Quel héros, ce Léonard !, de Marie-Hélène Lafond

Quel héros, ce Léonard / Was fûr ein Held, dieser Leonard !, album jeunesse bilingue français-allemand, éditions Bernest, septembre 2022
Illustrations : Benoît Turbet

 

 

L’orage gronde dans la savane. Léonard le lion déteste la pluie et a peur du tonnerre.
En compagnie de ses amis, il part chercher un refuge. Mais voilà en chemin, un malheur survient.
Léonard saura-t-il se montrer à la hauteur ?

 

 

 

EXTRAIT

Le jour se lève sur la savane. Au loin le ciel se couvre d’un noir orage. Déjà les éclairs se succèdent. Le vent souffle en rafales, soulève des colonnes de poussière.
Comme à son habitude, Léonard, le lion, dort tranquillement sous l’acacia.
Ses lionceaux passent tout près de lui.
– Il y a de l’orage dans l’air, annonce le premier. J’adore les éclairs.
– Et moi le tonnerre.
– Même pas peur ! s’exclament-ils en chœur.
Léonard ouvre un œil, observe quelques instants le ciel.
– Bah ! À chaque fois c’est pareil. Le ciel est noir, mais il ne tombe même pas une goutte.
Léonard bâille, chasse quelques mouches bourdonnantes, repose sa tête sur ses pattes et se rendort.

Dans les yeux de Zazz’, d’Anne-Marie Jeanjean

Dans les yeux de zazz’, poésie – écriture visuelle, collection Levée d’ancre, éditions l’Harmattan, février 2022
Avant-propos de l’autrice / 4ème de couverture : Christian Cavaillé

 

 

«[…] poésie visuelle qui émeut les mots et les lettres, rend sensible le sens en jouant avec jubilation sur les similitudes et les différences […] Dans l’enfance du poème et de la graphie.
Un livre aussi poétiquement didactique qu’inventif. » C. Cavaillé

 

Pages arrachées à un livre de survie, de François Szabó

Pages arrachées à un livre de survie, poésie, livre électronique, Obsidiana Press, août 2022

 

Ce petit recueil sous forme électronique libre se veut adressé aux enfants devenus grands pour leur donner vigueur et confiance en eux, poésie de partage et de tendresse à vision féérique. Gratitude de leur présence, en se disant qu’adopter un enfant, c’est lui faire le plus beau des cadeaux.

    accès libre ici

 

 

EXTRAIT

À Véga, Tania, Dimitri, Lili et Rafael

QUI DONC
AURAIT DIT
QUE J’AURAI
CINQ ÉTOILES ?

2

QUI DONC
AURAIT FRAPPÉ
LA FORGE
DES CIEUX ?

3

AVEC QUELLE
LUMIÈRE
IRRADIER
D’ÉTOILES ?

4

AVEC QUELLE
SYLLABE
ENTAMER
LE CHANT ?

5

OÙ DONC
RETROUVER
L’ARDEUR ?

6

ET AINSI
DISPOSÉS
EN SCAPULAIRE

7

CES
CINQ ASTRES
À L’ÉMERVEILLEMENT
DU MONDE

8

ET LA
CONSCIENCE
DU DÉPASSEMENT
DE SOI

9

JOUR
APRÈS JOUR
AUBE
TOUJOURS
RÉITÉRÉE

Lyana – Un destin particulier, d’Hélène Marche

Lyana – Un destin particulier, roman, Le Lys Bleu Éditions, juillet 2022

Il s’agit d’une fiction inspirée de faits historiques et ponctuée de romance qui relate le parcours d’une jeune fille juive. Née en Algérie, Lyana a vécu la tragédie des pieds-noirs avant d’être rapatriée à Montpellier en 1962. Accueillie par une famille mormone, elle fréquentera plus tard le monde du showbiz. Au-delà de ses amours et de ses déboires, elle connaîtra des succès professionnels. Toutefois, un autre destin se dessine pour cette demoiselle qui aurait pu être une pop star des années 70, car sa bonne étoile guide toujours ses pas.

