs de Charlie Hebdo ont toujours prôné, à leur façon iconoclaste, provocatrice, forcément dérangeante. Résolument potache, avec ce qu’il faut de vulgarité pour interpeller. Parce que l’outrance et le mauvais goût font parfois plus pour éveiller les consciences que les arguments bien léchés de la pensée de salon n’ébranlent les certitudes. Lire la suite…

Réflexion, de Michel Théron

Laïcité, de Michel Théron

Face aux horribles assassinats qui viennent de se produire, le premier mouvement a été la stupeur, la sidération. Le deuxième, la compassion, l’empathie, toutes marques d’émotion. Ces réactions-réflexes sont inévitables, et évidemment je les ai eues moi-même. Mais ensuite doit venir, et de cela je voudrais bien être sûr, sans en être pour autant persuadé, le moment de la réflexion.

Il est évident que le terrorisme s’est installé sur le chaos qu’ont créé les interventions impérialistes des puissances occidentales dans des pays qu’elles connaissaient très mal. Le prétexte a été l’instauration chez ces pays d’une démocratie, mais on n’a pas assez réfléchi qu’on n’y vient pas en un clin d’œil, en partant d’un régime tyrannique. Chez nous même, la démocratie s’est installée lentement, et au prix de beaucoup d’épreuves et de souffrances. À tout le moins, l’Occident s’est montré extrêmement léger dans son analyse, si du moins analyse de ce type il y a eu, car je pense qu’on s’en est tenu à la politique, bien banale de la part de pays anciennement colonisateurs, de la canonnière. L’enjeu bien sûr était bien moins noble que celui de la démocratie : l’intérêt économique des pays intervenants, le pétrole au Moyen-Orient, les richesses minières du Mali. L’indignation actuelle de beaucoup de dirigeants qui ont défilé pour la « liberté d’expression » n’est que de la tartuferie.

En second lieu, puisqu’on situe les attentats actuels par rapport au fait religieux, je pense qu’on ne défendra jamais assez et dans tous les cas la laïcité, qui fait relever la religion de l’espace privé et de celui du culte, et qui la prohibe radicalement de l’espace public. Il ne faut pas transiger là-dessus, et ceux qui sont pour une « laïcité positive », c’est-à dire plus ou moins tolérante quant aux intrusions religieuses dans l’espace public, ne savent pas à quoi ils s’exposent. Aussi, lors des défilés de protestation, j’aurais bien aimé qu’au lieu du compassionnel « Je suis Charlie ! », répété comme un mantra mais qui ne dépasse pas le stade de l’émotion, on ait vu ou entendu : « Pour la laïcité ! ». Mais il est vrai que cela eût demandé plus de réflexion !

Illustration : Montage de Michel Théron

Ce texte paraît également dans la rubrique habituelle de Michel Théron  (À contre-courant) du journal Golias Hebdo.

 

On les aimait

Photo Isa Prince

Photo Isa Prince

Bernard Maris est décédé le 7 janvier 2015 dans le tragique attentat contre Charlie-Hebdo.
Jean Cornil l’avait rencontré chez lui à Paris il y quelques mois. Il était un homme généreux,  attachant, subtil et passionnant.
Bernard Maris avait signé l’édito du numéro spécial de Charlie-Hebdo sur la laïcité.

Nous vous proposons cette rencontre en hommage à un homme profondément humaniste et à toutes les victimes de cet épouvantable assassinat.
Vous pouvez visionner ce film ici.

Et pour ceux qui auraient envie de passer un peu de temps avec l’œuvre dessinée de Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, vous pouvez voir et revoir leurs dessins en grand format.

 

Et moi, on m'oublie, d'Henri Lehalle

 Francisco José de Goya y_Lucientes - The sleep of reason produces monsters

Et moi, on m’oublie ?
Dieu, Dieu, Dieu, Dieu. Il n’y en a que pour Lui.
Allons, soyez méchants, pensez un peu à moi, nom de Lui !
Voyez le mal que je me donne pour conduire l’humanité à sa perte, maintenant et pour les siècles des siècles. Bref, le plus vite possible.

Oh, ici, je ne suis pas tout seul. Je ne me plains pas, Il est obligé de m’envoyer du monde : financiers, exploiteurs, imprécateurs de toute confession, professeurs vendus au grand capital, marchands de canons ou de kalach… Cela fait beaucoup.
Mais l’ambiance est morose ils passent leur temps à se chamailler pour savoir qui sera le plus loin du feu.
Alors, pour me distraire, cela fait des années que j’attendais ceux de Charlie.
Iconoclastes, pornographes, blasphémateurs, érotomanes (et woman), j’étais certain de les récupérer, tous ces sapajous et moules à gaufres que j’aurais cuisinés pour l’éternité.
D’ailleurs, ils voulaient venir avec moi, se disant qu’on est mieux en bas, au coin du feu, plutôt que dans les nuées qu’ils pensaient solennelles et glacées.
Et voilà, un petit moment d’inattention de ma part et toc, j’envoie mes tristes exécuteurs en faire des martyrs de la liberté.
Alors, Lui, évidemment, Il se les récupère. Il est trop bon. Parfois même il se garde les poseurs de bombes pensant qu’ils ont eu une enfance difficile, pas de chance dans la vie ou qu’ils ont été manipulés par d’autres… A quoi ça sert que je me décarcasse ? Mais rassurez-vous, leurs commanditaires sont toujours avec moi.