 

EXTRAIT

À la hâte, elle s’était changée et avait mis une robe à fines bretelles avant d’embrasser sa mère et de se précipiter dans les escaliers pour rejoindre Raphaël. Il l’attendait seul, sur le trottoir au coin de la rue. Ils décidèrent d’aller se promener vers les boulevards en centre-ville. Des manifestations étant prévues, nul ne prêterait attention à eux. Ils pourraient se tenir par la main librement. Les fois précédentes, croyant être tranquilles, ils s’étaient baladés en bord de mer. De justesse, ils avaient évité David, le grand-père de Lyana, qui fréquentait, de temps à autre, les bars du port. Au milieu de la foule, indifférents aux slogans scandés inlassablement, le jeune couple s’enlaçait et s’embrassait sans aucune retenue. Soudain, des tirs en rafale avaient retenti. Devant eux, des hommes et des femmes s’étaient effondrés. Instinctivement, Raphaël avait attiré Lyana sous les arcades et l’avait plaquée contre le mur, son corps servant de bouclier. Tremblants de peur, ils n’osaient bouger. Il fallait attendre l’arrêt de la fusillade. L’ennemi tirait dans les deux sens. Ils étaient apparemment encerclés, prisonniers comme des rats, en amont comme en aval. Ainsi collés l’un à l’autre, ils avaient tenté de se rapprocher d’une porte cochère pour se réfugier à l’intérieur mais elle était fermée. Malheureusement, en se déplaçant, ils s’étaient retrouvés à découvert. Sur le balcon en face, un tireur isolé les prit pour cible. Trop tard, la balle avait atteint mortellement Raphaël.

 

PRÉFACE (extrait) – Jacques Poueyo
« Plutôt que de présenter l’histoire de ce dernier roman écrit par Hélène Marche, riche en rebondissements, curiosités et belles descriptions, je préfère converser avec vous de l’auteur. Hélène est un écrivain, un vrai écrivain. Tous ses malheurs, ses frustrations et ses bonheurs, elle les dompte avec la plume. Elle a un besoin vital d’écrire jusqu’à devenir journaliste à sa retraite. Statut professionnel dont elle n’est pas peu fière. Elle a plusieurs cordes à son arc, du roman sentimental au roman fantastique, au roman plus profond, aux nouvelles empreintes d’humanité et aux contes animaliers […]
Discourons maintenant du roman. Il entremêle l’indépendance de l’Algérie, les heures sombres de l’histoire des deux pays, passions, amours, trahisons et même extrémisme religieux en l’occurrence l’islamisme. Comme dans chacune de ses œuvres, Hélène raconte à travers ses personnages complexes les failles de l’enfance. Le lecteur découvre dans chacun de ses personnages une profonde humanité…»

 

Histoires secrètes du vieux Montpellier, de Sylvie Léonard

Histoires secrètes du vieux Montpellier, beau livre, éditions Museo, juin 2022
illustrations : 100 photographies de l’autrice

 

 

Rois ou poètes, princesses ou grisettes,
ils ont tous vécu, lutté, aimé et souffert
dans les rues de Montpellier.
Destins cruels, amours sulfureuses,
aventures prodigieuses…
Une balade à travers le temps
sur les traces des histoires d’antan.

 

 

EXTRAIT (introduction)

Mars 2020. Confinement. Montpellier ville déserte.
Plus de pubs, plus d’étudiants, plus de cafés, plus de restaurants.
Dans ce grand théâtre de pierres vide, le silence.

Alors resurgissent dans les rues du Clapas*,
comme une fresque oubliée,
comme un palimpseste humidifié,
le galop des calèches, les amours du passé,
la rumeur des colères, les destins insensés,
les bruits du monde oubliés.
Toutes ces histoires extraordinaires,
rencontrées au hasard de mes lectures,
et qui bruissent encore entre les murs.
Trouver derrière les pierres les souvenirs d’antan.
Depuis longtemps, déjà, j’en cherchais les mystères.

Retrouver la vibration des passions.
Sans librairies, sans bibliothèques.
Commencer en me fiant à ma mémoire,
aux quelques livres de ma maison,
et aux murmures arachnéens de la toile.
Fouiller, creuser, faire des heures de recherches,
d’enquêtes et de contre-enquêtes
pour trouver ma voie dans ce dédale d’informations.
Au-delà de l’histoire officielle des guides touristiques.

Et puis, dans la torpeur des rues, dans la lumière des petites places,
dans le charme des calades, dans la fraîcheur des fontaines,
retrouver la trace de ces vies d’autrefois.
Mon plus grand plaisir était d’aller faire des photos,
par les matins ensoleillés d’automne,
avec, dans les rues, personne.

La voie est libre, de Jean Azarel

La voie est libre, roman, éditions Douro, collection La Diagonale de l’écrivain, juin 2022
coautrice : Hélène Dassavray

 

Ce livre de la parité ferroviaire parle des trains d’Hélène et des trains de Jean, d’une mère et d’un frère disparus, des dactylos rock et de Marianne Faithfull, des amours impossibles et des amours trop rapides, de la poésie qui roule et des transports noirs, de Blaise Cendrars et des fantômes de quelques sœurs et frères encore visibles au bout des quais…

Sur le ballast des pages, les mots étincellent et filent tels une locomotive ivre de vivre.

LA VOIE EST LIBRE. Bon voyage.

 

 

 

EXTRAIT

« Difficile de trouver plus paumée que la gare de Redneck. Oubliée de la plupart des indicateurs d’horaires. Indiquée par un seul panneau aux lettres délavées qu’il vaut mieux ne pas louper. Au bout du jeu de piste, du chiendent sur les voies. Des tags le long du ballast, que les graphistes ont dû dessiner dans toutes les positions possibles, un vrai kamasutra, ces gars sont des héros que le ministère de la culture devrait décorer de l’Ordre du Tag International.
Une cabine de WC, la même pour les hommes et pour les femmes, pas un cadeau pour les dames, distincte du hall d’attente, dont la porte crachote au vent. Le genre de lieu qui suinte la mélancolie et la bouffe en boite refroidie.
R. avait loué un wagon de seconde accroché à une loco cacochyme garée en fin de quai. En m’embrassant, il m’apprit qu’il ne passait plus que deux trains de marchandises par jour, un dans chaque sens. Il avait obtenu, sans que je comprenne bien dans quelles conditions, une autorisation de circuler. « Tu n’as pas fait de connerie au moins » lui dis-je, mais il haussa les épaules Comme je demandai où était le conducteur, il me répondit en grommelant qu’il n’y avait pas de conducteur, « Qu’est-ce que des mecs comme nous ont à foutre d’un conducteur pour mener leur vie, tu peux me le dire ? ».

Le Repaire, de Andrée Lafon

Le Repaire, roman, éditions L’Harmattan, juin 2022

Un homme dont la compagne vient de se tuer en voiture, sous le choc, a perdu l’usage de la parole. Pour adoucir cette épreuve, un couple ami l’invite à passer le mois d’août  dans sa maison des Cévennes, Le Repaire, prêt à lui offrir, outre sa sympathie, de nouveaux paysages, des visages de lieux riches d’histoire.

EXTRAIT

La mer ? Elle me fascine. Je la crois capable de tout. De noyer mes pensées ou de les bercer, selon les heures,. Je reste assez loin, je n’y entre pas, je ne la survole pas, je l’observe comme un être changeant, bizarre, inattendu. J’aime sa couleur indéfinissable et sa musique rythmée. J’aime qu’elle suive les saisons.
La mer est comme moi une confidente muette, pense Stéphane. Carole a dû se réfugier souvent auprès d’elle, guetter une réponse.

Le bruit et le roulis des vagues me manquent sur ces rochers. Ici je trouve une terre dure, sèche, impassible. Je n’entends même pas l’écho quand je pousse un cri.

Tout d’un coup, Stéphane entend son isolement. Il la voit devant la mer, il l’imagine au bord du gouffre.

La promesse de la mer d’André Gardies

La promesse de la mer, roman, éditions infimes, juin 2022

Ancien caméraman sur la Calypso, Romain Falcolon revient au Grau pour réaliser un documentaire sur la pêche artisanale traditionnelle. Bientôt cinquante ans qu’il n’a pas remis les pieds dans cette station balnéaire où, pourtant, il a passé tous ses étés depuis l’enfance jusqu’à son départ sous les drapeaux en Algérie.
Grâce aux souvenirs d’anciens pêcheurs, les techniques de pêche anciennes reprennent vie, qu’il s’agisse du trahin, du gangui ou encore et surtout de la seinche, la pêche au thon collective  à laquelle Romain enfant avait assisté
Alors qu’il entame son travail, Romain reçoit un courriel anonyme et laconique. Qui se cache derrière cette adresse « dedale30 » ? Bianca, le grand amour de ses vingt ans. Celle qui l’a trahi en épousant le fils d’une riche famille du Grau, alors qu’il était appelé en Algérie.
Jour après jour tandis que progresse le film, une histoire ancienne se ravive tout comme se ravivent chez Romain souffrances et honte accumulées pendant cette guerre qui ne disait pas son nom.