Entre nous, des humoristes, j’en ai raté beaucoup : Reiser, Coluche, Cavanna, Gébé… même le Professeur Choron, et bien d’autres. Maintenant ils sont là-haut pour la fête éternelle !
« T’avais qu’à pas te prendre pour moi » qu’il me dit, Lui.
Mais le pire c’est la suite. Désormais vous êtes tous des Charlies. Vous marchez tous ensemble, parlant de solidarité, de respect des autres, d’amour… Tout le monde se marie avec tout le monde… Quelle horreur ! Où va-t-on ?
Par tous les moi-même, je suis foutu.

Illustration : Dessin préparatoire pour « El sueño de la razón produce monstruos » (Le sommeil de la raison produit des monstres). « Sueno 1º » (23 x 155 mm). Francisco de Goya, 1797

Michel Jeury, de Joëlle Wintrebert

Michel Jeury

Nous avons reçu ce matin, 10 janvier, une très mauvaise nouvelle : notre ami Michel Jeury, qui souffrait depuis quelque temps de graves problèmes cardiaques, est décédé hier, en fin d’après-midi.

Michel avait été l’un de nos adhérents de la première heure.
Né en 1934, en Dordogne, il s’était fait connaître, au début des années 70, par des romans d’anticipation (Le Temps incertain, 1972, Soleil chaud, poisson des profondeurs, 1976, Le Territoire humain, 1979, pour ne citer que ceux-là sur les 42 romans parus) qui devaient marquer d’une empreinte formidable le monde de la science-fiction.
Michel était aussi un nouvelliste. Il a écrit une bonne centaine de nouvelles.
Au bout d’une carrière fructueuse et couronnée par les prix les plus prestigieux, il abandonnait la science-fiction qui ne lui permettait pas de nourrir sa famille pour se consacrer à la littérature de terroir, avec un succès considérable dès la publication de son premier roman dans ce genre : Le Vrai Goût de la vie, 1988, prix Terre de France/La Vie.
En 1995, son roman L’année du certif obtenait le prix Exbrayat, avant d’être adapté, dès 1996, à la télévision. Sa série sur l’école (tout comme ses essais sur cette question qui le passionnait) a été unanimement appréciée.

Récemment, Michel était revenu à ses premières amours avec un livre phare, May le monde, paru chez Robert Laffont en 2010, un chef-d’œuvre d’invention et de poésie couronné par le Grand prix de l’imaginaire 2011.
La maison d’édition « Les Moutons électriques » avait également rassemblé ses nouvelles d’anticipation dans le recueil La Vallée du temps profond (2007).
Et une importante exposition, « Entre futurs et terroirs », lui avait été consacrée en juin 2013, à Issigeac, ville où il a longtemps vécu et qui lui a dédié une rue.
L’auteur fourmillait d’idées et de projets. Hélas, la maladie a eu raison de lui.

Michel était un homme merveilleux, toujours disponible, toujours prêt à venir au secours de tel ou tel jeune écrivain qui sollicitait son aide et dont il pensait pouvoir lui servir de guide. Il y est parvenu, bien des fois.
Il a dispensé tant de conseils, et à tant d’entre nous ! Il aimait la rencontre et la discussion. Il va énormément nous manquer.

Pierre tombale imaginée par Michel Jeury en 1977

Presse :
Michel Jeury est mort
, article de Agathe Auproux, LivresHebdo, 12 janvier 2015

Pour en savoir plus sur Michel :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Jeury
http://www.noosfere.org/icarus/livres/auteur.asp?NumAuteur=36 (on y trouve les résumés et des critiques de tous ses livres de SF)
http://www.quarante-deux.org/les_Recits_de_l’espace/Michel_Jeury/ (pour lire ses nouvelles, en accès libre)
http://blog.jeury.fr

Illustrations : Portrait de Michel Jeury, ©Bruno Para, 2008 / Tiré du documentaire- fiction Opzone 24. L’écrivain avait prévu la date de sa mort en 1977 alors qu’il tournait ce docu-fiction qui décrivait Issigeac en 2050 comme une zone préservée. Il se terminait sur l’image d’une pierre tombale où l’on pouvait lire « Michel Jeury 1934-2015 ».