EXTRAIT

Mais bientôt l’ancien pont est apparu, le pont tournant qu’il avait si souvent contemplé quand il pivotait lentement pour livrer passage aux voiles qui gagnaient le large. Il était toujours là, fidèle à lui-même, fidèle à son souvenir.
Retrouvant un geste familier presque instinctif, venu d’un lointain passé, il s’est accoudé sur la rambarde métallique qui surplombait le canal. Devant lui s’ouvraient au loin sur la mer infinie les deux bras tendus de la jetée, avec le pouce levé de leurs deux phares et leurs bracelets de bateaux qui tintinnabulaient sous la brise. Toujours le miracle de cette vue inchangée, comme immuable, insensible au temps qui passe. Venu du large, le vent léger lui caressait les joues. C’était l’heure de la marée rentrante. À ses pieds sous l’appontement, entre le quai et un chalutier, là où le courant s’amollit, de maigres détritus flottaient et dérivaient lentement à contre-courant, entre lesquels se glissaient furtifs de petits poissons aux éclairs d’argent. L’odeur ! Oui, l’odeur. C’est elle qui l’a saisi aux narines comme une évidence : la même, exactement la même qu’avant. La même que celle de ses six ans, de son enfance, de son adolescence. Inchangée. Un mélange d’iode, de vase et d’embrun, d’eau à demi endormie au clapotement huileux avec, résiduelle, incrustée, remontée depuis des générations dans les mailles des filets, cette haleine de varech, de marée, d’oursins et d’écailles de poissons qui achèvent de sécher au soleil. Un bouquet unique, l’essence même du Grau. Et sous la plante de ses pieds, gagnant jusqu’aux mollets, il a ressenti à nouveau le tremblement sourd du tablier au passage des voitures qui, dans son dos, roulaient au pas. En même temps lui est revenu le souvenir tactile du revêtement en cordage tressé quand au retour de la plage, pieds nus, serviette de bain sur l’épaule, il évitait soigneusement les plaques de métal du passage piéton qui, sous la canicule de midi, lui brûlaient la voûte plantaire. Il aimait la caresse douce et râpeuse de ce tapis singulier avant de retrouver à la sortie du pont la chaleur molle du goudron.
Venue de l’embouchure, une barque à moteur remontait le canal de son train de sénateur, traçant un sillon dont les ondes allaient s’élargissant pour venir caresser la coque des bateaux provoquant leur discret balancement, presque imperceptible. Les vaguelettes montaient, descendaient, de moins en moins fortes, jusqu’à leur extinction avec l’éloignement de la barque. Ramolli, un sachet plastique flottait transparent entre deux eaux comme une méduse morte. Quelques mouettes criaillaient là-bas à l’entrée du môle. Le Grau de son enfance n’avait pas disparu. Il était là, concentré sur ce pont.

La toute petite grenouille, de Marie-Hélène Lafond

La toute petite grenouille,album jeunesse, collection Première Feuille, éditions Feuille de Lignes, mai 2022
Illustrations : Grégoire Durupt

Sur le bord d’une mare, une toute petite grenouille verte contemple avec envie de magnifiques nénuphars au milieu des eaux. Mais comment les atteindre ? Elle est si petite… Seul le canard accepte gentiment de l’amener sur une feuille.

Le soir venu, il faut bien rentrer. C’est alors que la petite grenouille rassemble ses forces et accomplit seule le chemin du retour. Elle a réalisé qu’elle savait sauter et atteindre sans aide la rive. Elle a grandi et est devenue autonome en mettant en œuvre ses propres ressources.

EXTRAIT

Sur le bord d’une mare, une toute petite grenouille verte contemple cinq magnifiques nénuphars, au milieu des eaux.
– Je serais si bien à me reposer sur une de ces grandes feuilles, avec ces jolies fleurs pour me faire de l’ombre.
Mais comment atteindre ces nénuphars quand on est si petite grenouille ?
– Tu n’as qu’à voler, lui dit la libellule posée sur un brin d’herbe.
– Voler ? Mais c’est impossible, je n’ai pas d’ailes ! s’exclame la toute petite grenouille.
– Bah ! Alors je ne peux rien pour toi, dit la libellule en s’envolant.

SOCRATE MÉDECIN pour temps de crises et catastro-phes, de Jean-Louis Cianni

SOCRATE MÉDECIN pour temps de crises et catastrophes, essai, éditions Le Relié, mai 2022

Les crises actuelles nous amènent à ne plus rien savoir, plus rien comprendre, plus rien espérer. Comment et quoi penser dans un climat aussi turbulent qu’anxiogène ? Comment ne pas sombrer dans la peur et la tristesse et réactiver l’envie de vivre ? Cet essai propose de remonter aux sources, auprès de Socrate, qui quatre siècles avant notre ère, dans une Athènes en plein désastre, invitait ses concitoyens au soin à travers le questionnement philosophique. D’une actualité saisissante, les remèdes que Socrate proposait à l’individu et au citoyen sont plus que jamais indispensables.

 

 

EXTRAIT DE LA CONCLUSION  :
Poison, en grec, se dit pharmakon, d’où est extrait notre pharmacie. Le mot porte une ambivalence. Il signifie à la fois le poison et le remède. Socrate a voulu guérir les Athéniens malades dans leur âme et dans leur cité. Il leur a proposé son antidote, inoculé son vaccin philosophique. Son traitement associe les ressources de la pensée, la critique du discours, la recherche en commun de la vérité et d’un bien supérieur. Socrate en est mort, pourrait-on objecter. Mais nous, à sa différence, nous sommes désormais nos propres juges et nos propres accusés.
Bien avancé, notre procès est toujours en cours Nous approchons peut-être du moment où nous aurons à boire notre ciguë. À ce point de tension extrême, nous restons libres de ne pas nous condamner.

Les Trois Livres du tendre, de François Szabó

Les Trois Livres du tendre, poésie, Obsidiana Press, avril 2022

 

À chaque Sant Jordi, François Szabo sort une publication célébrant Carole.
Et c’est ici avec une immense tendresse que se conjugue la poésie : L’Abri côtier, L’Éventail inventorié, Semer semaine après semaine. Textes qui se succèdent et indéfiniment recomposent la vie amoureuse, une offrande lyrique en quelque sorte…

(un livre électronique gratuit)

 

Les Trois Livres du tendre, c’est ici

consultable à volonté, demeure parole délivrée, à vous de la goûter.

 

Petit air de cornemuse avant naufrage – Meurtre à La Rhune, de Pierre-Jean Brassac

Petit air de cornemuse avant naufrage – Meurtre à La Rhune, roman noir, collection le geste noir, La Geste éditions, mars 2022

Quatre doctorants en archéologie font une découverte capitale qui pourrait permettre le déchiffrement d’une très ancienne langue disparue. Leur succès à double tranchant risque fort de bouleverser non seulement les conceptions scientifiques en vigueur dans leur discipline, mais aussi, et peut-être surtout, leur propre existence.

 

EXTRAIT
Toute fin est un début

Une longue silhouette noire s’effondre sur le canapé. Dans l’immense salon du manoir, nul autre personnage pour l’instant. Seul dans ce théâtre du luxe et de la richesse familiale, la tête jetée en arrière sur le dossier de cuir noir, l’homme émet de faibles gémissements. Voici un instant, quelques sons inarticulés glissaient encore entre ses lèvres, tombantes de trop d’alcool. Il se nomme Jean-Guy Sancho d’Arastégui.
Son abdomen se soulève par intermittence. Outre la pâleur extrême du visage, ce grand corps longiligne enveloppé dans son vêtement moulant de peau sombre ne fait qu’un avec le canapé. Devant lui, sur une table basse, deux bouteilles d’alcool presque vides. L’unique éclairage du salon les fait scintiller. Ainsi la nuit n’assombrit-elle pas totalement le vaste espace où Jean-Guy Sancho d’Arastégui se tient depuis une dizaine d’heures.
Dehors, entre les oléandres, une femme en survêtement de sport, tente de comprendre le sens de la scène qui se déroule à l’intérieur de l’édifice, derrière la baie vitrée. Elle demeure immobile, les bras pendant le long du corps. Elle a parlé au téléphone à cet homme, voici un peu plus de vingt-quatre heures.
Sur le canapé du salon, une série de violents spasmes secoue le corps de l’homme. Sa chevelure désordonnée en émerge comme d’un obscur castelet. Son cou se tord. D’un côté. Puis de l’autre.
La femme garde le silence, écrase entre le pouce et l’index la fleur qu’elle vient de cueillir sans y penser. Elle ne peut détacher son regard des deux bouteilles, aussi brillantes que deux balises lumineuses marquant la sortie d’un chenal la nuit. L’alcool est sa mouture de chasteté ; au moins ne va-t-il pas chercher ailleurs son sursaut hormonal.
Quelles pensées traversent le cerveau de cet homme ? Sa matière grise imbibée en produit-elle encore ? Ou bien ne reçoit-elle plus que des sensations ? Des images, peut-être… Non, plutôt une pesanteur. Même pas une souffrance. Un décollement de la rétine intérieure. Un relâchement généralisé. Ce qui s’installe en lui peu à peu, vient se substituer à sa personne. À la fièvre succédera le froid que l’on ne sent plus. Ses tissus se préparent au gel de l’après.
Quelqu’un l’appelle par son prénom. Son père peut-être, de sa voix jeune d’il y a si longtemps. Ces syllabes procèdent encore de la vie. Avant le mur, la séparation, le terrain vague. Il ne verra pas l’autre côté du mur, là où la matière se défait, où l’esprit gélatineux abandonne à l’air du temps les idées qui l’animaient. Ce terrain vague n’est pas fait pour les vivants. Les vivants ne connaissent d’autre temps ou espace que celui de la vie.